Derrière l’ancien commissariat Castéja, les archéologues exhument chaque jour de nouveaux corps. Lorsque les fouilles ont démarré sur un ancien parking, un site dédié à un projet immobilier au centre de Bordeaux, ils pensaient découvrir les restes de 200 personnes.
Après quelques semaines de travail, ce sont plus de 600 défunts qui ont été enterrés là pendant l’Antiquité et au début du Moyen-Âge. Cette nécropole est « exceptionnelle » et promise à devenir « une référence en France », estime Xavier Perrot, archéologue à Hadès, un bureau d’investigations mandaté par Gironde Habitat pour les fouilles de Castéja :
« On ne compte que 3 équivalents de cette nécropole en France, et une en Bavière, poursuit-il. Dédiée à un usage funéraire au IVe siècle de notre ère, elle a accueilli différents modes d’inhumation : des sépultures individuelles, sous tuiles ou dans des amphores funéraires, et dans un deuxième temps des fosses à inhumation multiple, probablement liée à la gestion d’une épidémie pendant la deuxième moitié du IVème. L’abondance de corps montre en effet que le but était d’enterrer les morts au plus vite ».
Lire dans les os
Les archéologues ont découvert 81 fosses, et après examen en laboratoire des osssements, ceux-ci pourraient révéler la cause de l’épidémie – la peste laisse des traces sur les mandibules, la lèpre marque les os. « Ce sont des données scientifiques rares car nous n’avons pas d’archives écrites », souligne Xavier Perrot.
La religion des personnes inhumées demeure aussi inconnue. Malgré la présence voisine de la basilique de Saint-Seurin, considérée comme le berceau du christianisme bordelais, et de son cimetière, l’équipe n’a pas trouvé à Castéja de « marqueurs de chrétienté ».
Elle peut mieux voir en revanche comment la cité était organisée, en remettant à jour la trame parcellaire du bourg en périphérie de Burdigala, et la voie antique, le decumanus, qui menait à la ville fortifiée. Après avoir essuyé quelques attaques, Bordeaux avait construit des enceintes là où passent aujourd’hui les cours de Chapeau Rouge, de l’Intendance et d’Alsace-Lorraine, ainsi que la place Gambetta et la rue des Remparts.
Le Bas-Empire connaissait en effet un phénomène de repli des villes, et Bordeaux n’a pas échappé à la règle. Aujourd’hui, la tendance est plutôt inverse. Les chercheurs collectent ainsi le maximum d’informations avant la destruction de la nécropole, car sur son emplacement doit être creusé un parking souterrain, et érigés une école et des logements sociaux.
« On ne peut pas vivre dans un pays musée »
« En fouillant, on détruit aussi, mais avec minutie, affirme l’archéologue. Le but des recherches n’est pas de tout préserver. Il y a des vestiges partout en France, et on ne peut pas vivre dans un pays musée ».
L’ensemble des découvertes seront toutefois étudiées en laboratoire, et remises à l’Etat. En fin de semaine une commission interrégionale archéologique se rendra sur place pour estimer les mesures prioritaires à mener, et le temps nécessaire pour terminer les fouilles à Castéja, prévues pour durer au moins jusqu’à fin janvier 2017. Mais le chantier du projet Republic, porté par Gironde Habitat, ne devrait pas être retardé, a fortiori remis en cause, par l’intérêt de la découverte archéologique.
Les visiteurs sont d’ailleurs bienvenus : des visites des fouilles ont lieu tous les mardi, mercredi et jeudi. Inscription nécessaire sur le site internet projet-republic.fr.
Chargement des commentaires…