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Darwin mangé à la sauce Bastide-Niel ?

Rattrapé par les projets d’aménagement de la ZAC Bastide Niel qui entrent cette année en phase opérationnelle, l’écosystème Darwin va perdre la jouissance d’une partie des espaces qu’il utilisait jusque-là via des autorisations d’occupation temporaire. Avec comme corollaire le départ de certaines des activités qui y étaient proposées.

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Darwin mangé à la sauce Bastide-Niel ?

Le torchon brûle entre la mairie de Bordeaux et Darwin. Situé au cœur des 34 hectares de la future ZAC Bastide-Niel, l’écosystème, qui occupe de manière pérenne seulement un hectare de cette zone (à savoir les Magasins Généraux et les espaces de bureaux) et via des autorisations d’occupation temporaire (AOT) environ 2 autres hectares (où l’on trouve notamment le skate-park, Emmaus, la Zone d’Agriculture Urbaine Expérimentale ou encore les tétrodons dédiés à l’hébergement d’urgence) doit en effet, comme l’a clairement stipulé la mairie le 12 janvier, « libérer l’espace ».

Comprendre : laisser la place à la société d’économie mixte Bordeaux Métropole Aménagement (BMA ) qui y pilote la construction entre autres, d’un parking ou de logements, dans le cadre du réaménagement de ce quartier. Aurélien Gaucherand, le président de la 58e, la structure qui fédère les 40 associations de Darwin, n’en revient pas.

« La Mairie nous a annoncé tout de go la fin de notre autorisation d’occupation temporaire. On savait que c’était temporaire, mais on n’était pas dans la même temporalité que la Ville et nous pensions pouvoir jouer les prolongations. »

Aurélien Gaucherand, le président de La 58e, Nathalie Bois-Huyghe la présidente du lycée alternatif et Philippe Barre, l’un des fondateurs de Darwin (AC/Rue89 Bordeaux)

Évacuation « sans délai »

Mais, hormis une reconduction accordée au Hangar Darwin qui héberge le skate park, jusqu’en 2020, c’est une évacuation « sans délai » qui, selon Philippe Barre, a été demandée pour les autres structures accueillies sur le site, tels Emmaus, le Roller Derby, la ZAUE, le lycée alternatif (LEM) ou le village d’accueil d’urgence. Une interprétation démentie ce mercredi dans un communiqué par la mairie de Bordeaux.

En tout, sur une quarantaine d’associations qui regroupent 5000 adhérents, emploient une vingtaine de salariés et profitent à 15000 usagers, une trentaine serait concernée, et devront trouver une solution de repli d’ici l’été ou au plus tard avant la fin 2017.

« Nous leur proposerons des solutions de relocalisation, précise Elisabeth Touton, adjointe au maire de Bordeaux en charge de l’urbanisme, et pilote d’un groupe restreint sur le sujet. Notre but n’est pas de mettre un point d’arrêt à cet écosystème qui est une vraie chance pour Bordeaux. Mais nous ne pouvons pas accepter que les choses ne s’y passent pas normalement : nous nous trouvions dans une situation où, de fait, il n’y avait même plus d’autorisation d’occupation temporaire, il fallait donc recadrer tout ça. »

En effet, et c’est peut-être depuis ce moment que la situation s’envenime, en juin 2016, les gestionnaires de Darwin ont refusé de signer les AOT proposées par BMA. Ce qui, de facto, rend les assurances caduques et confère les responsabilités en cas d’accident à la Ville. Explications de Philippe Barre, un des fondateurs de Darwin :

« Nous voulions de nouvelles clauses et notamment faire que les espaces concernés ne soient soumis qu’à deux AOT et non quatre, comme c’était le cas, afin d’assurer une meilleure fédération de nos structures. Alors qu’un accord nous avait été donné lors d’une réunion, nous avons reçu un courrier qui stipulait que les quatre AOT étaient maintenues. Bref, devant le fait accompli, nous avons pris la décision de ne pas les signer. »

Suite à ce premier couac, un arbitrage avait été demandé à Alain Juppé. Qui a donc choisi tout récemment de se ranger du côté des aménageurs et du droit en lançant un ultimatum aux darwiniens.

La ferme Niel qui pourrait être remplacée par des logements dans le cadre de la ZAC Bastide Niel (AC/Rue89 Bordeaux)

Une réunion de crise

Cette décision a surpris toutes les associations concernées. En particulier celle qui gère le centre d’accueil d’urgence, alors qu’une période de grand froid est annoncée. Jeudi prochain, une réunion de crise est prévue. Objectif : déterminer ensemble comment réagir.

« Il faut que nous prenions une position solidaire », souligne Pascal Lafargue, le président d’Emmaus 33, qui espère vraiment pouvoir sauvegarder un « projet, qui est un modèle de vivre ensemble. Nous ne devons pas négocier individuellement. Le ton est monté mais nous ne devons pas nous braquer ».

Pour Jennifer du Roller Derby, pas question non plus de dealer en solo avec la mairie :

« On ne veut pas se laisser prendre au piège du diviser pour mieux régner. »

Même si, abasourdie par la précipitation de la mairie, elle avoue ne pas croire à une solution de relocalisation.

Camille, de la ferme Niel, ne cache pas sa colère :

« On n’est pas relocalisable, c’est consternant tout ça. Bien sûr, on savait que c’était temporaire mais on pensait que le succès, l’ampleur de ce qu’on a fait pourrait faire infléchir la Ville. Nous on plante des salades, on est là pour emmerder les bétonneurs… Si on continue comme ça, on va vraiment avoir une ville de merde, comme à Ginko ou aux Bassins à flots. Je ne pensais pas que Juppé baisserait sa culotte devant les investisseurs. »

Sollicitée par Rue 89 Bordeaux, BMA n’avait pas répondu ce mardi soir. Parallèlement, un comité de soutien déjà actif à la caserne Niel se prépare en attendant l’accord des associations concernées.


#urbanisme

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Photo : Wikimedia Commons

Photo : WS/Rue89 Bordeaux

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