Ne pas finir son assiette, laisser pourrir des fruits et légumes ou même jeter son pain dur peut nous arriver quotidiennement. Mais, aujourd’hui, ces petits gestes qui paraissent anodins représentent un gâchis de nourriture considérable, un vrai coût pour la société. Les plus gaspilleurs ? Les restaurants et les grandes surfaces.
En France, cela représente 10 millions de tonnes de nourriture perdue par an, soit 16 milliards d’euros partis en fumée. Un coût économique mais aussi écologique avec l’émission de gaz à effet de serre lors de l’incinération des denrées perdues. L’État a commencé à s’intéresser à la question et a légiféré pour inciter à la lutte contre ce gaspillage (lire ci-contre), ouvrant la voie à des initiatives privées.
Rue89 Bordeaux vous propose un petit tour d’horizon non exhaustif d’initiatives et de projets locaux qui apportent des solutions à ce phénomène.
Le Bocal Local cultive votre jardin
Situé à Pompignac près de Bordeaux, le Bocal Local est en activité depuis 2015. Cette association intervient chez des particuliers pour entretenir leurs potagers et leurs arbres fruitiers. Puis elle récolte le surplus et le redistribue en l’état auprès d’association de dons alimentaires, des Restos du cœur ou des épiceries solidaires. L’idée du Bocal Local émane d’une expérience personnelle de Stéphanie Dartigue :
« Quand nous sommes arrivés à Pompignac avec ma famille, nous avons perdus 30 à 40 kilos de brunions qui ont pourri sur pieds dans notre jardin, raconte la fondatrice de l’association, qui compte aujourd’hui deux salariés. Le gaspillage alimentaire est souvent subi. On ne sait pas comment s’y prendre, on est âgé, on n’a pas le temps, etc. L’idée du Bocal Local est d’aider ces personnes-là ».
En un an, le Bocal Local a collecté 9 tonnes routées vers des associations locales.
« On avait reçu plus de 30 tonnes de produits mais on a dû en refuser une grosse partie parce qu’on n’avait pas la logistique suffisante », regrette Stéphanie Dartigue.
A terme, le but du Bocal Local, association reconnue d’intérêt général, est « d’insérer des personnes éloignées de l’emploi via la lutte contre gaspillage alimentaire », détaille sa fondatrice. Un projet qui sera mis en place dès 2017 vise à accompagner aussi des demandeurs d’asile.
« C’est très touchant parce qu’une femme âgée, chez qui on récolte des kakis, nous a dit que grâce à nous, elle avait l’impression de retrouver une utilité sociale », se souvient Stéphanie Dartigue.
L’association a pour projet de grandir avec l’ouverture d’une conserverie solidaire au printemps 2018 afin de transformer les fruits et légumes récoltés en soupe, purée, confiture, etc, et augmenter encore un peu plus leur durée de vie.
Avec Crumbler, il n’y a plus de pain perdu
Crumbler est une start-up incubée dans la couveuse d’entrepreneurs Anabase, à Bordeaux. Le concept ? « Transformer du pain dur en cookies, muffins, terrines, quiches, etc. », explique Franck Wallet, un ancien ingénieur en système urbain à l’origine du projet. La start-up sera officiellement lancée à la mi-mars et proposera aux professionnels d’éliminer leurs pains perdus en le réutilisant dans de nouvelles recettes. Grâce à une machine, le « Crumbler », les croutons sont réduits en miettes et utilisés comme farine.
« Il faut inciter tous ceux qui ont du pain dur en surplus à le transformer. Pour démarrer, on se concentre vraiment sur les professionnels, comme les boulangeries ou les grandes surfaces, et après, à terme, ce seront les particuliers », projette Franck Wallet.
La start-up vendra un kit comprenant, le « Crumbler » et un livre de recette élaboré avec des chefs et des pâtissiers. Un projet sur lequel le start-uper travaille depuis plus d’un an.
« Je travaillais chez Expliceat, une entreprise qui lutte contre le gaspillage alimentaire, et de là j’ai commencé à travailler sur le pain. J’ai tout fait avec : je l’ai bouilli, cuit, je l’ai travaillé sous toutes les formes possibles avant de réduire le pain dur en farine et l’incorporer dans d’autres recettes », raconte-il.
Tous les outils sont presque en place pour être lancés à la mi-mars. L’aventure « démarre vraiment maintenant », explique Franck Wallet.
Elixir, concentré de conserverie solidaire
C’est une conserverie solidaire qui ouvrira ses portes à la fin de l’année. Ce projet initié par la Crepaq (Centre de ressource d’écologie pédagogique d’Aquitaine) est repris par Serge Pezzino qui travaillait déjà dans le secteur de l’agro-alimentaire. Il a pour objectif de traiter 1 000 tonnes de déchets alimentaires par an grâce à sa future entreprise de 22 salariés. Installée à Blanquefort, celle-ci emploiera des personnes en situation de handicap.
« L’idée est de transformer des produits invendus, perdus, tous ceux qui n’ont pas pu être distribués dans des circuits habituels, détaille Serge Pezzino. Ces produits impeccables, comestibles, seront transformés en soupe, compote, confiture, purée… puis distribués dans des grandes surfaces, dans la restauration collective et dans l’aide alimentaire. C’est l’idée d’une conserverie, même si on ne fera pas que des conserves ».
Financé par la Région Nouvelle Aquitaine, Bordeaux Métropole, le département de la Gironde, l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), le projet a été incubé par Atis (Association territoires et innovations sociales).
« J’y travaille depuis février 2016, c’est un gros travail de coordination et de mobilisation de partenaires, de la collecte jusqu’à la distribution. C’est passionnant, c’est un éco-système radicalement différent de l’économie ordinaire. C’est de l’économie sociale et solidaire et qui est, en plus, dans le développement durable. »
Serge Pezzino espère assoir ce nouveau modèle en Gironde puis l’exporter ailleurs en France.
Too Good To Go, le Doggy Bag dans une appli
Application lancée par une start-up parisienne en avril 2016, et présente à Bordeaux depuis octobre 2016, Too Good To Go permet aux restaurants de mettre en vente leurs invendus à prix cassé à la fin de la journée. Une bonne affaire pour les clients puisque les établissements s’engagent à pratiquer une réduction d’au moins 50% sur les produits.
En début de semaine, les établissements participants évaluent le nombre de repas qu’ils pourront mettre à disposition des utilisateurs, l’application appelle cela des « parts ». Ensuite, les clients choisissent un restaurant et commandent une « part » qu’ils pourront récupérer à une heure précise, souvent en fin de soirée.
Les parts sont généralement des sac surprises avec les restes de ce que n’a pas pu vendre l’établissement. Karl, Coluche, Bag’elles coffee ou Le Santosha sont déjà partenaires de l’application. Au total, plus de 25 établissements se sont déjà lancés dans l’aventure à Bordeaux.
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