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Ce que cache l’appel aux dons pour sauver le pont de pierre de Bordeaux

Un appel aux dons vient d’être lancé par Bordeaux Métropole pour sauver le pont de pierre. Avec bientôt deux siècles de vies, l’édifice vacille. Ces travaux à venir cachent un autre effondrement en cours, celui des finances publiques, selon l’opposition métropolitaine.

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Ce que cache l’appel aux dons pour sauver le pont de pierre de Bordeaux
Vue du Pont de pierre à Bordeaux depuis la rive droite (XR/Rue89 Bordeaux)

Le pont de pierre se tasse et avant qu’il ne se casse, la Métropole en appelle au portefeuille des mécènes. Le suivi du comportement du pont a détecté en effet un tassement de l’ordre de 2 à 4 millimètres sur les trois quarts de ses 16 piles.

Causes de cette faiblesse : le courant particulier de la Garonne avec ses flux et reflux de la marée, les dragages en amont et en aval et la circulation importante. En l’absence de travaux, « l’ouvrage pourrait être confronté à une instabilité générale des fondations », indique la métropole.

Un chantier de 1992 à 1994 puis en 2002 ont permis de consolider les piles 1 à 6. Il en reste donc 9 à sauver. Une première phase de travaux débutera au printemps prochain et jusqu’à l’été 2018. La circulation ne sera pas stoppée et l’expérimentation d’un pont sans voiture sera aussi bel et bien lancée durant l’été prochain. Avant une seconde phase de travaux avec le renforcement des piles, cette consolidation coûte 11,7 millions d’euros.

Des patrons déjà présents

Or, les contraintes budgétaires sont là. Des millions d’euros de recettes ont été perdues par la Métropole depuis quatre ans (200 millions selon le groupe communiste) à cause de la politique de l’Etat dite de « maîtrise des dépenses publiques ».

Pour sauver le pont de pierre, Alain Juppé compte sur de généreux donateurs pour trouver 10% des travaux soit un million d’euros. Une première sur ce thème en France.

Il faut dire qu’en plus de prestige qu’il rapporte, le don (qu’il soit en argent, en nature ou en compétence) est rentable puisqu’il se transforme en exonération fiscale à hauteur de 60% pour les entreprises et de 66% pour les particuliers voire 75% pour les redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

Encadré par la Fondation du patrimoine, l’appel n’a ni plancher ni plafond et déjà quatre donateurs émérites. En plus d’être citoyens, il sont patrons d’entreprises : Denis Mollat, patron de la librairie et Andras Boros, directeur régional du promoteur immobilier Altarea Cogedim. Le fabricant de cannelés La Toque Cuivrée et grand cru classé Le Domaine de Chevalier verseront aussi leur écot.

Ce lundi lors du conseil municipal de Bordeaux, l’élu PS Matthieu Rouveyre a estimé que cette initiative était « hautement inappropriée », et jugé « à la limite de l’indécence de financer des infrastructures d’intérêt général par des subventions privées ».

« Les élus prennent le risque de devenir les obligés des sociétés privées, et ce risque est grand lorsqu’elles sont intéressées par la commande publique. Or l’un des mécènes (Altarea Cogedim, NDLR)  est directement impliqué dans la ZAC Brazza, dont les permis de construire sont en train d’être instruits. Comment avoir esprit libre ? Une charte a été adoptée, mais on ne devrait pas mettre élu dans une telle situation. »

Effritement

Cet appel aux dons est une mauvaise nouvelle, selon le groupe communiste qui avait voté contre au conseil métropolitain. Il est symptôme de l’effritement d’une politique publique des grands travaux.

Sans nier les difficultés financières imposées par l’État, Claude Mellier constate que quand « la solidarité nationale est absente, c’est l’esprit caritatif qui l’emporte ». Faute de deniers de l’État, un prêt aurait selon elle pu être envisagé.

L’écolo Pierre Hurmic regrette qu’Alain Juppé n’ait pas « trouvé un mécène pour financer le grand stade plutôt que d’ériger notre ville en mécène généreux du foot-business ».

Comme un réflexe

Le conseiller métropolitain PS Matthieu Rouveyre sur sa page Facebook s’agace :

« Alain Juppé, qui a vidé les caisses de la Ville et de la Métropole en finançant ses projets pharaoniques demande l’aumône aujourd’hui aux Bordelais pour trouver de l’argent nécessaire à la rénovation du Pont de Pierre. Demain, il va falloir aussi lancer une souscription pour payer les écoles ou les transports ? »

Financer ainsi des écoles a déjà été appliqué outre-Atlantique, aux Etats-Unis pays pionner dans la philanthropie et favorisant les quartiers huppés. Sans en être là, la métropole souhaite « développer une culture du mécénat » et l’instituer « comme un réflexe en matière de recettes. »

Ce mécénat défiscalisant (et donc appauvrissant les recettes de l’Etat) pourrait se voir appliquer dans l’agglo sur des évènements, équipements (Eté Métropolitain, refuges périurbains) et projets de restauration de patrimoine ou de protection de l’environnement. Le panel est large.


#mécénat

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