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Expéditions légères : #5 Beaux regards

Rassemblant une scientifique, une réalisatrice, un écrivain et deux accompagnateurs, l’expédition Alosa alosa, utilise le kayak pour suivre le parcours migratoire des aloses entre leur lieu de naissance et l’océan.

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Expéditions légères : #5 Beaux regards

(© Mélanie Gribinski)

C’était il y a deux semaine déjà. J’y reviens avec plaisir. Pour faire durer. Et puis ce ne sont pas quelques lignes de blog écrites sur le fil de la fatigue qui auront épuisé la bobine du dire. Le passage du barrage éventré de Beauregard, à Agen.

Masqué par des lunettes de soleil le regard panoptique de Boris Lesimple, habitué à surveiller des apprentis kayakistes dans les rouleaux de Lacanau après avoir un temps travaillé au bon alignement des chiffres dans une succursale bancaire, a saisi trois données importantes : le canal de dérivation que nous comptions emprunter est à sec ; il y a une brèche dans l’ouvrage, côté gauche, avec un très faible débit, par laquelle nous pourrions manutentionner le kayak double qu’il occupe avec Mélanie et le kayak de mer manœuvré par Eric ; le rapide principal – un beau classe 3 selon l’ancien compétiteur en eau vive – est l’accès le moins risqué pour les vernis de Silverado et Vailima. Á condition – et là, ouvrant le reste du visage autour des lunettes réfléchissantes, le regard bleu s’est éclairé – d’être conduit par un expert.

On s’attarde un peu sur l’ouvrage défoncé, territoire, depuis 1970, des hérons et des trembles pionniers. Sous la chute, un peu à l’écart de l’effondrement des eaux, nous apercevons un imposant silure entouré tantôt d’un nuage d’ablettes, tantôt d’une anguille, tantôt d’un gros barbeau fluviatile à nageoires jaunes. Les uns remontent le courant par un accès invisible, l’autre attend bouche ouverte la cohue des descendants. Dans ce flux bouillonnant c’est à peine si nous aurons eu le temps de voir Boris, agile comme un saumon, descendre les deux périssoires en bois.

Nous longeons maintenant les gravières de la réserve naturelle de la frayère d’alose, refaisant le parcours typique des œufs de grande alose toujours émis et fécondés en aval d’une accélération et en amont d’un haut-fond de graviers où ils viendront se coller quatre jours, le temps de se transformer en larve – une paire d’yeux sur un fil – et de commencer, portés par le courant, leur dévalaison orpheline. Orpheline mais pas inerte. Les larves puis les alevins, sont pleins d’énergie et de ressource, précise Françoise alors que nous passons sous l’arche centrale du pont-canal d’Agen. La vie des péniches empruntant les eaux toujours droites et tranquilles du canal latéral de la Garonne est-elle plus enviable ?

 


#Alosa alosa

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