Mieux vaut aimer les basses pour vivre ce week-end dans le Haut-Cenon. Jeudi soir, à minuit, les boucles techno de Paul Kalkbrenner résonnent dans toute la cité. Le DJ allemand fait bondir les festivalier de Climax, mais se retourner dans leur lit des riverains excédés.
« C’était horrible, j’avais l’impression que c’était dans mon salon, s’exclame par exemple ce vendredi Aurélie, 28 ans, qui vit dans la tour située devant le Rocher de Palmer. Je me lève tous les jours à 4h45 pour mon boulot dans un supermarché, c’est pas top. Du coup je me tâte pour aller dormir ce soir chez quelqu’un de ma famille. »
Selon Karim, 35 ans, la musique était tellement forte que « les murs ont vibré », et que cet ouvrier du bâtiment, qui travaille de nuit et rentrait tout juste du travail, a eu du mal à trouver le sommeil. « Mais bon, il y avait des affiches sur les vitres de la résidence (elle aussi en face du Rocher, NDLR). Ils préviennent, donc pas de problème. »
Tout juste rentrée de congés, Aurélie a elle découvert au dernier moment les conséquences désagréables du déménagement du festival d’une friche loin de toute habitation, la caserne Niel, à un quartier peuplé, le Haut-Cenon. Certains habitants s’énervent notamment contre les difficultés de stationnement.
Première ligne
La mairie de Cenon et le groupe Evolution, organisateur de Climax, ont pourtant bien tâché d’informer en amont les habitants, en tenant une table lors des marchés du quartier, en posant des affiches sur les portes des résidences, et en invitant les voisins en première ligne.
Par courriers nominatifs, 200 d’entre eux se sont ainsi vu offrir la possibilité de retirer des pass pour les trois jours du festival – 150 autres ont été distribuées aux associations de la ville, et 100 à ses agents. Soit 450 places sur une jauge de 9000, ce qui n’est pas négligeable, « ni neutre financièrement », indique Jean-Marc Gancille, l’un des organisateurs de Climax.
Sur la vingtaine d’habitants du Haut-Cenon avec lesquels nous avons discuté ce vendredi, aucun n’avait toutefois reçu d’invitation, et ignoraient que des entrées gratuites étaient distribuées aux riverains.
« Mais tous les habitants de Cenon bénéficient d’un tarif préférentiel à 20 euros (au lieu de 43 euros l’entrée à la journée, NDLR) pour que le maximum de gens puissent en bénéficier », indique le maire, Jean-François Egron.
Au lendemain de la première soirée de Climax, ce dernier assure avoir eu « quelques retours de gens agacés par les nuisances, mais pas à la mesure du nombre d’habitants du quartier. D’autres bénéficiaient du bruit mais voulaient avoir aussi l’image, et sont passés en mairie pour récupérer des pass. Il nous en reste quelques uns, si des riverains sont intéressés. On gère la situation ».
Rappeurs sur la ville
L’édile se dit par ailleurs ravi d’accueillir « un spectacle culturel unique et exceptionnel sur ce territoire, avec son aspect de réflexion et de dialogue. » Seulement, aucun des Cenonnais rencontrés par Rue89 Bordeaux ne connaissaient la dimension politique de l’évènement (tout comme sans doute bon nombre de festivaliers, du fait de l’absence de débats et de prises de paroles sur place).
Très peu avaient même regardé le programme. Et un seul s’y était rendu la veille, grâce à une place offerte par des copains bordelais – « Sinon, c’est un peu cher, estime Bashan, 21 ans. Mais c’était super. » James est beaucoup moins emballé :
« Wesh, c’est mal organisé. Ils viennent nous casser les couilles avec leur musique, au moins qu’ils invitent, lâche le jeune homme de 28 ans. Et ils pourraient amener de la musique qui plait aux jeunes, des rappeurs comme Kaaris ou Damso, ça ferait un tabac, et venir plus de 100000 personnes. »
La programmation très pop, rock et électro les deux premiers jours d’une part, et le prix des entrées de l’autre, ont sans doute freiné les jeunes du quartier, laissant Palmer aux bourgeois bordelais.
« De visu, j’ai vu le public habituel, assez propre et blanc, reconnait Jean-Marc Gancille, de Darwin. Mais le programme va évoluer, avec S-Crew, le groupe de Nekfeu, ce samedi. L’enjeu pour nous sera lors des éditions à venir de ne pas être hors sol, de bien s’ancrer dans le territoire, et de ne pas plaquer un truc que les gens n’attendent pas. »
Comme un symbole : à Climax sauce Cenonnaise, les camions à kebab sont hors de l’enceinte du festival, les foodtrucks végétariens à l’intérieur. Pas facile pour tailler une bavette entre prolos et bobos des deux rives de la Garonne.
Chargement des commentaires…