Le 9 novembre, le mensuel So Foot publiait une enquête choc révélant la nocivité des pelouses synthétiques, et notamment des risques potentiels de cancer pour les joueurs qui y pratiqueraient les jeux de ballons. Selon le magazine, ces pelouses, fabriquées à partir de restes de pneus broyés, contiendrait jusqu’à 190 substances toxiques ou cancérigènes, de fines particules susceptibles de se glisser dans les chaussettes, se coller sur la peau ou dans les plaies.
So Foot n’est pas le premier à mettre en lumière les risques sanitaires des terrains synthétiques. En 2016, la télévision néerlandaise pointait déjà du doigt ces pelouses artificielles entraînant, dans le pays, l’annulation d’une trentaine de rencontres au niveau amateur. Et, en 2014, un reportage de la chaîne américaine NBC donnait la parole à une universitaire américaine ayant recensé 239 cas de cancer du sang chez des joueurs ayant exclusivement joué sur des terrains synthétiques.
Cartron voit rouge
Bref, si aucune étude scientifique stricto sensu ne s’est encore penchée sur la question, la multiplication des enquêtes journalistiques accusant les pelouses synthétiques sème bel et bien le doute. D’autant que la Ligue de Football Professionnel (LFP) française a pris la décision d’interdire les pelouses synthétiques pour la saison 2017-2018, arguant, de son côté, que ce genre de surface favoriserait les blessures (lire l’encadré ci-contre).
Mais depuis l’enquête de So Foot, les inquiétudes semblent passer au niveau supérieur et plusieurs élus girondins sont montés au créneau. C’est le cas de la sénatrice (PS) de Gironde, Françoise Cartron : le 16 novembre, elle a adressé une question écrite à Laura Flessel, la ministre des Sports lui demandant de « faire part de sa position sur cette problématique de possible grande ampleur » :
« Cette question des pelouses synthétiques me tracassait depuis longtemps. Quand j’étais maire d’Artigues-près-Bordeaux [de 1995 à 2012, NDLR], j’avais déjà remarqué que ce type de terrain provoquaient des brûlures chez les joueurs quand ils tombaient. Et quand j’ai appris, dès les années 2014-2015, que des joueurs professionnels refusaient de jouer sur ces pelouses à cause du risque plus important de blessures qu’elles causaient, des tendinites ou des problèmes musculaires notamment, mes préoccupations n’ont fait que s’accroître. Avec la parution de l’enquête de So Foot, où là il n’est plus question de blessures ou de brûlures, mais de cancers, je me suis dit que mes inquiétudes méritaient d’être publiques. »
« Ne pas tomber dans la psychose »
A Mérignac, Gérard Chausset, adjoint au maire, s’est emparé de l’affaire en demandant à sa commune de prendre un moratoire « avant toute nouvelle construction ou rénovation de terrains synthétiques ».
« Plusieurs enquêtes tendent à montrer que ces pelouses présentent un risque pour la santé des joueurs, il y a donc bien un souci », explique l’élu.
Rappelant la décision prise par la LFP d’interdire l’usage des pelouses synthétiques, même si ce n’est pas officiellement pour des raisons de toxicité, il s’interroge :
« Les professionnels se protègent, qu’en est-il de nos enfants ? »
Pour Cécile Saint-Marc, l’adjointe au maire de Mérignac en charge du sport et des relations avec le mouvement sportif, la question mérite en effet qu’on s’y attarde, sans pour autant « tomber dans la psychose ».
« Nous étudions le problème. Dans le cas du projet de terrain en pelouse synthétique au Burck, nous avons décidé de ne pas nous précipiter et nous choisirons une solution qui propose soit des billes de caoutchouc enrobées soit d’autres matériaux comme de la noix de coco, mais ce n’est pas très écologique, ou du chanvre. »
Les bruits et l’odeur
À la mairie de Bordeaux, Frédéric Gil, directeur général adjoint du service éducation, sports et société rappelle l’intérêt de ce type de gazon, utilisable plus souvent et moins consommateur d’eau. La polémique n’a selon lui pas lieu d’être :
« Aucune étude scientifique digne de ce nom ne montre de liens avérés entre cancers et pelouses synthétiques. Il s’agit surtout de rumeurs collectives qui poussent le principe de précaution dans un ultra-précautionnisme. »
Conscient néanmoins qu’il y a bien là un sujet d’inquiétude potentiel, d’autant que sur les 27 terrains de foot bordelais, 18 sont en synthétiques, il précise que la Ville de Bordeaux ne balaie pas la question d’un revers de main.
« Nous avons déjà été confronté aux problèmes d’odeurs générées par ces pelouses synthétiques lors de journées de forte chaleur – odeur de caoutchouc brûlé –, et depuis nous choisissons des pelouses synthétiques dans lesquelles les billes en caoutchouc sont enrobées afin d’éviter leur dispersion. Nous conseillons également aux joueurs qui s’entraînent sur ce type de terrain de bien nettoyer leurs chaussures et toutes plaies éventuelles après un match. »
Vers un moratoire en Gironde
Preuve que la question turlupine les élus, les derniers terrains bordelais comme celui aménagé à Galin sont même en billes de caoutchouc naturel. Pour autant, sur les 6 terrains de grand jeu en synthétique que compte la capitale girondine, un seul est composé de billes de caoutchouc naturel. Quant aux 12 terrains de petite taille en synthétique (foot à 8 et city-stade), seuls quatre d’entre eux contiennent des billes enrobées.
Au niveau métropolitain, l’affaire retient également l’attention : lors de leur réunion mensuelle du 18 décembre, les adjoints en charge du sport aborderont, entres autres, cette question. Et le conseil départemental de la Gironde devrait voter lors de la présentation du budget primitif du 18-19 décembre prochain un moratoire sur les équipements synthétiques valable dès 2018. En attendant qu’une enquête scientifique fasse, vite, toute la lumière.
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