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Tension en conseil municipal sur les places d’accueil pour demandeurs d’asile

En cette journée internationale des migrants, le conseil municipal de Bordeaux a voté ce lundi une délibération pour percevoir une subvention de l’État, qui finance 248 nouvelles places d’accueil pour les demandeurs d’asile. Seul vote contre, le Front national, qui dénonce la politique de l’État. Les débats interviennent au lendemain d’une tribune publiée dans Le Monde par plusieurs maires de grandes villes, dont Alain Juppé, qui réclament les moyens de les accueillir.

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Tension en conseil municipal sur les places d’accueil pour demandeurs d’asile

« Il y a un problème qui va devenir une véritable invasion », s’emporte Jacques Colombier. Le conseiller municipal Front national vient de se lancer dans un calcul d’épicier pour remettre en cause les chiffres du gouvernement actuel et qualifier sa politique de « contreproductive », « loin d’être humanitaire » et « conduisant le pays au KO ».

« […] Si on prend l’hypothèse d’accueillir 30000 personnes sur les 95 départements et quelques [sic], cela fait en moyenne 315 migrants par département, la Gironde comptant 1,5 million d’habitants, le département compte plus de 2 fois la moyenne en France, nous devrions donc accueillir 315 x 2,2, c’est à dire 693 migrants en Gironde si la répartition est équitable. Eh bien non, on nous demande de valider l’ouverture de 248 places de clandestins sur la seule ville de Bordeaux et 1148 sur la métropole. Comment ne pas douter des chiffres du gouvernement ? »

L’élu FN ajoute qu’ « il y a bien des Bordelais français qui seraient contents d’avoir l’argent pour leur intégration sociale » avant de confirmer que son groupe vote contre la délibération présentée par la Ville. Celle-ci lui permet de recevoir une subvention pour créer à Bordeaux de nouvelles places dans des Centres d’accueil de demandeurs d’asile (CADA).

La nausée

La délibération 530 qui a déclenché les hostilités répondait à l’effort national demandé en 2015 par le gouvernement de François Hollande pour accueillir 30 000 des réfugiés sur le territoire français. La création ou le redéploiement de 2000 à 4000 places de CADA était prévu sur la région Aquitaine, la Métropole devant accueillir 1148 places et la commune de Bordeaux 248. L’État versant 1000€ pour chaque place créée, le montant de la subvention est de 248000 €.

Face à la diatribe du Frontiste, Alain Juppé ne s’affole pas, laissant même à Vincent Feltesse, son opposant PS, le plaisir de répondre le premier :

« Nous sommes aujourd’hui le lundi 18 décembre, c’est la journée internationale des migrants […] J’écoute Jacques Colombier et la nausée me vient petit à petit et bien plus. […] Vos chiffres sont totalement disproportionnés. Et au delà de cette situation, de cette difficulté que nous connaissons, qui sommes nous ? Nous sommes la France, un pays de 67, 68 millions d’habitants, 5e puissance économique au monde. Et dans les mois, les années, les décennies qui viennent, il faudra qu’on se regarde collectivement sur ce que nous avons fait ou pas fait, s’il y a des tâches d’ombre dans la République Française ou pas. Et je pense que c’est plutôt l’honneur de notre pays de défendre cette politique d’humanité, d’avoir des solutions concrètes et de combattre vos mensonges. »

La maire de Bordeaux ajoute que la ville s’est portée volontaire pour accueillir des réfugiés (sur une emprise qui se situera sur la ZAC Bastide Niel). Il compte participer à relever « un défi humanitaire gigantesque » car « ce n’est pas en barricadant l’Europe et la France qu’on relèvera ce défi » ni « en construisant un mur flottant sur la Méditerranée » mouchant au passage le président américain, Donald Trump.

Tribune

Hasard du calendrier, cette délibération fait écho à la publication d’une tribune dans Le Monde où sept édiles, dont Alain Juppé, réclament de l’État plus de moyens pour faire face à « la hausse massive de la demande d’asile » et de « l’extrême tension » que génère l’arrivée de nouveaux réfugiés.

« L’année 2017 s’achève sur une hausse massive de la demande d’asile et l’arrivée des nouveaux arrivants met sous une extrême tension – particulièrement avec le début de la vague de froid – les politiques publiques et institutionnelles classiques. Dans une proportion jamais connue jusqu’alors, les dispositifs alloués à l’hébergement des demandeurs d’asile, pilotés par l’État, souvent avec l’appui de nos collectivités, sont en effet complètement saturés, et ce malgré l’augmentation régulière du nombre de places… L’évidence est là, sous nos yeux, dans nos rues, dans les foyers et les centres d’hébergement : il y a urgence. »

A l’origine de cet appel, le maire PS de Strasbourg, Roland Ries. L’ont rejoint, outre Alain Juppé, la socialiste Martine Aubry (Lille), la socialiste Nathalie Appéré (Rennes), la socialiste Johanna Rolland (Nantes), le Républicain Jean-Luc Moudenc (Toulouse) et l’écologiste Eric Piolle (Grenoble). Bien que la responsabilité incombe à l’État et non aux collectivités locales, ils rappellent que « les maires, à la tête de grandes villes de ce pays, [sont] au front face aux personnes en détresse, aux citoyens, aux associations ». Ils proposent la création d’un « réseau solidaire entre les villes de France » pour constituer « un interlocuteur majeur de l’Etat ».

Cependant, interrogé par Rue89 Bordeaux, le maire de Bordeaux approuve la volonté de l’État de lancer un recensement des migrants dans les centres d’hébergement d’urgence associatifs « pour faire un état des lieux ». La circulaire datant du 12 décembre prévoit d’envoyer des « équipes mobiles » pour recenser et orienter les occupants de ces centres vers des structures différentes selon qu’ils seraient réfugiés, demandeurs d’asile, ou déboutés. Certaines associations (parmi lesquelles Emmaüs, la Cimade, la Fondation Abbé Pierre) s’insurgent, craignant « une atteinte aux droits » des personnes étrangères. Elles ont saisi le Défenseur des droits, Jacques Toubon, qui reconnaît « une situation difficile ».


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