1 – Alain Juppé demande une clarification sur son « insincérité »
La Ville a-t-elle ou pas été « insincère » dans la présentation de ces comptes afin de maquiller des exercices déficitaires en 2013 et 2015 ? C’est le nœud du rapport de la chambre régionale des comptes, rendu public ce lundi, mais dont l’opposant socialiste Matthieu Rouveyre s’est saisi la semaine dernière pour attaquer la gestion de la mairie, s’attirant la critique de l’avoir fait fuiter.
Lors de sa conférence de presse en amont du conseil municipal, Alain Juppé a longuement exposé sont point de vue sur le sujet. Il estime que des crédits bancaires non engagés doivent être reportés sur l’année suivante. Pour la chambre, ces emprunts inscrits en recettes des budgets primitifs 2015 et 2016 « ont eu, pour seule finalité, d’équilibrer les comptes clos alors que (…) l’équilibre réel d’un budget d’une collectivité territoriale suppose une évaluation sincère des recettes et des dépenses ». D’où l’accusation d’ »insincérité » planant sur le maire.
« Je n’accepte pas ce terme, il suppose une intention malveillante, de tromper, or ces emprunts n’étaient pas fictifs », râle Alain Juppé.
Celui-ci invoque une jurisprudence de 1999 de la Cour des comptes, ainsi que des instructions des ministres de l’intérieur et des comptes publics. Et il demande « la clarification des autorités de tutelle pour savoir qui a raison » sur la façon de comptabiliser ces restes à réaliser.
« Par une manipulation comptable vous avez dissimulé la réalité financière de la Ville de Bordeaux, a accusé en séance du conseil Matthieu Rouveyre, reprochant au maire de faire appel aux politiques pour se sortir d’affaire. Citez nous une seule collectivité qui a inscrit des emprunts fictifs pour dissimuler un déficit. Si le tribunal administratif nous donne raison, ce serait l’annulation du compte administratif, ce qui ne serait pas rien pour la 9e ville de France. »
Un risque qu’Alain Juppé balaye :
« Même si le tribunal nous donnait tort, et comme la chambre régionale des comptes le reconnait elle même, le déficit serait en dessous de 2%, très inférieur au seuil de 5% (entrainant l’intervention du préfet). Cette décision serait donc sans effet pratique. »
Par ailleurs, Matthieu Rouveyre demande la mise en place d’une commission d’information et d’évaluation pour « faire la lumière sur les comptes de la ville » et « tourner la page ». Mais comme elle supposerait l’appui de 10 élus, un quorum que n’atteint pas le groupe d’opposition, il en appelle aux élus de la majorité « sensibles à la démocratie pour signer cette demande ». Qu’il présente comme « une main tendue ».
Rires dans la salle, tandis qu’Alain Juppé lève le poing :
« Vous avez franchi les limites du ridicules. Je vais donc informer la Chambre régionale des comptes que les mois passés pour décortiquer les comptes de la villes n’ont pas fait la clarté ».
2 – Des agents bien logés
Le rapport de la chambre révèle que 85 logements sont attribués gratuitement (avec fourniture des fluides) par la ville à ses agents, « dont un certain nombre ne relevant pas de concessions au nom de l’utilité de service », comme c’est le cas des 63 agents assurant le gardiennage des stades, gymnases, piscines, cimetières et écoles.
« Le nombre d’agents logés en piscine est largement supérieur au nombre de piscines bordelaises », ironise la socialiste Emmanuelle Ajon.
Sa collègue Michèle Delaunay demande l’adresse et la surface totale de ces logements. L’ex ministre est « stupéfaite à la découverte » que certains cadres de la Ville, par exemple un directeur général adjoint du service culture, bénéficient d’un avantage qui ne lui « apparait pas comme une nécessité absolue ».
« Oui, la loi permet à des directeurs généraux d’avoir un logement, lui répond Nicolas Florian, adjoint aux finances. 9 sont dans ce cas, et c’est la même chose à la région et au département. Mais ils payent leur taxe d’habitation et la taxe d’enlèvement des ordures ménagères. »
Le rapport souligne cependant que pour ces 85 logements, la Ville aurait du réclamer une redevance égale à la moitié de la valeur locative du logement. « Cette remise à plat, qui aurait dû intervenir avant le 1er septembre 2015, ne peut plus être différée », indique la chambre régionale des comptes.
3 – L’absentéisme en progression
La chambre déplore une détérioration de l’absentéisme des agents titulaires, qui représente 33,2 jours par an 2015, soit 6,9 de plus qu’en 2010, un chiffre au dessus de la moyenne nationale. Les absences pour maladie professionnelles ont explosé (+207%). Le coût annuel de l’absentéisme est estimé à 9 millions d’euros.
La Ville l’expliquerait par le vieillissement des effectifs, la forte proportion de personnels exposés aux troubles musculo-squelettiques, ou encore les réformes territoriales obligeant des agents à rejoindre un nouveau poste ou modifier leurs compétences.
Alain Juppé a annoncé un plan pour améliorer le présentéisme des agents.
4 – Une mairie généreuse côté temps de travail
La Chambre observe que 41% des agents de la ville, soit 1306 personnes, sont en dessous des 35 heures hebdomadaires de travail, ou plutôt des 1607 heures annuelles, puisque l’écart par rapport à la durée légale s »opère par attribution de congés annuels supplémentaires ».
Alain Juppé affirme « ne pas avoir l’intention de rompre avec la politique sociale de Jacques Chaban-Delmas », et juge légitime d’offrir de tels avantages aux personnels des écoles, notamment. Étonnante venant d’un candidat à la présidentielle très critique envers les 35 heures, cette politique apparaît encore plus généreuse quand on observe la nature de ces congés offerts aux agents : trois jours pour le mariage de l’enfant de son conjoint, considérée comme une « absence non prévue » ; ou encore 3 à 5 jours de récupération pour les agents municipaux présents dans les bureaux de vote les jours des élections.
La Ville devra désormais demander au conseil municipal de voter ces régimes de travail dérogeant à la règle sur le temps de travail.
5 – Une Cité municipale à énergie négative
Le rapport recommande à la Ville de « porter le bilan énergétique annuel de consommation du bâtiment à la connaissance du conseil municipal dans la mesure où son caractère excédentaire justifie le concours à un contrat de partenariat » public-privé.
Le fait de construire un bâtiment à énergie positive était une raison avancée par la mairie pour recourir à un PPP avec Bouygues. La cité, équipée de 1500 m2 de panneaux photovoltaïques et d’un dispositif de géothermie, devait excéder d’au moins 10% ses besoins en eau chaude, en refroidissement et en chauffage. Elle a en fait consommé 15% de plus en 2014/2015, et le bilan est négatif aussi l’année suivante…
Dans ce cas, le partenaire privé doit prendre en charge 80% du surcoût, d’où la nécessité pour la Ville, estime la Chambre, d’un bilan énergétique annuel.
« La Cité municipale était présenté comme un montage financièrement et techniquement avantageux, rappelle Nicolas Guenro (élu apparenté PS). Or le PPP n’a pas permis des économies, au contraire puisque le dépassement a été de 10 millions d’euros, la livraison entachée de nombreuses réserves et le bilan énergétique négatif sur deux premiers exercices ».
Pour ce dernier, ce manque de transparence souligné par la Chambre régionale des comptes se retrouve aussi à la Cité du Vin, financée sur fonds public mais exploitée par une fondation privée. « La ville devra être vigilante quant à son bilan car c’est sur elle que pèse le risque d’exploitation » en tant que propriétaire du bien, prévient la Chambre.
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