« Takeoff 2021 » (décollage en 2021) affirme le petit film promotionnel présenté ce jeudi lors d’un point presse à Mérignac. L’objectif est sans doute un peu ambitieux, reconnait son maire, Alain Anziani. Mais il montre la détermination de l’élu à avancer sur le projet de cité de l’aéronautique – même s’il n’aime pas trop ce terme, évoquant trop à son goût la Cité de l’espace de Toulouse.
Une première étude avait été menée par Cap Sciences pour imaginer un nouveau musée, d’un coût estimé entre 14 et 18 millions d’euros. Objectif : accueillir sur les 67 anciens aéronefs du Conservatoire de l’air et de l’espace d’Aquitaine (CAEA), une association pilotée par des passionnés. Invisible du grand public depuis 2011, la collection doit en effet quitter la base aérienne 106, et Saint-Jean-d’Illac et Mérignac ont toutes deux proposé des terrains pour l’accueillir.
D’un montant de 180 000 euros, financée par la région Nouvelle Aquitaine, Bordeaux métropole, la ville de Mérignac, et quelques industriels (Dassault, Sabena technics et Thales), cette seconde étude, réalisée par Aérocampus, relève d’une toute autre ambition, derrière laquelle tous les acteurs font « front commun », selon Alain Anziani, :
« Nous voulons intégrer la collection du CAEA, et lui donner une visibilité quotidienne, mais dans un projet plus vaste, au cœur même des activités aéronautiques. Nous n’en sommes pas encore aux décisions stratégiques et au plan de financement mais on met sur la table ce formidable projet qui peut être un des plus beaux pour l’agglomération. »
Comme un avion
Dans un espace de 35 000 m2, Tarmaq (avec un q, clin d’œil à l’Aquitaine), « permettra de faire l’expérience de l’avion sous toutes ses formes », assurent les porteurs du projet. Le parc à thème comprendrait un espace loisirs, avec simulateurs d’avion de ligne, pilotage de drones loisirs, ou encore un « aérocampus junior », mini-aéroport permettant aux 7-17 ans de découvrir les métiers d’un hub…
« Ce qu’on ne veut pas faire, c’est un musée où on regarderait les avions, explique Jérôme Verschave, directeur d’Aérocampus. Des aéronefs (avions, hélicoptères, hydravions…), on en verra beaucoup.Mais pour un aéroplane ayant traversé la Manche au début du XXe siècle, on pourra par exemple vivre cette épopée en réalité augmentée. Des chantiers de réparation d’avion seront ouverts au public, pour présenter les métiers de maintenance. »
L’étude d’Aérocampus s’est surtout attelée à définir un modèle économique autofinancé : outre les entrées payantes – 200000 visiteurs par an espérés à partir de la troisième année, à partir de 10 euros l’entrée -, le futur parc compte sur l’investissement des entreprises de l’aéronautique dans ce qui serait leur vitrine industrielle, sur les recettes du tourisme (hôtellerie, restauration), et sur la formation, initiale et continue, aux métiers du secteur.
Dassaultland
La formation est la raison d’être de l’implication d’Aérocampus dans le projet. Elle doit faire l’originalité de Tarmaq, dont Jérôme Verschave ne voit l’équivalent dans le monde qu’à Seattle, autour de Boeing. Mais elle répond aussi à un impératif : sur le campus de Latresne (sur la rive droite, au sud de Bordeaux), la douzaine d’écoles installées, qui emploient 280 salariés et forment 85000 étudiants par an, sont de plus en plus à l’étroit.
Et Aérocampus souhaite s’implanter sur l’Aéroparc, où se trouvent les principaux industriels du secteur (Thales, Dassault…). L’organisme vient par exemple d’ouvrir un atelier dédié au câblage aéronautique au lycée professionnel Duperier, à Saint-Médard-en-Jalles, près du territoire de l’Aéroparc.
« Thales, qui a déjà besoin d’espace supplémentaire sur son site de l’Aéroparc, fait 41 sessions de formation par an à Latresne, indique Jérôme Verschave. Une partie d’entre elles pourra se faire à Mérignac, ce qui permettra de libérer de la place chez nous. »
La tour Eiffel à Saint-Jean-d’Illac
Le coût de Tarmaq est à ce stade estimé à 70 millions d’euros, qui restent à trouver, dont 10 millions pour l’achat d’un terrain de 9,5 hectares, en partie propriété de la métropole bordelaise et de la ville de Mérignac.
Situé entre Dassault et Thales et en face de Lulu dans la prairie, pour les connaisseurs, Tarmaq pourrait à terme couvrir 15 hectares, et serait desservi par le futur bus à haut niveau de service entre Pessac Alouette et Le Haillan. Bref, tous les atouts sont pour Alain Anziani du côté du projet mérignacais :
« Le maire de Saint-Jean-d’Illac offre un terrain au Conservatoire de l’air et de l’espace. Toutes les propositions sont respectables. Mais qui finance son projet, et pour quel fonctionnement ? Pourquoi tant qu’on y est ne pas avoir installé la Cité du Vin ou la Tour Eiffel à Saint-Jean-d’Illac ? »
Escadrille
Le CAEA devrait quant à lui débattre du projet Tarmaq lors de son assemblée générale, ce samedi. Cependant, le président de l’association, Jérôme Huret, joint par Rue89 Bordeaux, indique que la discussion a été repoussée. Des membres de l’association, qu’il qualifie de « dissidents » dont le point de vue serait « minoritaire » au sein du CAEA, souhaitent en effet plus de temps pour présenter un projet alternatif à Tarmaq, qui s’installerait à Saint-Jean-d’Illac…
« De toutes façons, ce n’est pas au Conservatoire de décider de la future implantation, mais aux financeurs du projet, c’est à dire aujourd’hui la région, Dassault, la Ville de Mérignac… ajoute Jérôme Huret. La décision appartient à ceux qui vont mettre des millions sur la table. Hervé Seyve, le maire de Saint-Jean-d’Illac, est actif et dynamique, mais un terrain, ça ne suffit pas, et je suis désolé qu’il se serve du Conservatoire pour ses projets d’implantations industrielles sur sa commune. D’autant que pour avoir une vitrine technologique justifiant le financement des entreprises, elle doit être forcément localisée près d’elles, pour ne pas faire perdre à leurs clients une demi-heure dans les bouchons jusqu’à Saint-Jean-d’Illac. »
Le CAEA aura d’autant moins le dernier mot qu’il ne possède que 15 aéronefs sur la soixantaine de la collection. La plupart sont soit prêtés par le musée de l’air et de l’espace du Bourget, soit sous convention avec l’armée de l’air ou la marine. L’escadrille devrait donc rester serrée, et suivre l’option la plus légitime, du moins si le tour de table est bouclé.
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