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30/04/2024 date de fin
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Le chemin de croix du doigt perdu à l’église Saint-Pierre

Ce drôle d’objet trouvé sur le parvis de l’église Saint Pierre était un doigt. Pour mettre la main sur son propriétaire, il a fallu quelques hypothèses, reconstitutions, hésitations. Un appel est lancé ici, pour le rendre à qui de droit, car jusqu’ici, personne n’a vraiment cru à cette histoire. A tort.

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Le chemin de croix du doigt perdu à l’église Saint-Pierre

La pluie s’est arrêtée, le parvis de l’église Saint-Pierre brille sous le soleil retrouvé. Les pavés bossus, alignés en courbes, ont viré au violet gris. Les espaces, entre eux, sont gorgés d’eau. Un bout de bois qui flotte. Un drôle de bout de bois.

Un doigt en bois (YM/Rue89 Bordeaux)

Au creux de ma main, il a la forme d’un doigt, un doigt délicat, féminin, qu’aucun hasard naturel n’a pu façonner, non, c’est un doigt sculpté. Arrondi de l’ongle, marque légère d’une phalange, cassure nette. D’où sort-il, comment a t-il fait pour arriver là, entre deux pavés, une sculpture dans l’église ?

La pietà de Saint-Pierre ?

En quelle année sommes-nous, je ne m’en souviens pas. Ce n’est ni l’été, ni un dimanche. Il y a, sans trop de doute, à peu près, seize ou dix-sept ans. Ou dix-huit.

Un retour à l’intérieur de l’église ne m’a pas davantage éclairée. Jusque dans les moindres recoins, aucune sculpture de bois, ni bas-relief auxquels la chose aurait pu appartenir. Rien. J’ai donc ramené chez moi la précieuse relique, consciente cependant d’une extravagante découverte.

Longtemps, je la garde dans une petite assiette, sur la cheminée, je l’examine par moments, la questionne, et l’oublie jusqu’à la fois suivante. Un an, deux ans, trois ans plus tard, j’apprends par le journal le retour d’une pietà du XVIIe siècle, après restauration, à l’église Saint Pierre de Bordeaux. Une pietà sculptée dans le bois.

C’est elle. C’est sûr. Ce petit doigt est à elle, à la Mater Dolorosa.

Petit doigt dans la poche, j’entre dans l’église. Je suis l’allée centrale et m’approche de la Dame, à gauche de l’autel. Le corps du Christ déposé sur ses genoux glisserait jusqu’à terre si elle ne le retenait contre sa poitrine d’une main volontaire. Et complète. Son autre main, ouverte sur le désarroi du monde, est mutilée. C’est bien ça.

C’est moi qui le garde

Sainte Vierge, ton petit doigt est au fond de ma poche. Quoi faire, qu’en faire ? Le rendre au sacristain ? Mais regarde, il manque une phalange, il y a un vide entre ce qu’il reste de ta main et ce qu’il reste de ton doigt,  personne ne reconstituera le morceau absent. Et puis, je m’y suis habituée, comprends-tu, et puis c’est moi qui l’ai trouvé, ce petit doigt. Il vaut mieux que ce soit moi qui le garde.

La pietà de Saint-Pierre (YM/Rue89 Bordeaux)

Les années passent, au cours desquelles, superstition ou ce que vous voudrez, je rends souvent visite à la Sainte Vierge de bois. Et lorsque les téléphones deviennent appareils photographiques, je capte son image, assez floue certes, il y peu de lumière au fond de l’église Saint Pierre, mais je la mets en fond d’écran.

Histoire de me souvenir que ce qui est à elle est à moi.

Un jour ou l’autre, il faut changer de téléphone. Il faut donc revenir à l’église.

La lumière est meilleure, l’image me convient. Le soir même, je la montre à des amis : c’est pas possible ton machin, ça ne peut pas être ça. La coupure sur le bord, là, et ça, ce n’est pas sa main droite. C’est sa main gauche. C’est le petit doigt de sa main gauche.

Il me semble pourtant que sa main gauche est complète mais bon.

Prête à le rendre

Le bon doigt (YM/Rue89 Bordeaux)

L’église est très calme ce matin-là, personne sur les bancs ni dans les chapelles. Il fait très froid. Je remonte l’allée et déjà, de loin, un pressentiment me dérange. Main droite, main gauche, ce n’est pas le doigt de la Sainte Vierge. Si ce n’est elle … Je m’avance encore et je vois la main relâchée du Christ, ses doigts légèrement repliés, quatrième et cinquième tranchés. Jamais je n’avais pensé à m’en préoccuper.

Je sors le doigt de ma poche et le place. Sur le quatrième. Impeccablement. Aucune phalange manquante. Un point de colle et on n’y verrait que du feu.

Désastre. Des années durant, j’ai cru détenir son doigt à Elle. Et c’est son doigt à Lui. Pas du tout la même chose. D’un coup d’un seul, la joyeuse familiarité s’est faite imposture, erreur de destinataire, recel, détention illicite, doigt de Dieu.

Je décide donc, pour ce week-end pascal, jour de résurrection, de le rendre à qui de droit. Je le tiens à la disposition de tout responsable patrimonial, qui me semblera habilité pour ce genre de transaction.

Ecrire à Rue89 Bordeaux, qui transmettra.


#Saint-Pierre

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