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Sous pression de la société civile, le CIVB avance vers la sortie des pesticides

Ce vendredi 9 mars avait lieu au CIVB une réunion de travail inédite : après des semaines d’invectives et d’attaques personnelles, les deux militantes Valérie Murat et Marie-Lys Bibeyran et les dirigeants de l’interprofession bordelaise de la vigne, ont débattu des dossiers concrets visant à réduire l’usage des pesticides.

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Sous pression de la société civile, le CIVB avance vers la sortie des pesticides

C’est suite à la révélation par Marie-Lys Bibeyran et Valérie Murat, fin janvier, de la présence de 16 pesticides dans une bouteille de vin produit par Bernard Farges, que les discussions entre les deux activistes et le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) se sont enclenchées.

Se défendant tant bien que mal dans cette polémique par médias interposés, l’ancien président du CIVB avait tendu la main, leur proposant de « mettre [leurs] énergies et [leurs] compétences en commun pour accompagner la dynamique engagée à Bordeaux ». Une « nouvelle disposition d’esprit » selon les deux femmes, qui saisissaient immédiatement l’occasion.

La réunion qui s’est tenue ce vendredi est la première du genre. Elle marque une nouvelle étape dans la bataille de communication que se livrent les deux camps depuis plusieurs années. Marie-Lys Bibeyran et Valérie Murat d’un côté, Allan Sichel (président du CIVB), Bernard Farges (ex-président, aujourd’hui vice-président), Christophe Château (directeur de la communication) et Fabien Bova (haut-fonctionnaire, directeur du CIVB) de l’autre.

Deux femmes, fille et sœur de travailleurs de la vigne tués par des maladies professionnelles liées aux pesticides, face à quatre hommes, représentants d’une interprofession qui a vendu pour 3,65 milliards d’euros de vin en 2016 (chiffres CIVB).

Le bio, toujours sujet de désaccord

Il a fallu plus de deux heures et demie pour venir à bout des dix points de l’ordre du jour. Une discussion tantôt conflictuelle et à base de boules puantes, tantôt concentrée et technique. Certains points ont permis de mesurer une nouvelle fois le fossé qui sépare les activistes de la sortie des pesticides, des représentants du vignoble. A commencer par la viticulture biologique :

« Le bio est un itinéraire technique tenable, mais pas le seul. Donc notre position ne sera pas de convertir l’ensemble du vignoble en bio », réaffirme Allan Sichel.

Sur les moyens d’action, surtout : quel est le pouvoir du CIVB, et quel rôle veut-il jouer ? Les deux militantes demandent que l’institution conditionne la promotion publicitaire des vins au fait que leur production respecte certains critères.

« Nous n’avons pas le pouvoir d’interdire des produits qui sont homologués, qui sont légalement disponibles », rappelle le président.

Tandis que Bernard Farges martèle :

« Vous voulez passer par la contrainte, nous par la persuasion. Si des vignerons font mal leur travail, il faut faire en sorte que ce soit leurs collègues qui leur disent. »

Valérie Murat et Marie-Lys Bibeyran (XR/Rue89 Bordeaux)

De même sur les pesticides CMR (cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques), donc l’objectif est l’élimination :

« Nous préconisons l’évitement total des CMR, ça s’est acquis. Et la réalité c’est qu’entre 2014 et 2016, il y a eu une baisse de 50% de ces produits », se félicite Allan Sichel. « Une vraie victoire, et vous y contribuez », ajoute Bernard Farges.

Mais « est-ce qu’on peut se réjouir de n’utiliser que 160 tonnes de folpel [un fongicide CMR] par an en Gironde ? » demande Marie-Lys Bibeyran.

« L’information est nécessaire »

A l’inverse, le CIVB cherche l’apaisement au sujet des zones sensibles, notamment autour des établissements qui accueillent des enfants. Marie-Lys Bibeyran et Valérie Murat réaffirment leur demande, formulée auprès du préfet il y a peu, de ne traiter qu’avec des produits bios non classés les parcelles situées à moins de 200 m des écoles.

Réponse d’Allan Sichel :

« Nous préconisons : pas de CMR, pas de traitement les jours d’école, et une attention au réglage et à la qualité des pulvérisateurs et des protections. »

Portée par Marie-Lys Bibeyran, l’idée de mettre en place des chartes (comme cela se fait depuis 2015 à château Liouner), signées par les viticulteurs et les représentants des établissements, a semble-t-il séduit le président :

« Je comprends que ce soit réconfortant d’avoir des chartes. L’information est nécessaire. »

Même chose pour ce qui est de l’information des viticulteurs à destination des riverains. Christophe Château propose « que les viticulteurs invitent les voisins en début de saison pour leur expliquer, prendre leurs coordonnées téléphoniques afin de les avertir quand ils traitent ».

Réponse de Marie-Lys Bibeyran :

« Pourquoi certains riverains auraient des raisons de recevoir les infos, et d’autres pas ? Pourquoi on organiserait pas des réunions publiques, en mairie, où tout le monde serait convié ? Il faut arrêter de filtrer les informations ! »

Demande acceptée, le CIVB enverra une invitation à « tous les maires ».

Suivi à la trace

Autre avancée, sur l’obligation légale pour les employeurs d’informer leurs employés sur les produits qu’ils utilisent.

« Vous m’avez éclairé là-dessus, il n’y a aucune ambiguïté, avoue Allan Sichel. Il faut se conformer à la loi, nous allons sensibiliser sur cette obligation, afin que les employeurs puissent mettre cette information facilement à disposition. »

Bernard Farges et Allan Sichell en plein oral (XR/Rue89 Bordeaux)

Insuffisant,  insiste Marie-Lys Bibeyran :

« La loi demande que le salarié “reçoive” la liste, pas qu’elle soit mise à disposition, ce n’est pas la même chose ! Le jour où quelqu’un a une maladie susceptible d’être d’origine professionnelle, il faut que cette personne ait tous les éléments à disposition. Si elle ne les a pas, elle est condamné au silence. »

Demande entendue.

Enfin, les militantes obtiennent la création d’un comité de suivi sur la sortie des pesticides.

« C’est inscrit dans notre plan de sortie des pesticides, affirme Fabien Bova. Nous avions entamé un dialogue au niveau régionale avec l’ARS (agence régionale de santé), mais c’est une impasse. Nous allons donc mettre un nouveau comité en place à notre échelle, avec l’État, la région et la Chambre d’agriculture. »

Valérie Murat insiste :

« C’est un moyen de regagner la confiance de l’opinion publique. C’est indispensable que tout le monde soit réuni autour de la table et soit entendu : les collectifs qui ont fleuri dans le département, parents d’élèves, syndicats de professionnels, chercheurs, médecins… »

Il est convenu que ce comité devra se réunir à chaque début de saison de traitements. Y compris celle à venir.

« Dialogue enfin ouvert avec l’institution viticole »

La réunion a donc permis de réelles avancées, dont les militantes veilleront bien entendu à ce qu’elles soient mises en application sur le terrain. Du côté du CIVB, Allan Sichel se dit également satisfait :

« Je crois que cette réunion a été utile. Nous allons continuer à travailler. »

Jouant à plusieurs reprise l’apaisement des débats et la conciliation, il s’est montré ouvert aux propositions, et à même reconnu que « l’objectif, c’est que les gens ne soient plus malades ».

« S’ils nous reçoivent, cela veut dire qu’ils se sentent coincés », estime Valérie Murat.

Il est vrai que l’hiver a été particulièrement chargé, entre les différentes révélations des collectifs anti-pesticides, et l’émission Cash Impact. Surtout, l’échange n’en est pas resté à un affrontement verbal, mais a laissé place à des discussions précises et concrètes.

« On a peut-être enfin ouvert un peu le dialogue avec l’institution viticole, espère Marie-Lys Bibeyran. Ce n’est pas pour cela que tout sera résolu dès demain, mais nous avons porté la voix des travailleurs agricoles. »

La saison viticole commence dans un mois. La société civile sera plus que jamais attentive.


#pesticides

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