Indochine, Orelsan, DJ Snake ou encore Macklemore, Garorock propose comme chaque année une programmation riche et éclectique, qui attire du monde : avec plus de 100 000 festivaliers à chaque édition, la manifestation marmandaise se place comme l’un des événements musicaux les plus importants de France.
Ces chiffres allèchent évidement les investisseurs, y compris les maisons de disques, soucieuses de vouloir sécuriser leurs artistes grâce aux concerts, aujourd’hui plus rémunérateurs que les ventes de disques. Le 17 mai 2018, un article de l’hebdomadaire Le Républicain évoque ainsi un rachat du festival par le groupe Vivendi Universal de Vincent Bolloré.
« On s’est tout simplement dit que ça allait forcément intéresser », confie Ludovic Robet, du Républicain, journal basé à Langon et diffusé dans le Sud Gironde et le Lot-et-Garonne. En effet, une partie du budget du festival est issue de fonds publics et plus de 1000 bénévoles contribuent chaque année à la réussite de l’événement. L’article paraît, malgré la contre-indication de la direction du festival.
« Je leur ai dit de ne pas publier parce que ça n’était pas du tout d’actualité » répond à Rue89 Bordeaux Ludovic Larbodie, directeur-fondateur du festival Garorock.
Garoboycott
Le lendemain, un responsable commercial de l’événement avertit le journal de la rupture du partenariat qu’il avait jusque-là avec l’événement.
« On a surtout trouvé ça dommage pour nos lecteurs, à qui on faisait gagner des places », explique Ludovic Robet.
Quelques semaines avant le début du festival, les journalistes de la rédaction effectuent comme chaque année leur demande d’accréditation. Un, deux puis trois journalistes se voient refuser leur pass.
« J’avais prévenu […] Je ne boycotte pas les journaux ou les journalistes, mais ça, ça n’est pas du journalisme », justifie Ludovic Larbodie.
Le Républicain est déclaré indésirable à Garorock pour avoir diffusé l’article concernant le rachat par Vivendi.
« Ce n’était pas un scoop, juste un secret mal gardé qui commençait à fuiter de toutes parts », s’est défendu Ludovic Robet dans un édito paru jeudi 28 juin.
Détrôner les Vieilles Charrues
Si l’information n’a pour l’heure pas été officiellement confirmée, Christophe Cibola, un des journalistes qui a contribué aux révélations pour l’hebdomadaire, indique qu’un responsable du groupe Vivendi ne l’a pas démentie. Et de poursuivre :
« C’est inquiétant, et c’est aussi révélateur du climat actuel, où la méfiance vis-à-vis du journalisme est grandissante. »
Vivendi possède déjà trois festivals : « Brive Festival » en Corrèze, le « Live au Campo » près de Perpignan et les « Déferlantes » d’Argeles-sur-Mer. Un point qui n’est pas passé inaperçu à Garorock. Certains gobelets de la manifestation sont estampillés de deux de ces noms.
Petit jeu: selon vous, quel est le point commun entre ces 3 festivals, imprimés sur les verres de #Garorock ? pic.twitter.com/nCwuspMGHO
— Camille de Lapoyade (@CdeLapoyade) 29 juin 2018
Selon nos confrères du Républicain, sa filiale Universal Music souhaite faire de la manifestation marmandaise le premier festival de France. Une place qu’occupe actuellement le festival Interceltique de Lorient et ses 750 000 festivaliers en 2017. Un objectif ambitieux où la volonté est avant tout de détrôner le mythique festival breton des Vieilles Charrues. La commune de Carhaix-Plougue avait reçu 280 000 personnes à l’occasion de l’édition 2017.
Lors de la conférence de presse d’ouverture du festival, rien n’a filtré sur ce rachat, ni sur l’absence des journalistes du Républicain. Mais « des représentants de Vivendi sont en ce moment au festival », affirme Ludovic Robet. Pas étonnant, selon Ludovic Larbodie, soulignant que d’autre maisons de disques sont à Garorock.
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