Exposée en plein soleil, la pharmacie à l’angle de la rue Buhan et du cours Victor-Hugo affiche 42 °C. En ce début de semaine, l’alerte canicule est maintenue dans 67 départements, avec un pic de chaleur annoncé ce lundi après-midi. Alors que je sillonne le centre-ville à vélo, la soif se manifeste graduellement aux kilomètres parcourus et à l’élévation du thermostat – à mon sens, proche du point culminant. Tavernier, il me faut à boire (de l’eau).
Gratuit et facilement accessible, le plus simple est pour moi de poliment demander un verre d’eau bien fraiche dans un café ou un bar. Mais j’ignore alors si les restaurateurs servent volontiers un rafraîchissement. À ma grande surprise, les cafés et bistrots ne rechignent pas à dépanner un quémandeur assoiffé. Le Globe à Gambetta, le Rohan place Pey Berland, L’Ombrière place du Parlement… tous m’ont servi le Saint Graal sans esquisser le moindre signe d’agacement.
Pourtant, selon la DGCCRF, un cafetier n’est aucunement tenu de délivrer gratuitement un verre d’eau, même en période de fortes chaleurs. La croyance selon laquelle on ne peut refuser de l’eau du robinet au comptoir des bistrots est l’une des plus répandues, alors qu’aucun texte ne légifère sur cette obligation. Le monde de la restauration sait encore se montrer compatissant par temps de canicule.
Le prix de la fraîcheur
En revanche, la grande distribution n’a pas de scrupules à gonfler ses prix. Or, le principal réflexe en réaction à une gorge desséchée reste celui de courir dans le premier supermarché du coin pour se procurer une bouteille d’eau – par souci d’économie pense-t-on. En réalité, celles à disposition dans les frigos mis en avant à l’entrée des magasins coûtent généralement le double, voir le triple de son prix initial.
La petite bouteille d’Evian au Monoprix de Saint-Christoly se vend 1,5 euro, soit 3 euros le litre. Même prix chez les buralistes et les kiosques à journaux pour se procurer un demi-litre de Cristaline. Chez Carrefour Market, aux Grands Hommes, la bouteille premier prix de 0,5 litre d’eau passe de 0,32 centimes d’euro le litre – en pack de six – à 2 euros le litre pour une unité fraîche. Se désaltérer convenablement implique donc un coût supplémentaire.
Finalement, le plus surprenant est la différence de prix d’un quartier à l’autre. En hauts lieux touristiques, bistrots et commerçants vendent leurs bouteilles de 0,5 litre autour d’1,5 à 2 euros. Seule la place Saint-Michel, désertique par ce temps insoutenable, se démarque : les épiceries proposent leurs bouteilles de 0,5 litre à 0,50 euro, et celles d’1,5 litre à 0,80 euro. De quoi concurrencer les 2,30 euros la bouteille d’1,5 litre place Fernand-Lafargue.
Fontaines de jouvence
Outre la disparité économique, l’accès à l’eau dans la capitale girondine semble également bien inégale. En témoigne le faible nombre de fontaines d’eau potable à disposition des riverains et des touristes pointé par certaines associations (une carte de la Ville de Bordeaux en recense cependant une trentaine dans le centre historique).
Sur les six places très fréquentées que j’ai arpentées dans ma quête de l’oasis, seules deux fontaines étaient en fonction. À Pey Berland, il faut faire la queue pour se rafraîchir. Non loin de là, sur la place Jean-Moulin, une autre fontaine n’est plus fonctionnelle. En revanche, celle sur les quais à niveau de Saint-Michel ne cesse de couler, et un groupe de sans-abris s’est posé à proximité à l’ombre des arbres. Ce sont bien eux les grands oubliés de l’alerte canicule.
Le Miroir d’eau est quant à lui réquisitionné par les touristes. Le nombre de bouteilles en plastique que j’aperçois, quasi proportionnel à celui des visiteurs, met en lumière un autre problème. Un meilleur accès aux fontaines d’eau potable permettrait indéniablement une réduction du nombre de déchets plastique, qui menacent plus que jamais l’environnement. Un couple de retraités venus tout droit de Nantes me fait d’ailleurs part d’une solution alternative, celle de la gourde remplie d’eau citronnée. Écologique, économique et désaltérant, ils ont tout bon.
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