A l’annonce hier de la fermeture du squat La Ruche, il y a eu des cris de joie et des applaudissements. Ce jeudi matin, les bus sont là pour prendre en charge les occupants. Soulagement et joie ne sont pourtant pas une habitude quand un squat se fait évacuer (preuve en est l’évacuation de celui de Bègles ce mardi).
Dans les chambrées où dormaient les mineurs isolés à quatre ou plus, tous s’activent pour prendre quelques vêtements. Claire, militante de la première heure, a porté les viennoiseries et regarde les pièces où quantités de vêtements, draps, effets personnels sont laissés sur place :
« Je suis très émue. On dirait qu’ils ont dû partir d’ici en urgence, comme s’ils avaient dû fuir. »
Mais ce n’est pas le cas. L’émotion est forte et quelqu’un murmure dans la pièce « on libère le squat ! », visiblement déboussolé.
Prise en charge
Un an plus après l’ouverture de La Ruche, et après plusieurs longues semaines d’impatience, de crispations, voire de blocages, une issue favorable a été entérinée ce mardi lors d’une réunion avec le collectif de militants à l’origine de sa création, Médecins du Monde et le conseil départemental de Gironde et celui régional de Nouvelle-Aquitaine. Une mise à l’abri a été décidé pour tous les occupants pour le lendemain.
Une liste de 42 personnes a été établie dont 22 sont en procédure de recours (pas mineurs pour l’administration, pas majeurs selon les jeunes hommes eux-mêmes) qui seront pris en charge par l’association du Diaconat de Bordeaux à Lormont. Les 20 autres sont dans l’attente d’expertises complémentaires, de décisions du Saemna ou des appels en justice qu’ils ont entamés. Ils sont désormais intégrés à des structures liées au département.
Sur les visages de certains, une inquiétude se lit à l’idée de perdre des amitiés, et de ne savoir de quoi sera fait l’avenir. L’un d’eux interroge un membre du collectif, il aura pour réponse : « Ce n’est plus à moi de te le dire, ce n’est plus moi qui gère. »
Sur le trottoir, à l’entrée du 51 rue du Mirail, devant les grandes portes vertes, les jeunes sont appelés les uns après les autres et montent des différents bus pour être conduit vers leur nouveau lieu. Poignées de main et accolades avec les membres du collectif.
« Avant midi, ceux dont nous nous occupons sont arrivés et plutôt soulagés d’être déjà pris en charge », indique la communication du conseil départemental.
Au même moment, le bâtiment est complètement fermé et muré.
Solution pérenne
Depuis plus d’un an, le lieu avait été ouvert par un collectif de six militants pour accueillir les adolescents exilés de leurs pays d’origine et sans familles. Cette dépendance du lycée Montaigne appartenait au conseil régional de Nouvelle-Aquitaine et était vite devenue le symbole d’un vide de solidarité dans les circuits administratifs.
Les jeunes qui s’y trouvaient avaient été déclarés majeurs par les services départementaux du Saemna. Ils ne pouvaient plus être hébergés par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) et ne souhaitaient pas non plus appeler le 115 qui s’occupe de l’hébergement des adultes. Une grande partie d’entre-eux attendaient surtout la réponse au recours qu’ils avaient déposés. Ni mineurs, ni majeurs, ni endroit où vivre… hormis la rue.
Avec ce dénouement, le collectif rappelle les soutiens reçus : les dons financiers ou en nature des citoyens, la savoir apporté des associations (Médecins du Monde, Asti, Dynam’eau, Tremplin) et des éducateurs de rue, sans oublier les institutions. La Région a en effet renoncé à l’expulsion prononcée, retardé le projet d’installation de l’Institut des Afriques dans les locaux, financé des travaux de consolidation des sols; alors que le Département a cherché ces derniers mois une solution plus pérenne.
« On aura défrayé la chronique mais le problème reste là, analyse Gurval. La Ruche existait car il n’y avait pas de places disponibles pour eux. Des mineurs sont arrivés hier soir et n’ont pas pu être inscrits sur la liste. C’est la preuve qu’il y a toujours des jeunes qui sont à la rue. » Avant d’ajouter : « Si on n’avait pas fait pression, une telle situation n’aurait jamais abouti. »
Pour la suite, Aude Saldana-Cazenave de Médecins du Monde plaide pour un accompagnement pérenne de ces jeunes qui, « s’ils sont remis à la rue dans peu de temps, ils se sentiront trahis ».
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