Elles sont arrivées avant tout le monde. Sabah, avec sa fille, et Mounia et ses 4 enfants attendent – sacs à dos remplis et vissés sur les épaules – à l’entrée du Secours Populaire Français (SPF) du cours de la Somme. Les sorties plage proposées par l’association sont les seules auxquelles elles peuvent se rendre avec leurs enfants.
« Je n’ai pas les moyens, pas de véhicules pour y aller, explique Mounia. Prendre le train c’est très cher, 40 euros pour aller à Arcachon. La c’est 10 euros pour toute la famille. Si je ne partais pas avec le Secours Populaire, je ne pourrais pas. »
Cette année, direction Lacanau. Le car qui les y conduit devrait transporter une cinquantaine de personnes venant comme elles de la rive droite mais aussi de Bordeaux, Bègles et Pessac.
« On a essayé de faire léger. J’ai dis à ma fille qu’on ne prenait que deux sacs à dos », raconte Sabah
Elle a pris pique-nique et jeux de plage. Mounia s’est fait prêter un parasol par une amie.
Les enfants attendent sagement de pouvoir monter dans le car. L’année dernière, pour leur première sortie plage avec le Secours Populaire, ceux de Mounia étaient « tout excités ».
« Si vous voulez un coup de main, on vous aide Pauline », lance Sabah.
A l’intérieur du local, la salariée du SPF ferme le grand carton qui contient le goûter et les précieuses bouteilles d’eau.
Barrières administratives
Historiquement issu du Parti communiste, le Secours Rouge rebaptisé populaire après sa dissolution par les nazis s’est toujours employé à permettre l’accès aux vacances qui sont « un droit et non un luxe » précise-t-elle.
Pendant l’été, les SPF de France organisent les vacances de milliers de familles, notamment déjà bénéficiaires de l’aide alimentaire. En Gironde, sont ainsi proposées trois sorties plage mais aussi, le 23 août, la journée des oubliés des vacances, pendant laquelle 600 personnes vont pouvoir découvrir le zoo de la Palmyre et goûter aux joies de la plage charentaise ou encore le village « Copain du Monde » qui réunira enfants marocains, palestiniens, burkinabés et français du 11 au 19 août dans les Landes. Pauline De Bortoli poursuit :
« Ce qui est difficile, c’est que les familles ne se sentent pas le droit de le faire. Ce n’est pas leur priorité, disent-elles. Elles pensent avant tout à l’alimentaire et au logement. Les bénévoles leur permettent de penser et s’autoriser ces moments de vacances qui sont un facteur d’épanouissement notamment pour les enfants, quand ils partent en colo (ce que permet aussi le SPF, NDLR). »
Pour elle, les barrières administratives existent mais celles dans les têtes sur l’accès à ces droits l’est encore un peu plus.
Accompagner
Même sentiment pour l’association Vacances et Familles. Présente dans une petite vingtaine de départements, elle permet la location de chalet, bungalows, caravanes dans les camping de France. Jean-Pierre Malirat, responsable bénévole de l’antenne Bordeaux La Réole est fier de son bilan :
« En Gironde, cet été, ce sont 110 familles qui arrivent de toute la France et on fait partir 40 à 60 familles vers d’autres départements. Souvent, c’est très délicat car elles sont particulièrement désavantagées, en difficulté réelle. On les accompagne, on prend même le billet de train pour elles, on établit un petit budget avec elles. »
Un fonctionnement très encadré pour permettre un accès qui reste difficile pour beaucoup de ces familles. Elles sont « autorisées à venir trois fois consécutivement », ajoute le bénévole, et elles doivent trouver leur autonomie pour faire seules les demandes d’aides et réservations.
Comme pour le Secours Pop, les vacances restent à moindre frais – sans être gratuites – soit en moyenne 100 à 250 euros de reste à charge. Celui-ci est calculé selon le quotient familial des Caisses d’Allocations Familiales qui financent une partie du montant. Les déplacements peuvent aussi être en partie financés par les chèques-vacances de l’ANCV.
1 famille sur 10 en profite
Si le coût – même faible – peut rester un frein, le manque d’informations sur ses droits peut empêcher l’accès aux vacances. A l’entrée du Secours Pop, Sabah en témoigne puisqu’elle aurait fait les précédentes sorties plages si elle avait été au courant.
En Gironde, les chiffres du non-recours aux aides de la CAF sont à ce titre parlant : 39000 familles et dossiers allocataires pourraient bénéficier des divers accompagnements aux vacances (voir encadré). Seules 4000, soit 10%, s’y inscrivent. Un pourcentage qui reste constant et est équivalent dans les autres CAF de France, nous indiquent les services de l’institution.
« Mais d’autres vont en profiter via l’aide aux partenaires de la CAF (dont les associations précédemment citées, NDLR) », se rassure Marie-Pierre Rigaud-Courbet.
La responsable action sociale de la CAF ne cache pas par ailleurs que le budget n’augmentera que de 2% (contre 7% les années précédentes) et que les orientations souhaitées par le président de la République et sa ministre de la Santé privilégient la précarité et le handicap. Elle affirme cependant pouvoir stabiliser sans réduire les moyens alloués aux vacances.
Des liens familiaux
La nouvelle convention décidée entre l’Etat et la Caisse nationale des allocations familiales a par ailleurs acté une augmentation de 2% pendant 5 ans du reste à charge des famille pour payer la crèche. Ce qui fait dire à Servane Crussière de la CGT CAF que pour ces familles « l’arbitrage se fera sur les vacances. »
« Sans demander des millions », Jean Pierre Malirat, pour l’association Vacances et familles, dénonce le « désengagement de l’État au niveau financier » ainsi que la suppression des contrats aidés qui s’ajoute à un manque chronique de bénévoles. Dans de telles conditions, pourquoi continue-t-il ? Pour la cause :
« Les vacances pour les familles, ça leur fait du bien. Ça va recréer du lien avec le père, la mère ou les deux selon les situations. Ça leur permet de se retrouver. »
Une donnée partagée par la Caf qui a sondé ses allocataires : les familles percevant une aide profitent avant tout des vacances (68%) pour « passer du temps avec les enfants ».
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