Des petites maisons dans la prairie. C’est en ces termes que Rue89 Bordeaux présentait il y a 3 ans le projet d’aménagement de la Jallère élaboré pour la mairie par l’architecte-urbaniste Nicolas Michelin. Il prévoyait de construire des logements sur pilotis dans les zones humides de ce terrain de 95 hectares, situé entre le lac de Bordeaux, la Garonne, le nouveau stade et la rocade.
Depuis, le plan guide a été retouché deux fois, et c’est une toute autre copie qui a été présentée ce lundi en conseil municipal. Ce dernier a voté le lancement de la concertation pour un projet qui prévoit désormais « la remise en état des zones humides, de les reconnecter entre elles et aux grands espaces naturels, de créer des trames vertes avec boisements sur l’ensemble du site », énumère Magali Fronzes, adjointe au maire chargée de la nature en ville.
L’objectif, c’est selon elle que « 42% de la surface du secteur soit en pleine terre. » Sur l’ensemble de la Jallère, 30 ha seraient des espaces verts non constructibles, et les espaces constructibles comprendraient 20% à 50% d’emprises non bâties, d’où le terme de « clairières » employé par l’agence Michelin.
« Gaspillage d’espace »
Les élus écologistes ont manifesté une satisfaction toute relative :
« Le projet a plutôt bien évolué car le plan guide de 2015 détruisait totalement les zones humides, estime Pierre Hurmic. C’était inacceptable et on a bien fait de se mobiliser. En 2017 nouveau plan guide prévoyait une destruction partielle avec compensation. Enfin, ce 3e projet évite totalement de toucher aux zones humides. Mais alors que vous [la mairie] dites vouloir densifier la ville, vous faites exactement l’inverse ici, avec un nombre de logements très faible ! Cet “urbanisme de clairière”, c’est du gaspillage d’espace. »
Il y aurait en effet dans le projet 20 logements à l’hectare, soit environ 2000 sur l’ensemble du quartier (contre 95 à l’ha un peu plus loin, à Ginko), dont un certain nombre de maisons individuelles. Objectif : « s’adapter aux modes d’habiter périurbains », tout en répondant au « manque d’offres de logements sur la métropole, qui contribue à l’étalement urbain », explique Elizabeth Touton, adjointe en charge de l’urbanisme.
Pour la mairie, la Jallère répondrait ainsi au cahier des charges du programme 50000 logements, censés être construits le long des axes de transports en commun. La révision du plan local d’urbanisme permettait de bâtir des logements dans une zone jusqu’alors dédiée à l’activité.
Jackpot
Alors que Bordeaux Métropole possède moins de la moitié des terrains (40 hectares), c’est ainsi le jackpot qui a été offert aux entreprises propriétaires, comme l’assureur Gan, la Caisse des dépôts ou la Caisse d’épargne, pour certaines en partance du quartier vers Euratlantique.
« La dépollution du site, les risques de vacance et de friches causés par le départ de ces entreprises, le projet d’extension de Gan et la proposition de relocalisation des Compagnons du devoir rendaient nécessaires l’accompagnement public, justifie Elizabeth Touton. Mais à ce stade le projet n’est ni abouti techniquement, ni validé. »
En l’état actuel, la Jallère serait un quartier mixte : la moitié de sa surface doit être dédiée à des locaux d’activités – sans que ceux-ci soit à ce stade définis (bureaux ? industrie ? logistique ?). En tout, l’opération représente 300000 m2 de plancher, ce qui est loin d’être négligeable : cela représente un peu moins que la ZAC Bastide Niel sur une surface trois fois plus importante. Bref, une hérésie pour l’élu (apparenté PS) Nicolas Guenro :
« Faire reculer la nature en ville ne répond pas au défi climatique. Le rapport Le Treut sur le changement climatique en Nouvelle-Aquitaine cible deux défis principaux, la lutte contre les îlots de chaleur urbains et le risque de submersion alors que 85000 à 115000 personnes vivent en zone potentiellement inondable. Or ce projet aura un impact sur la perméabilité des sols. Il n’est pas exact de parler de clairières car celles-ci ne seront pas peuplées de coquelicots mais de constructions et d’espaces publics. »
Pour le conseiller municipal, si la mairie veut vraiment « changer de paradigme », elle doit « renoncer à ce projet et laisser la Jallère dans son jus ». Les élus écologistes ont demandé que leur proposition alternative, une forêt urbaine de 40 ha sur le terrain de la métropole, soit soumise à la concertation. Demande acceptée par Alain Juppé, ce qui ne mange pas de p(a)in.
[🌳breaking news #CMBDX] après l’intervention de @PierreHurmic sur La Jallère @alainjuppe accepte de soumettre notre proposition de forêt urbaine à la concertation !🌳🌳🌳🌳Aidez-nous à valoriser ce projet ! #nature #climat #BxMetro pic.twitter.com/QL5XgqKnHr
— Elus écologistes BDX (@elusEELVBDX) 17 septembre 2018
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