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Téléphones portables interdits au collège, la réforme qui sonne creux

C’est l’une des nouveautés de cette rentrée : les téléphones n’ont plus le droit de cité dans l’enceinte des établissements scolaires, selon une loi adoptée début août. Celle-ci ne fait que clarifier le message dans la plupart des collèges de l’agglomération bordelaise, qui appliquaient déjà cette mesure. Pour les syndicats, « l’urgence n’est pas là ». Reportage.

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Téléphones portables interdits au collège, la réforme qui sonne creux

L’un vérifie sa coiffure dans le reflet de son portable, sa voisine ajuste l’ourlet de son pantalon au millimètre près écouteurs sur les oreilles, tandis que d’autres ont déjà commencé à se raconter leurs souvenirs de vacances photos à l’appui. Ces téléphones seront tous priés de se faire oublier une fois franchi le portail du collège Edouard Vaillant de Bordeaux.

En ce jour de rentrée, les collégiens renouent avec la consigne et appuient docilement sur la touche off, optent pour le mode avion ou silencieux… chacun son choix tant que la règle est respectée : celle de ne pas utiliser son portable dans l’enceinte de l’établissement.

« Ce n’est pas une nouveauté de la rentrée, assure Véronique Seyral, la principale du collège. Auparavant, le téléphone était autorisé dans la cour, mais certains prenaient des photos sans l’avis de leur camarades ou passaient des appels qui dépassaient le cadre de la récré. On a trouvé plus simple d’interdire l’utilisation des téléphones sitôt le portail franchi. »

Utiliser son portable au collège est officiellement interdit (KLC/Rue89 Bordeaux)

La directrice de l’établissement rappelle que ce n’est pas l’objet en soi qui est interdit mais le fait de s’en servir. Depuis le changement du règlement intérieur, Véronique Seyral a senti un changement.

« Les élèves ont imaginé d’autres activités pour s’occuper pendant la récré, ils sont beaucoup plus actifs, certains jouent au ballon ou discutent entre eux. »

« Tu te débranches, tu te déconnectes et tu éteins ton téléphone »

Au collège Henri Brisson de Talence, le proviseur Manuel Borrego rappelle gentiment les élèves à l’ordre. Là aussi, l’interdiction date de la rentrée dernière, explique-t-il :

« Nous avons réuni parents, éducateurs, profs et élèves pour en discuter et décider d’interdire l’utilisation du téléphone et de tout objet connecté dans le collège. Cela figure dans le règlement intérieur. Mais cela demande une vigilance de tous les instants et ce, dès le matin », pour s’assurer que la consigne est suivie, précise-t-il.

Manuel Borrego avait décidément pris les devants à la loi parue au Journal Officiel le 5 août qui laisse une variable d’ajustement à chaque collège. Cette dernière interdit l’usage des portables « pendant toute activité liée à l’enseignement qui se déroule dans leur enceinte, à l’exception des circonstances, notamment pédagogiques, et des lieux dans lesquels le règlement intérieur l’autorise expressément », a précisé Olivier Dugrip, le recteur de l’Académie de Bordeaux lors de sa conférence de presse de rentrée, jeudi dernier.

À Talence, le principal avait déjà tranché sur la question. Après concertation, il a préféré investir dans des tablettes numériques, sans connexion internet, pour enregistrer du son ou prendre des photos dans le cadre de certains cours.

Allô ! Maman, bobo

Retour au collège Edouard Vaillant. La deuxième sonnerie vient de retentir, les élèves ont rejoint leur classe derrière leur nouveau professeur(e) principal(e). Après avoir accueilli ses élèves, Bruno Pequignot rappelle quelques règles de bases, « dire bonjour en entrant, attendre qu’on vous autorise à vous asseoir en début de cours, lever le doigt pour poser des questions et éteindre son téléphone ».

« Avant c’était le collège qui voulait pas, maintenant c’est la loi qui le dit », ajoute Aboubacar, après avoir levé la main.

Bruno Pequignot, prof principal en 5e au collège Edouard Vaillant à Bordeaux (KLC/Rue89 Bordeaux)

L’enseignant de SVT a été confronté à la question des portables également en tant que directeur de colonie.

« Ce sont les mêmes difficultés, notamment celles de faire respecter l’image de chacun. Pourtant, malgré notre vigilance, des messages peuvent être envoyés à notre insu, se diffuser très rapidement, au détriment de certains élèves ou d’éducateurs qui peuvent en être la cible. Il y a aussi des histoires de vol, perte, casse qui engagent les assurances… Tout ça s’est simplifié lorsque l’interdiction de les utiliser à été ajoutée au règlement. »

Dans la classe les élèves râlent mollement.

« Je trouve que ça sert à rien, en plus les téléphones mettent du temps à se rallumer à la fin de la journée », lance Sarah après avoir docilement levé le doigt.

« Si on n’a pas de calculatrice est-ce qu’on peut garder son téléphone allumé ? » interroge Faudé.

« Et si notre mère veut nous appeler pour un truc important ? » s’inquiète son voisin de table.

Les directeurs d’établissements proposent aux élèves qui doivent passer un coup de fil important (demande d’autorisation de sortie exceptionnelle, maladie…) de se rendre à l’espace de vie scolaire où ils pourront téléphoner, en présence du CPE ou d’un assistant d’éducation.

Mais pas de file d’attente à craindre, rassure Manuel Borrego qui pratique aussi la méthode depuis un an, « lorsqu’un prof est absent, seul les jeunes qui n’ont pas le droit de sortir doivent téléphoner à leurs parents, les autres sont libres de rentrer chez eux directement. »

Sanctions

« L’an dernier, seuls quatre téléphones confisqués ont atterri sur mon bureau, mais je sais que c’est plutôt 3 ou 4 par jours pour certains de mes collègues dans des établissements plus sensibles », poursuit Manuel Borrego.

Véronique Seyral, la principale du collège Edouard Vaillant situé en zone d’éducation prioritaire, abonde :

« D’une façon générale, l’enseignant peut confisquer le portable mais ça n’arrive pas si souvent. Les professeurs ont compris que l’important était de reprendre l’élève sur son attitude et non pas sur sa possession de l’objet ».

En REP+, à Lormont, la sanction est progressive :

« D’abord un avertissement en cas de sonnerie intempestive, puis une confiscation pendant l’heure de cours, puis durant toute une journée. Enfin, c’est aux parents de venir récupérer le téléphone », liste Philippe Jeanjean du syndicat enseignant SNES 33 pour qui la loi ne fait qu’entériner ce qui s’est passé sur le terrain depuis plusieurs années.

Au collège Jean Jaurès à Cenon, où le téléphone allumé était déjà indésirable dans les couloirs ou la cour de récréation, « on a juste rappelé la règle en ce jour de rentrée » pointe Silvy Chabrefy la principale adjointe qui souligne l’importance des interventions autour des dangers d’internet présentées aux élèves de 5e.

Un « non-débat »

« C’est ça la clé », martèle Stéphanie Anfray, présidente de la fédération de parents d’élèves FCPE 33 :

« Une bonne partie des problèmes liés au numérique intervient en dehors de l’école ! Ce qui prime ce n’est pas de dire où le téléphone est interdit mais plutôt de privilégier l’éducation aux médias et la prévention pour bien utiliser l’outil. »

La représentante de la FCPE souligne aussi l’importance de sensibiliser les parents d’élèves aux réseaux sociaux, « à travers des temps d’échange entre le CPE (conseiller principal d’éducation) et les familles par exemple. »

Au bout du compte, Stéphanie Anfray estime qu’il s’agit là d’un « non-annonce». « Un coup de com’ », ajoute Philippe Jeanjean, du syndicat enseignant SNES 33. « Cette loi ne change rien à part essayer de donner une impression de fermeté », selon le secrétaire académique adjoint du SNES, pour qui « l’urgence n’est pas là aujourd’hui en collège » :

« Nous faisons face à des refus de travailler, des insultes, mais sincèrement en REP+, le portable n’est pas un sujet qui fait polémique. Certes, nous avons eu quelques affrontements avec des élèves en rébellion, parce qu’on avait tenté de leur prendre leur portable mais ce sont des cas très rares. »

Pour Stéphanie Anfray, « c’est un non-débat qui tente peut-être d’effacer la polémique des classes surchargées ».


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