Mon radiateur est un data center et va bien chauffer gratis : il y a trois ans, le département de la Gironde présentait cette expérience inédite dans un immeuble neuf. Ce dernier – une résidence de 49 logements sociaux, dont les deux premiers étages seront occupés par un Pôle de solidarité -, est en cours de finition à Bordeaux.
Objet d’une récente visite réservée à la presse, le bâtiment sera équipé de 346 radiateurs d’un nouveau genre, les QH-1, mis gratuitement à la disposition de la Gironde par Qarnot Computing :
« Chacun est un bout de notre data center, et contient l’équivalent de trois ordinateurs », résume Miroslav Sviezeny, son directeur général.
La start-up française de 30 salariés donne dans le « cloud computing » : elle loue du temps d’ordinateur et de la puissance de processeurs à ses clients – grandes banques, laboratoires de recherches, studios d’animation -, très gourmands en capacités de calcul informatique.
Economie circulaire
Qarnot est loin de son concurrent OVH – 2,5 millions d’euros de chiffre d’affaires, contre 500 millions réalisés en 2017 par le géant français du cloud. Mais la société se targue de proposer des coûts « 2 à trois fois moins importants » que les autres fermes de données : au lieu de stocker ses serveurs dans des hangars climatisés, elle les délocalise dans des logements.
« C’est de l’économie circulaire doublement utile, se réjouit Jean-Luc Gleyze, président du conseil départemental. On peut récupérer cette « chaleur fatale » d’ordinaire perdue pour chauffer un bâtiment, et éviter de consommer de l’énergie pour refroidir les processeurs. Dans la lutte contre la précarité énergétique, cela permettra d’aider des familles qui ont souvent du mal à payer leurs factures à la fin du mois. »
Pour résumer, poursuit Jean-Luc Gleyze, « c’est un partenariat public-privé qui coûte moins cher que le grand stade de Bordeaux », car c’est « BNP Paribas qui chauffera les locataires » de Gironde Habitat. La banque française est en effet un des principaux clients de Qarnot, auquel elle confie une bonne part de ses données.
Et s’il fait chaud ?
Pour les futurs locataires de la nouvelle résidence, l’économie de chauffage sera de quelques dizaines d’euros par mois, sans compter le Wifi gratuit également fourni par le radiateur. Pour l’ensemble du bâtiment, Qarnot estime l’économie globale à 30000 euros par an, contre un investissement initial de 800000 euros à ses frais.
Après les 290 radiateurs installés en 2013 dans 101 logements sociaux réhabilités par la Régie immobilière de la Ville de Paris, Qarnot étoffe son parc, désormais de 1000 machines. Si un autre bailleur social parisien devrait profiter de ses QH-1, cela reste encore insuffisant pour répondre aux besoins des clients de la société.
En outre, quand les radiateurs sont éteints, la société doit recourir aux services d’un autre data center. Aussi, pour répondre à ce problème de saisonnalité, Qarnot planche sur des chauffe-eau pour les piscines, qui ont elles besoin d’être chauffées toute l’année.
Le concept vaut en tous cas d’être creusé alors que le volume de données disponible sur Internet croit de façon exponentielle. La taille moyenne d’un data center a décuplé en dix ans, passant à 10000 m2 pour les plus récents, selon une étude de l’institut d’urbanisme de Paris sur les fermes de données franciliennes.
Et l’impact est considérable : d’après le think tank Shift Project, l’empreinte énergétique directe du numérique augmente de 9% par an, et les émissions de gaz à effet de serre du secteur ont bondi de 50% depuis 2013.
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