« Le tram n’est pas dépassé, s’il n’existait pas, il faudrait l’inventer », estime Alain Juppé. Le président de la métropole n’apprécie guère les critiques visant le réseau bordelais, qui fête ses 15 ans de service, mais a récemment essuyé une panne géante, est quelque peu saturé, et coûte cher, tant en entretien qu’en investissement.
Conseil après conseil, les attaques se font de plus en plus vive contre les projets de nouvelles extensions. Après celle de la ligne D vers Saint-Médard-en-Jalles, Bordeaux Métropole a voté ce vendredi l’ouverture de la concertation pour créer une fourche de la ligne B du tram.
Fourches caudines
Celle-ci bifurquerait entre les stations Doyen-Brus et Montaigne-Montesquieu, passerait devant Kedge et les établissements au sud de Talence, franchirait la rocade pour arriver au centre-ville de Gradignan.
« Cette ligne renforcerait la desserte du campus et de zones où la densité urbaine est forte, et serait une ouverture vers la métropole pour des territoires frappés par la congestion routière », comme Jalles Eau Bourde ou le Val de l’Eyre, plaide Michel Labardin, vice-président en charge des transports de demain, et maire de Gradignan.
Les élus de Pessac ont manifesté leur crainte que le futur tronc commun de la ligne B, souvent en panne et très fréquenté sur le campus, ne se trouve totalement saturé.
En outre, Bordeaux Métropole a également voté le lancement d’une concertation pour un bus à haut de niveau de service entre le CHU de Pellegrin d’un côté, et les quartiers de Thouars à Talence et Malartic à Gradignan, avec une connexion à la gare de la Médoquine, bientôt rouverte.
100 millions les 6 kilomètres ?
Favorable à ce dernier projet, le conseiller métropolitain Pierre Hurmic s’est dit en revanche « hostile » à l’extension du tram B.
« C’est un peu ceinture et bretelles et ce luxe ne nous parait pas indispensable. Ces deux lignes seront proches de 700 mètres sur un linéaire de 2 kilomètres. On a peu d’élément sur leur rentabilité socio-économique. Mais si on se fonde sur les estimations de la ligne D, on peut estimer que ces 6 kilomètres de tram coûteront environ 100 millions d’euros. D’autres liaisons nous semblent prioritaires, sur les boulevards ou une ligne pont à pont via la rive droite. »
« Les 2 lignes sur lesquelles nous travaillons le plus sont les BHNS Bassens-campus et pont à pont », répond Alain Juppé, qui promet d’accélérer des études pour un transport en site propre entre la place Ravezies et Cenon.
L’élu communiste de Cenon Max Guichard a toutefois qualifié de « scandaleuse » l’absence de dialogue avec les élus de la rive droite lors de l’abandon pur et simple du projet initial. Le schéma de déplacement de la métropole prévoyait en effet une ligne circulaire, reliant Cenon à Gradignan via les boulevards.
Dirty boulevard
Mais les études ont condamné un passage du tram sur cet axe : il faudrait en effet supprimer une voie de circulation dans les deux sens, avec des effets spectaculaires sur la congestion, mais aussi une centaine de places de stationnements et 220 arbres.
« Quand on ferme le pont de pierre, il faut deux ans de conviction, rappelle Alain Juppé. Inutile de dire ce que cela serait sur les boulevards ou il faudrait diviser par deux la circulation pour faire passer un tram, et qu’il n’y ait plus de voitures stationnées ! On en parlera en 2020 et peuple tranchera. »
Mais la campagne est déjà lancée. Ex président de la CUB, Vincent Feltesse s’est montré particulièrement remonté contre ces extensions de tram :
« Je suis de plus en plus circonspect sur les grandes décisions prises ici, sur leurs priorisation que nous donnons à certaines communes. Là où le développement de la population est le plus important , c’est la rive droite, Bastide Niel, Brazza, Euratlantique, des quartiers qui sont pour la plupart à Bordeaux. C’est comme si l’on donnait une prime : moins on densifie, plus on a de transports collectifs. »
Les RER est humaine
Un « raisonnement absurde », estime Jacques Mangon. Le maire de Saint-Médard M relève que les plus forts taux d’augmentation de la population se situent dans le cadran nord-ouest, lieu des nombreuses créations d’emplois – et de bouchons.
Le problème des transports dans l’agglomération ce sont les relations avec l’extérieur de la métropole, les gens du libournais ou de Saint Jean d’Illac qui viennent y travailler », affirme Alain Juppé :
« La réponse n’est pas le tram, on ne va pas en faire un jusqu’à Lacanau, même si son maire aimerait bien. La réponse c’est le ferroviaire et le car express », ajoute l’édile de Bordeaux, alors que la métropole a adopté ce vendredi le projet de RER métropolitain (lire notre version réactualisée de nos infos sur le sujet).
« Je me suis abstenu sur le SDODM car il n’y avait rien sur le RER métropolitain, je suis content que 2 ans et demi après vous rejoigniez ma pensée », réplique Vincent Feltesse.Un mea culpa que fait aujourd’hui volontiers Alain Juppé : le potentiel des voies ferrées existantes ont été trop longtemps ignorées.
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