Média local avec zéro milliardaire dedans

Mais que fait une dessinatrice bordelaise dans l’affaire du stand saccagé d’un éditeur à Bruxelles ?

Le stand de la maison d’édition Ring a été saccagé à la fin de l’inauguration de la 50e édition de la foire du livre de Bruxelles. Sur sa page Facebook, l’éditeur s’en prend au collectif Lignes de Crêtes qu’il accuse d’acharnement, et à la dessinatrice bordelaise Tanxxx la qualifiant de « sataniste ».

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89Bordeaux, abonnez-vous.

Mais que fait une dessinatrice bordelaise dans l’affaire du stand saccagé d’un éditeur à  Bruxelles ?

Une foire du livre, une ancienne journaliste, et un éditeur sont réunis dans une même intrigue. En toile de fond, un collectif « politiquement bienpensant ». Voici les ingrédients d’un scénario mystérieux comme il en arrive rarement. Surtout dans la vraie vie.

Que fait donc Tanxxx dans cette histoire, la dessinatrice bordelaise lauréate du prix Artémisia de la bande dessinée féminine en 2009 ?

Un stand « ravagé »

Le décor est la foire du livre de Bruxelles. Une « gigantesque librairie au cœur de l’Europe » peut-on lire sur sa fiche Wikipédia. Créée en 1969, elle est devenue « un événement culturel majeur en Belgique francophone » et fêtait son 50e anniversaire du 14 au 17 février 2019.

L’ancienne journaliste est Zineb el Rhazoui. Franco-marocaine, ex-membre de la rédaction de « Charlie Hebdo », elle a échappé à l’attentat contre le siège social de l’hebdomadaire satirique. Militante des droits de l’Homme, elle a écrit un livre, « Détruire le fascisme islamique », et devient la cible d’une fatwa : une menace de mort qui lui vaut d’être constamment sous protection judiciaire.

L’éditeur est Ring. Rangé dans le rayon extrême droite par le journal Libération, position que l’éditeur conteste, il édite des auteurs comme Laurent Obertone, journaliste fétiche du FN ; Geoffroy Lejeune, directeur de la rédaction de Valeurs actuelles ; et Marsault, un dessinateur aux idées ultradroitières qui a vu son exposition prévue en septembre 2018, à la galerie parisienne Art Maniak, annulée après une levée de bouclier d’artistes ou de citoyens sur les réseaux sociaux. Ring est également l’éditeur de Zineb el Rhazoui (et également de Julian Assange).

Le pitch : le jeudi 14 février au matin, les éditions Ring ont découvert leur stand « ravagé » à la foire de Bruxelles. Selon Le Soir, quotidien généraliste belge de langue française, un seul homme est à l’origine des faits. Celui-ci a déchiré plusieurs livres et laissé une feuille sur laquelle il avait inscrit « sale fachos ».

Lignes de Crêtes

Sur sa page Facebook, l’éditeur rapporte :

« Ce matin, nous découvrons le stand ravagé, des livres de Zineb El Rhazoui dégradés, des pages de Zineb déchirées, un policier des RG belges accroupi qui vérifie la présence de colis suspects, le renseignement français qui passe constater et recueillir la moindre information, les autres éditeurs alentours silencieux qui baissent les yeux. Une fois le stand réinstallé, des femmes voilées et des mineures voilées viendront nous demander le pourquoi de la présence de Zineb. »

Il pourrait donc s’agir d’une mouvance islamo-conservatrice, voire extrémiste (où les femmes et les mineures sont voilées), venue intimider la journaliste, « rendue mondialement célèbre suite aux attentats de Charlie Hebdo dont elle fut la rescapée » comme la présente le site de l’éditeur. En effet, le jour de l’attentat, elle était en vacances au Maroc.

Quelques lignes plus haut dans le post de l’éditeur, on peut lire qu’il est question d’ « un enième acharnement diffamatoire du groupuscule antifa, féministe intersectionnel, indigéniste et frèriste Lignes de Crêtes [qui] a placé une nouvelle cible dans notre dos en lançant des appels à notre expulsion de la foire du livre de Bruxelles, située à côté de Molenbeek ».

La mention de Molenbeek n’est pas anodine. Cette commune de la banlieue bruxelloise a été sous les projecteurs des médias du monde entier au lendemain des attentats de Paris du 13 novembre 2015 et de ceux de Bruxelles du 22 mars 2016. Elle est considérée comme un foyer de l’islamisme radical en Europe et la base arrière d’où sont partis les terroristes.

« Sataniste »

Et Tanxxx ? Elle est clairement visée par le post de Ring qui la qualifie de « sataniste ». La dessinatrice bordelaise fait partie du collectif Lignes de Crêtes qui avait repris sur son site une lettre envoyée à Grégory Laurent, commissaire général de la foire du livre de Bruxelles, lui demandant d’annuler la participation de Ring. La direction de la foire réagira après l’événement précisant qu’elle « a toujours voulu être un lieu de libre expression et de dialogue ».

Mais c’est aussi l’annulation de l’exposition de son auteur fétiche Marsault que Ring a en mémoire. Et Tanxxx y est pour quelque chose. Interrogée en septembre par Rue89 Bordeaux, elle avait expliqué :

« Nous étions plusieurs à alerter la galerie, et depuis plus d’une semaine, sur la dangerosité du personnage et de sa fanbase, comme l’est d’ailleurs son éditeur non moins fasciste Ring. »

Le dessinateur « patriote, droitard et réactionnaire », comme il aime à se qualifier, concentre alors sa déception et ses critiques sur la dessinatrice bordelaise. Condamné pour harcèlement dans une autre affaire, Marsault a également vu sa page Facebook, suivie par plus de 200 000 internautes, fermer après plusieurs signalements.

Face aux accusations de Ring, les membres du collectif Lignes de Crêtes ont publié un texte où ils disent ne pas accepter « être désignés comme des complices des attaques et des menaces terribles et inqualifiables qui pèsent sur Zineb El Rhazoui, cible de Daech et d’autres groupes terroristes ». De son côté, l’éditeur a annoncé le dépôt de plusieurs plaintes. Pour Tanxxx, « Ring menace très souvent de plainte, […] je doute fort qu’ils le fassent vu qu’il n’y a rien ».


#antifa

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles

Autres mots-clés :

Partager
Plus d'options
Quitter la version mobile