Cela donne un recueil passionnant à plus d’un titre entre deux écrivains rares : Pierre Bergounioux dont l’œuvre exigeante depuis 1984 nous offre des textes denses et l’aventure extrême de la publication de son Carnet de notes quotidien, et Jean-Paul Michel qui est à le fois cet éditeur que les bordelais connaissent bien – William Blake and co c’est lui –, dont le catalogue réunit des écrivains majeurs qui vont de Hölderlin à Pontevia en passant par Yves Bonnefoy, Jean-Luc Nancy, tant d’autres que je ne peux énumérer, et qui est aussi ce poète qui ne s’est jamais lassé de dire la beauté des choses.
Difficile de rendre compte de ce livre dans sa richesse ; il faut se contenter d’y prélever quelques-uns des thèmes qui semblent importants au lecteur que je suis.
Amis
En premier lieu, l’amitié en ce qu’elle a de fondateur et de chemin privilégié dans l’exploration de la littérature. Ces deux-là se connaissent depuis les années de lycée à Brive et Jean-Paul Michel est l’âme à la fois passionnée et intransigeante d’un groupe de garçons qui sont sous le charme de son charisme. Pierre Bergounioux y revient sans cesse, pour remercier la chance de cette rencontre :
« Fallait pas commencer à seize ans, tête baissée, le feu aux mains, à Brive-la-Gaillarde. Tu t’engageais, et tes petits camarades avec toi, jusqu’au bout. On ne t’a plus quitté des yeux. » (28 décembre 2015)
J’aime cette fidélité à celui qui fut l’initiateur de cette quête de beauté et de vérité.
Il y a aussi cet attachement à une terre ingrate dont Pierre Bergounioux a souvent dit comment il était dur de s’y arracher tant elle semble éloignée de tout et de la culture en particulier. Mais aussi combien elle est nourricière puisque l’un et l’autre aiment à y revenir.
Philosophe
Le dialogue si tôt commencé se poursuit et Jean-Paul Michel note avec malice combien ils ont, au fil du temps, occupé des positions croisées :
« Si je ne m’abuse, tu as passé un doctorat de lettres en “philosophe”, et même en sociologue. Ma peau d’âne de “philosophe”, je ne serais pas surpris de l’avoir conquise en piéton des Lettres. Pour un observateur tiers, la situation pourrait prêter à rire : le “littéraire” se pique de raisons et couvre la rhétorique (à laquelle il s’est si bien assoupli qu’il la porte au plus haut degré où elle se puisse aujourd’hui connaître) de sarcasmes loustics ; “revêche, hostile” – tandis qu’à force de sonder des systèmes de “raisons”, le “philosophe” fait la moue quand on tourne devant lui avec trop d’assurance la manivelle démonstrative. » (p.66).
J’aime qu’ils ne soient pas toujours d’accord et que Pierre Bergounioux résiste à la passion de Jean-Paul Michel, qui n’économise pas ses arguments, pour Hölderlin.
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