Nicolas Florian s’est sans doute laissé emporter par son élan. A peine élu, le maire de Bordeaux affirmait sur TV7 vouloir retarder le projet de bus à haut niveau de service (BHNS) entre Bordeaux et Saint-Aubin de Médoc, et « se donner du temps pour étudier d’autres tracés » sur la partie intra-boulevard.
C’est cette portion même a suscité les recours de l’association de riverains « Bordeaux à coeur », et provoqué l’annulation de la première déclaration d’utilité publique (DUP), le 19 juillet 2018.
Mais Patrick Bobet, le président de Bordeaux Métropole, et les maires concernés par cette ligne de 21 kilomètres, ont donné une fin de non-recevoir à la requête de Nicolas Florian. Pas question d’ouvrir une nouvelle enquête publique pour repenser le trajet, et retarder de plusieurs années ce projet voté en 2015 – sans aléa judiciaires, il serait rentré en service dès cette année.
Marché de DUP
Dès lors, il s’agissait d’offrir une porte de sortie au maire, à charge pour ce dernier de l’expliquer aux élus métropolitains, lors des débats sur la nouvelle DUP.
« Les élus de la ville de Bordeaux vont voter cette délibération, commence Nicolas Florian. Je ne voulais pas être celui qui marque un coup d’arrêt définitif à ce projet d’intérêt métropolitain, en le repoussant aux calendes grecques. (..) Par contre j’ai obtenu du président que si on lui donne aujourd’hui un feu vert, on nous accorde la possibilité de reconsulter les Bordelais et les Bordelaises. Ils ne comprendraient pas qu’on m’interdise de retourner vers les citoyens au moment où on s’aperçoit samedi après samedi que le lien de confiance est rompu entre nos concitoyens et les responsables politiques. »
La comparaison n’est pas évidente entre les Gilets jaunes et les associations d’habitants des quartiers huppés de Saint-Seurin et Croix Blanche, avant tout préoccupés par le stationnement de leurs SUV, si on pousse la caricature… Mais Nicolas Florian, se situant « dans l’esprit du Grand Débat », martèle son souhait de leur présenter « d’ici fin juin trois tracés alternatifs sur des parties jusqu’à présent non étudiées » (via Judaïque, Georges Bonnac et Maréchal Juin).
« Je veux aussi donner la possibilité à ceux qui sont convaincus de l’utilité et de la pertinence du BHNS de s’exprimer », poursuit le maire de Bordeaux.
Une consultation, pas une concertation
Ce dernier promet donc de « faire de la pédagogie » et de « consulter ». Mais pas de relancer une concertation, ce qui supposerait de reprendre à zéro l’enquête publique. La position est pour le moins ambiguë, et au conseil de métropole, l’opposition au maire de Bordeaux s’engouffre allègrement dans la brèche.
Favorable au BHNS, Pierre Hurmic (EELV) critique des « déclarations contradictoires » et un « miroir aux alouettes » :
« Vous avez déclaré en bureau qu’on a besoin de démontrer qu’il n’y a pas d’autre tracé possible. Mais ce n’est pas ça, une consultation ! Si une véritable consultation est lancée, on ne peut pas voter la DUP. Si un vrai choix est laissé au gens sur le tracé, et qu’ils n’en veulent pas, qu’est ce qui se passe, on la retire ? «
Michèle Delaunay (PS) embraye :
« Mme Dessertine (maire adjointe du quartier centre, NDLR) a fait 55 séances de concertation et à Saint-Seurin je suis moi-même interpellée de manière très virulente sur le trajet du BHNS. Il faut éclairer la situation, que nous sachions pour quoi nous votons. »
L’ancien président de la CUB, Vincent Feltesse critique le « mauvais Feydeau politique » qui s’est joué entre Nicolas Florian et Patrick Bobet, et estime qu’ »on ne peut pas s’amuser à reprendre des risques juridiques » avec un projet préalablement recalé au Conseil d’Etat.
Point mort
Le candidat à la mairie de Bordeaux s’inquiète donc que le BHNS puisse se retrouver au point mort, comme d’autres projet de transports de la métropole, notamment la ligne de TCSP sur les boulevards, ou une meilleure desserte de l’arc de développement, des Bassins à flot à Euratlantique en passant par la rive droite.
Des propos « péjoratif » selon Michel Labardin. Le maire de Gradignan et vice-président aux transports rappelle ainsi que la ligne de bus Bassens-Campus sera lancée en septembre, tout comme celle entre Pessac et le Haillan, via la rocade.
Les maires de la majorité métropolitaine tentent en outre d’épauler Nicolas Florian, à commencer par l’autre vice-président en charge des transports, Christophe Duprat :
« Je tiens à le remercier au nom des habitants, lance le maire de Saint-Aubin. C’est normal qu’on passe du temps à expliquer ce projet. Et ses retards sont après coup une bonne chose puisque le projet s’est enrichi avec les demandes des riverains (voir encadré). »
Cadrans
Jacques Mangon, maire de Saint-Médard-en-Jalles, une des communes traversées par le BHNS, « comprend que Nicolas Florian ait envie de s’assurer que toutes les pistes ont été explorées » :
« Il aurait pu le faire de manière dangereuse en nous demandant de décaler temporairement le projet. Il a su trouver un compromis heureux entre sa temporalité et les nécessités du projet. »
Une « temporalité » qui, au delà du mois de juin, inclut les élections municipales de 2020. Si les élus se sont écharpés sur des considérations politiques, tous saluent cependant l’intérêt du BHNS, qui doit desservir une zone de 200000 habitants, en forte croissance démographique (+10% d’habitants en 5 ans dans certaines communes).
« Aujourd’hui, plus de 70000 habitants attendent déjà d’être traités de la même manière (que les autres usagers de TBM, NDLR), souligne Christophe Duprat. Il leur faut une heure et demi pour rallier la gare, et donc utiliser deux tickartes car ils doivent prendre une correspondance et dépassent l’heure de validité. »
Transcub et le collectif Capdeville-Croix Blanche ont salué dans un communiqué le vote favorable du conseil métropolitain. La deuxième association espère cependant « que la consultation voulue par Nicolas Florian aboutisse à des améliorations du projet », notamment « un engagement concret et précis de compenser l’intégralité des places de stationnement supprimées ».
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