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Manif du 8 mars à Bordeaux : des meufs, des keufs et des violences policières

La traditionnelle marche nocturne non-mixte de la journée de lutte pour les droits des femmes s’est déroulée vendredi. Objectif pour ces femmes : se réapproprier les rues de Bordeaux. Mais la police en a décidé autrement et a fait usage de la force pour interpeller plusieurs personnes.

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Manif du 8 mars à Bordeaux : des meufs, des keufs et des violences policières

Que s’est-il passé ce vendredi soir, sur le parcours de cette manifestation non-mixte, féministe et revendicative organisée par le Collectif 8 mars Gironde ? Lundi, ce dernier a publié un communiqué de presse dénonçant une répression policière démesurée. Rue89 Bordeaux n’était pas présent mais a reconstitué le déroulé grâce à plusieurs témoignages.

Comme le rappelait ce lundi soir Annie Carraretto (du Planning Familial 33) à La Clé des ondes, cette manifestation a lieu tous les ans :

« Il s’agissait d’une déambulation pour se réapproprier les rues de Bordeaux, montrer que l’espace de la rue est aussi aux femmes alors qu’il y a encore trop souvent des femmes qui se font agresser, harceler, violer. C’est une manifestation non déclarée, mais pas interdite. Chaque année elle se déroule sans aucun problème, et rencontre l’adhésion des personnes que l’on rencontre. »

« Littéralement écartelée »

Ce vendredi 8 mars, le rendez-vous avait été donné à 20h place de la Victoire. Après un passage par le quartier Saint-Michel, où de nombreux tags sont réalisés, le cortège (qui comptait jusqu’à 800 participantes, selon le communiqué) arrive cours Victor-Hugo. Selon Camille, une des participantes, des policiers armés de LBD sont présents à l’avant de la manifestation. Mais c’est en fin de cortège que des policiers surgissent, surprennent une personne en plein tag et entreprennent de l’arrêter.

« Quand j’ai réalisé que c’était des policiers qui m’avaient attrapée, je me suis laissé tombée au sol, raconte l’étudiante en question, qui préfère rester anonyme. Les autres manifestantes ont vu la scène et ont accouru : elles essayaient de me retenir par les pieds, tandis que je me faisais tirer par les bras par les policiers. J’étais littéralement écartelée. Puis un policier m’a étouffée en me tirant avec son bras sur ma gorge. »

Face à la réaction de solidarité des manifestantes, les policiers font usage de gaz puis lancent une grenade de désencerclement. La grenade explose à proximité d’un groupe d’étudiantes espagnoles. Et les blesse : au niveau des chevilles pour l’une, Sofia, qui est transportée à l’hôpital, et plus légèrement à l’arcade sourcilière pour une autre.

Une manif qui a du chien

Alors qu’elles ont déjà perdu deux camarades (l’une interpellée, l’autre aux urgences), les manifestantes poursuivent leur parcours vers la place du Parlement. Puis décident de se rendre au commissariat de police en soutien à la personne interpellée. Celle-ci est relâchée, mais a depuis été entendue en audition libre au commissariat. Elle a reconnu avoir réalisé le tag pour lequel elle a été vue par les policiers, et attend désormais de connaître la suite de la procédure.

Des tags cours Victor Hugo (BG/Rue89 Bordeaux)

Autour de minuit, le cortège (amoindri) décide de clore la marche sur le parvis des droits de l’homme, fraîchement rebaptisé « des droits des femmes ». Mais au bout du cours du Maréchal-Juin, les manifestantes ont la surprise de trouver une « unité canine » de police qui leur bloque le passage.

« Les chiens étaient muselés, mais très bruyants et agressifs », raconte Camille.

Elles se rabattent alors sur la place de la République où le cortège est dissout. Alors qu’un dernier petit groupe rentre tranquillement vers la place de la Victoire, il réalise que la rue de Cursol est « infestée de voitures de police banalisées ».

« Des policiers sont sortis, avec des chiens, et ont interpellé trois personnes de manière sauvage. Alors qu’on retournait simplement à la Victoire pour célébrer la manifestation dans un bar ! » poursuit Camille.

Une vidéo circulant sur les réseaux sociaux montre cet épisode, et notamment les chiens utilisés pour faire reculer les manifestantes (à partir de 2 minutes 30).

« La marche était pacifique, la seule chose qu’on a fait c’est du bruit et chanter des chants féministes. Ce qui apparemment dérange le pouvoir » témoigne Camille. Sans oublier les tags revendicatifs (« PMA pour toutes », « Morts aux machos », « – de keufs, + de meufs »…) laissés tout au long du parcours.

La grenade

Sofia, étudiante Erasmus blessée en début de manifestation, est sortie de l’hôpital dans la nuit. Elle souffre d’une « plaie superficielle mais large au pied gauche, et d’une autre plus profonde au pied droit, qui est gonflé » rapporte Blanca, une de ses amies qui participait également à la manifestation.

« Elle regardait simplement ce qu’il se passait lorsque la grenade a explosé. Le bas de son pantalon a cramé. Elle est très choquée et se repose maintenant. »

Peu au fait du système français, Sofia n’a pas demandé à bénéficier d’une interruption temporaire totale (ITT) lors de son passage à l’hôpital, selon Blanca.

Enfin, les trois personnes interpellées en fin de soirée ont passé la journée du samedi en garde à vue. Elles sont convoquées au tribunal en décembre pour des motifs différents, dont notamment des « dégradations de biens ».

Dans son communiqué, le collectif dénonce le décalage entre la mise en avant de la lutte contre les violences faites aux femmes par le gouvernement, et les violences de cette soirée :

« Le symbole est fort : des femmes se retrouvent en danger dans la rue, du fait des violences policières, parce qu’elles ont osé manifester pour le droit à occuper la rue de nuit, à ne plus être agressées, harcelées, violées… »

« Est-ce que cela signifie que maintenant, le premier agresseur des femmes dans la rue c’est la police ? » questionnait encore Annie Carraretto. Interrogée par Sud Ouest sur cette affaire, la préfecture n’a pas souhaité s’exprimer.

Le collectif du 8 mars Gironde, lui, a lancé un appel à témoignage.


#Violences policières

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