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Nous avons croisé Les Hurlements d’Léo et Luis Gárate Blanes avant leur concert pour Bienvenue

Le concert d’inauguration de la programmation Bienvenue aura lieu ce vendredi 5 avril à L’Accordeur à Saint-Denis-de-Pile. A l’affiche, Les Hurlements d’Léo et Luis Gárate Blanes. Rue89 Bordeaux les a rencontrés autour d’un thé à la menthe et assisté à un échange passionné sur la cause des réfugiés.

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Nous avons croisé Les Hurlements d’Léo et Luis Gárate Blanes avant leur concert pour Bienvenue

Fallait connaître pour s’installer dans l’arrière-salle du Chat Noir Cha Vert. Autant la terrasse est souvent bondée et dans le feu de l’action de la grouillante place Saint-Michel, autant ici, c’est calme et tranquille. Dire que j’y passe mon temps serait faux, mais y aller pour me poser cinq minutes avec un thé à la menthe entre deux rendez-vous dans le coin, c’est une bonne adresse.

Ce jour-là, mon vélo à frein en rétropédalage a déraillé sur le cours Victor-Hugo et impossible de remettre la chaine en place. Les mains pleines de cambouis, je pose mes affaires dans cette salle avant un nettoyage express. Je tombe alors sur Laurent Kebous et Jocelyn “Jojo” Gallardo des Hurlements d’Léo. Ils sont en compagnie de Luis Gárate Blanes.

Les Hurlements d’Léo (DR)

Conte pour enfant

Si on n’entend plus parler de Julio Iglesias, c’est bien parce que Luis Gárate Blanes lui fait de l’ombre. Sérieux ! Je ne parle pas de musique, mais d’hidalgo ibérique (ça rime mais ce n’était pas le but). Et ce n’est pas pour ses beaux yeux que le chanteur des Hurlements d’Léo lui lâche une proposition à la volée : « Luis, je t’invite sur notre projet Mondial Stereo. »

Le nom ne m’évoque pas grand chose. Alors je m’assois à leur table, je commande moi aussi un thé à la menthe, et demande une explication. Laurent Kebous, qui a un regard qui respire le militantisme, se lance :

« C’est un conte humaniste mis en musique, résume le chanteur de LHDL. C’est l’histoire d’un gamin syrien de 14 ans qui a vécu la guerre avec ses parents. Il s’appelle Léo. Il perd son père, et sa mère décide de fuir le pays. Ils embarquent sur un bateau de fortune avec d’autres gens. Arrivés en Italie, ils sont refoulés et sont repêchés par SOS Méditerranée qui les dépose à Marseille. Sur le bateau, Léo rencontre Calypso qui deviendra sa copine, et d’autres musiciens avec qui il décide de monter un groupe. La musique va être son sésame pour pouvoir s’échapper et se mettre à rêver. »

Voilà pour le pitch. Sur cette création destinée à sensibiliser les enfants sur la question des réfugiés – « mes enfants de 9 et 13 ans me demandent un jour pourquoi ils viennent et qu’est ce qu’ils veulent ! » –, Les Hurlements d’Léo invitent des musiciens pour composer des chansons autour de la migration et de l’exil. Pour Luis Gárate Blanes, il y a une consigne :

« L’idée est d’utiliser ta langue natale, l’espagnol, pour proposer une berceuse qui pourrait être celle que le papa de Léo lui aurait chanté quand il était enfant. »

Luis Gárate Blanes (© Studio Franklin)

Fier de ses origines

Les yeux de Luis Gárate Blanes pétillent. Fils d’un immigré espagnol et d’une immigrée algérienne, la proposition lui va droit au cœur.

« C’est un sujet qui me touche forcément même si je n’ai pas connu directement la migration. Mon père m’a raconté comment il est arrivé à 18 ans en France, en 1970, et comment il a passé ses journées sur les quais de Bordeaux à attendre qu’on le choisisse derrière les grilles du port pour un boulot. »

Luis Gárate Blanes se souvient du jour où il complète un questionnaire pour son collège en précisant qu’il est de nationalité « française et espagnole ». Son père le reprend et lui demande de ne mentionner que sa nationalité française, pour être « mieux vu ».

« Je suis fasciné par la difficulté qu’éprouve un migrant pour s’arracher de son pays vers de nouveaux horizons. Il faut comprendre à quel point on chérit la liberté pour abandonner ses racines. Ceci dit, mon père est revenu vers moi le lendemain en me disant : “Je m’excuse de t’avoir demandé ça, tu as raison d’être fier de tes origines”… »

Fier de ses origines, en effet ! Au point que l’ancien étudiant en philosophie à Michel de Montaigne se tourne vers la musique et chante en espagnol. Guitariste, auteur-compositeur et interprète, il enchaîne les concerts sous deux étiquettes : la sienne et celle de sa formation Duende (dernier clip ici).

« On part parce qu’on a n’a pas le choix »

« L’histoire de Léo, c’est notre histoire, surenchérit Laurent Kebous (également animateur socio-culturel). Mon métier est tourné vers l’autre, peut-être pas pour lui sauver sa vie, mais pour l’accompagner dans sa vie. Léo est un enfant fasciné par la devise française “liberté, égalité, fraternité“. Une fois en France, il découvre que c’est plutôt “liberté, égalité, fragilité“… »

En résidence de cinq jours à L’Accordeur à Saint-Denis-de-Pile, Les Hurlements de Léo dédient un concert à la cause des réfugiés le vendredi 5 avril dans le cadre de Bienvenue. Luis Gárate Blanes répond à l’invitation de l’association pour ce concert qui inaugure la programmation 2019.

« Je trouve déjà intéressant de se rencontrer entre musiciens, et aussi se rencontrer autour de la culture pour des causes. En plus d’inviter les gens à apporter leur soutien, ils viennent passer une bonne soirée », résume Luis Gárate Blanes.

Après la projection du film « Libre » et le débat avec Cédric Herrou, parrain de Bienvenue, ce sera donc un concert en deux parties, plus une petite partie commune. Luis Gárate Blanes, venu en duo avec Régis Fernandes à la guitare et au tres cubain, rejoindra Les Hurlements d’Léo en formule big band pour (« peut-être » insiste-t-on) un aperçu de leur collaboration.

Et il ne faut pas insister pour savoir si tout ça sert vraiment à quelque chose pour la cause des migrants et des réfugiés. Laurent Kebous s’agace avant de reconnaître « qu’il va falloir répondre à ce genre de questions ».

« Autour de Mondial Stereo, nous avons eu un an et demi de médiation et d’action culturelle. Quand je raconte qu’il y a des gens qui arrivent en bateau et qu’on refuse de les accueillir, on me demande si elle est vraie mon histoire ! Alors oui, ça sert à quelque chose. Il y a des ponts qui se font et qui se créent. »

Il faut juste rappeler au sujet des réfugiés qu’ « on part parce qu’on a n’a pas le choix », ajoute Jojo Gallardo, pas bien bavard jusqu’ici et qui, en quelques mots, vient de clore une discussion passionnée et passionnante.


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