Le 29 mars, le tribunal administratif de Bordeaux avait jugé illégale la retenue d’eau voulue par la chambre d’agriculture du Lot-et-Garonne, bien que celle-ci soit déjà construite. Ce 9 avril, le même tribunal a annulé l’arrêté de la préfecture de la Dordogne autorisant le contournement routier de Beynac.
Il ordonne en outre au conseil départemental de la Dordogne, porteur de ce projet, de « procéder à la démolition des éléments de construction déjà réalisés et à la remise en état des lieux ».
Le tribunal bordelais confirme ainsi la décision du Conseil d’Etat, qui avait ordonné le 28 décembre dernier la suspension des travaux engagés dans la vallée de la Dordogne, estimant que la déviation du petit village de Beynac (552 habitants) « ne répond pas à un intérêt public majeur ».
Franck Dubosc au soutien
Seule ce motif pouvait légitimer un tel chantier – 3,2 kilomètres de bitume et deux ponts sur la Dordogne, pour un coût estimé à 35 millions d’euros aux frais du contribuable -, dans une zone classée Natura 2000, réserve de Biosphère par l’Unesco, et patrimoine historique inestimable avec ses 12 chateaux.
Les opposants à ce projet – la Sepanso, le collectif Sauvons la Vallée de la Dordogne, la commune de Beynac…-, avaient d’ailleurs reçu ces derniers mois les soutiens de personnalités médiatiques, comme Stéphane Bern ou Franck Dubosc.
Lors de l’audience, le 26 mars dernier, le rapporteur public, Patricia Prince-Fraysse, était pourtant allé dans le sens du département : elle avait estimé que la construction de ce contournement n’allait pas affecter l’état de conservation des 129 espèces protégées de la région.
Selon elle, cette route, en déviant du village 60% des 6070 véhicules, dont 303 poids lourds, devait « améliorer les conditions de circulation » et « diminuer les risques sur les usagers et les riverains », répondant à des « enjeux de sécurité et de santé publique ».
Lamproie pour l’ombre
Si le tribunal administratif avait suivi les conclusions de son rapporteur public dans l’affaire de Caussade, il a cette fois-ci balayé son avis. Il confirme par exemple qu’en détruisant plusieurs hectares de forêts, de prairies ou de frayères, le projet nuira aux habitats du saumon, de la lamproie ou du milan royal.
Et « il n’est pas avéré », selon lui, que les difficultés de circulation, concentrées « sur une période relativement brève de l’année, la saison estivale (10600 véhicules/jour en août) », « auraient pour conséquences de nuire significativement à l’attractivité du site et, par suite, à sa fréquentation touristique, laquelle est justement à l’origine de l’engorgement de la route ».
Dans ce village où aucun accident grave ne s’est jamais produit, « il n’est pas non plus établi que les risques d’atteinte à la sécurité publique générés par les véhicules en transit demeureraient particulièrement importants ». Ni, poursuit le tribunal, « démontré que la déviation aurait un impact considérable sur le développement économique de l’ensemble de la vallée. »
Pour Daniel Doublier, adjoint au maire de Beynac, ce jugement fait « preuve d’une grande sagesse » : « Ce projet à l’intérêt limité aurait défiguré à jamais la vallée. La décision des juges bordelais va permettre d’économiser beaucoup d’argent aux contribuables de Dordogne tout en préservant la richesse touristique du Périgord Noir».
L’appel et la pioche
Annonçant dans un communiqué son intention de faire appel, le département de la Dordogne maintient sa « volonté de mener à bien » cet « aménagement à la fois indispensable à la sécurité des usagers de la route, à la protection du patrimoine de Beynac et de l’environnement, utile aux Périgourdins et à l’attractivité économique et touristique de la Dordogne. »
Dans tous les cas, l’opération ne sera pas neutre pour les finances publiques. Le département estime à 15 millions d’euros les investissements déjà réalisés, dont l’achat du foncier. Le collectif Sauvons la vallée de la Dordogne l’évalue pour sa part à moins de 12 millions d’euros, et à 410000 euros les coûts de démolition des piles déjà construites pour les deux ponts.
Mais leur « impact visuel sur la vallée de la Dordogne, parsemée en cet endroit de villages et de châteaux remarquables, s’avère particulièrement négatif », considère le tribunal.
Chargement des commentaires…