En 2008, Sylvie Cassou-Schotte est passée de l’engagement associatif et syndical (CFDT) à la politique. Cette conseillère d’éducation populaire (retraitée depuis peu du ministère de la jeunesse et des sport) se présente alors avec les écologistes pour les municipales à Mérignac.
Elle est depuis adjointe au maire de la deuxième commune de Gironde en charge de l’action sociale. Elue métropolitaine, elle suit de près les questions relatives au logement et à l’exclusion, tel que la résorption des bidonvilles.
Après une candidature (comme suppléante) aux législatives de 2017, elle est 32e sur la liste « Pour le climat » d’Europe écologie-Les Verts, conduite par Yannick Jadot.
Rue89 Bordeaux : Quelle relation personnelle entretenez-vous avec l’Union européenne ?
Sylvie Cassou-Schotte : J’ai toujours été une pro-européenne enthousiaste. Quand je suis arrivée adolescente à Bordeaux, j’ai baigné dans un réseau d’amitiés avec des jeunes enfants de réfugiés espagnols, vivant cour de l’Yser ou dans le quartier de la gare Saint-Jean, puis j’ai vécu la révolution des œillets à travers mes amis portugais.
Je me suis toujours intéressé à cette sale période de l’Histoire qu’est la seconde guerre mondiale, et j’ai donc été sensible à cette union des peuples que représentait l’Union européenne, à cette capacité de résilience qu’elle a donné en proposant de construire quelque chose d’enthousiasmant pour tout le monde. L’Histoire a rassemblé des pays voisins, cousins, dans la recherche de la paix.
Cela a aussi un lien avec mon engagement pour plus de justice sociale. Mais aujourd’hui, quand je me confronte dans ma commune à la situation des Roms bulgares et au traitement des migrants, je constate que ce n’est pas l’Europe que je veux. Elle s’est divisée et se referme sur elle même, avec une montée du populisme et du nationalisme qui m’inquiète énormément.
On accuse souvent l’Europe d’être trop éloignée de la vie des citoyens. Quelle mesure a selon vous eut un impact particulier, bon ou mauvais, sur le quotidien d’un Bordelais ou d’un Néo-Aquitain ?
Les migrants d’Europe de l’Est sont chez nous parce qu’ils sont menacés dans leur pays, mais aussi parce que les inégalités sociales et la précarité y sont telles qu’elles les poussent à partir. Je ne fais pas de distinction entre les raisons qui les animent, que leur migration soit climatique, politique ou économique. Et nous sommes particulièrement touchés sur la ville de Mérignac.
Mais ces gens qui viennent travailler dans les vignes ou se faire ferrailleurs viennent seulement chercher de quoi vivre un peu mieux. On défend donc un revenu minimum moyen dans tous les pays européens. En Roumanie ou en Bulgarie, le SMIC est à 200 euros, donc ils viennent chez nous.
L’Europe c’est aussi le produit de nos politiques, comme l’accord de Dublin, cette vaste hypocrisie qui fait que l’on renvoie les demandeurs d’asile dans les pays où ils ont débarqué et ont d’abord posé leurs empreintes digitales. Comme ceux-ci sont méditerranéens, on en vient à avoir un Salvini au pouvoir en Italie. Car notre système crée une telle pauvreté sociale et culturelle que beaucoup de personnes sont dans le rejet de l’étranger, qu’il soit migrant ou travailleur détaché. C’est le bouc émissaire, et les pays de l’Europe ont trop joué avec le feu.
En quoi voter pour votre liste pourrait changer cela ?
Les écologistes ont toujours défendu les droits de l’homme et de la femme. Défendre le climat et la biodiversité, c’est défendre les humains qui en font partie. Je suis totalement en phase avec un candidat comme Damien Carême (maire de Grande-Synthe, dans le Nord, NDLR), qui démontre combien environnement et social sont fortement imbriqués.
On réduit trop souvent les écologistes à la défense de l’environnement, mais quand une Eva Joly lutte contre l’évasion fiscale, on se bat pour la justice sociale. Quant notre groupe plaide au parlement contre le renouvellement de l’autorisation du glyphosate, on défend la santé des gens les plus fragiles. Pour moi l’Europe doit changer son modèle libéral, car l’écologie n’est pas compatible avec le capitalisme.
Et on peut déjà faire avec les traités existants. Il faut certes les modifier, les améliorer dans un sens plus démocratique. Mais lutter pour une PAC (politique agricole commune) saine et sans pesticide, refuser des traités comme le CETA, créer une banque d’investissement sur le climat, taxer les transactions financières… On peut le faire dès demain avec les traités actuels.
C’est ce qui nous différencie d’autres partis : nous pouvons commencer à changer le choses, et nous le démontrons par l’action des six eurodéputés écologistes français, dont Yannick Jadot, et des 56 parlementaires européens qui votent ensemble de façon cohérente.
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