Une statue de l’ancienne esclave Modeste Testas, passée par la Gironde avant de servir les propriétaires bordelais d’une plantation à Saint-Domingue, a été inaugurée ce vendredi sur les quais de Bordeaux, à l’occasion de la journée du souvenir de l’esclavage et de son abolition.
C’était l’une des dix propositions faite l’an dernier à Alain Juppé par la commission sur la mémoire de l’esclavage et de la traite à Bordeaux. Une enquête auprès du public et d’auditions d’experts avait convenue de la faible visibilité dans l’espace public du passé négrier de la ville.
Pour incarner le sort funeste des 200000 Africains déportés par des Bordelais, la mairie de Bordeaux a opté pour une nouvelle statue sur la rive gauche, en plus de celle de Toussaint Louverture sur la rive droite. La commission avait proposé qu’elle prenne les traits de Modeste Testas, une des rares esclaves dont la biographie est parvenue jusqu’à nous.
« Telle qu’on me l’avait décrite »
« Cela dépasse de loin ce que j’espérais », confie sa descendante, Lorraine Steed, bouleversée. Cette Haïtienne, présente ce vendredi à Bordeaux, a retracé le parcours de son ancêtre.
« Elle est telle qu’on me l’avait décrite dans mes histoires familiales. Je ne m’imaginais jamais que ce qui était un travail de mémoire personnel allait devenir cela ! »
La statue en bronze, grandeur nature (1,70m) a été conçue par un jeune peintre et sculpteur haïtien, Caymitte Woodly, dit Filipo, alors en stage à la fonderie des Cyclopes de Mérignac.
Ce samedi, la Ville va également inaugurer le nouveau square Toussaint Louverture. Le buste du libérateur d’Haïti aura enfin une plaque expliquant son rôle et son importance dans l’Histoire. Et le lieu, quai de Queyries, aura une deuxième plaque rappelant le rôle de Bordeaux dans la traite et l’exploitation des colonies. Il fallait jusqu’à présent entrer dans le musée d’Aquitaine pour trouver ces informations dans la ville.
Un site mémoriel
Le jardin botanique disposera lui aussi d’un lieu mémoriel, en présentant des végétaux (canne, café, épices…) cultivés dans les Caraïbes et l’Océan indien. Des explications détaillées pour l’ensemble des lieux commémoratifs de Bordeaux seront accessibles sur un site internet dédié.
« Ces crimes contre l’Humanité ne peuvent être effacés ni réparés, affirme la Ville. Mais cette histoire doit être assumée et regardée en face, car l’esclavage produit encore ses effets. Les théories racistes continuent encore aujourd’hui à fracturer la société et servent de légitimation à la haine. »
Selon Marik Fetouh, adjoint au maire en charge de l’égalité, l’ensemble des dix propositions faites l’an dernier sont sur le point d’être réalisées. Des panneaux explicatifs vont notamment bientôt être apposés dans six rues de la ville portant des noms de Bordelais ayant participé à la traite.
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