60 minutes pour changer le monde. Voilà ce que propose Dorian Tourin-Lebret avec son jeu Gaïactica. En orbite dans un impressionnant vaisseau spatial de 50m², les joueurs en équipe de 3 à 9 personnes traversent les âges de 2019 à 2100. Le but du jeu est de prendre les bonnes décisions par rapport aux missions proposées pour sauver la Terre du dérèglement climatique.
Ce jeu immersif permet de prendre de la hauteur, de mesurer l’impact global des activités humaines quotidiennes, en ayant la capacité de prendre des décisions et d’observer leurs effets – le jeu se fonde sur les projections des meilleurs scientifiques avec qui le créateur a travaillé. L’expérience sera à vivre pour les plus de douze ans à Cap Sciences Bordeaux en septembre 2019.
Rue89 Bordeaux : Qu’avez vous fait avant d’entreprendre l’aventure Gaïactica ?
Dorian Tourin-Lebret : J’ai suivi des études scientifiques d’ingénieur à l’Ecole Centrale Paris où j’ai été diplômé en 2011 comme ingénieur généraliste avec une spécialisation dans l’électronique et l’informatique. Je me suis aperçu pendant mes études que j’avais une fibre d’entrepreneur, que je voulais faire des choses à côté des cours pour innover.
Dès l’obtention de mon diplôme, je me suis associé avec deux camarades de promotion pour monter une start-up qui s’appelle Smart Impulse. Nous offrions aux professionnels des solutions d’analyse intelligentes de leur consommation d’énergie. J’ai été à la tête de cette entreprise pendant 7 ans et j’étais responsable de tous les développements techniques. J’ai décidé en 2017 de partir vers d’autres aventures et de changer de cadre. La société était en fort développement international et je me retrouvais beaucoup moins dans ce quotidien. J’ai besoin d’être dans la créativité plus que dans la gestion.
Supermaculture
Pendant un an j’ai pris du recul en enseignant l’électronique dans des écoles, en coachant des entrepreneurs, en aidant des start-up en développement de produits… Puis, je me suis pris de passion pour l’agroécologie. J’ai eu ensuite l’intuition de sortir un jeu de société qui s’appelle Supermaculture qui m’a conforté dans le fait que ce dont j’avais envie était de découvrir de nouvelles façons d’envisager le monde et de les partager d’une manière ludique pour parler au plus grand nombre.
Comment l’idée de Gaïactica vous est venue ?
C’est en fait le résultat de la rencontre de plusieurs dimensions qui me parlent. Lorsque j’ai constaté qu’une convergence était en train de s’installer entre ces différentes disciplines, j’ai décidé de me lancer. Ces dimensions sont : les enjeux de la planète et du dérèglement climatique, l’intérêt pour le progrès technologique utilisé à bon escient et l’approche ludique qui permet une incarnation dans un univers immersif.
Pourquoi un jeu immersif ? Etes-vous un amateur de jeux vidéos ?
Je suis un joueur modéré même si j’ai eu des périodes de jeu assez intenses dans ma jeunesse… Ce qui m’a vraiment convaincu c’est davantage le côté immersif que le côté jeu vidéo. Cette immersion dans un jeu permet de se couper de tout ce qui nous préoccupe tous les jours et d’être dans une bulle. Ce qui m’intéressait c’était de créer un espace où on peu vraiment être à 100% impliqué pendant une heure.
Overview effect
Comment avez-vous construit ce projet ?
Au début, j’ai du coucher sur papier les idées que me venaient pendant l’été 2018. J’ai commencé à écrire un premier scénario et à dessiner une ébauche de décor. Dès les premières heures de réflexion, je m’approchais déjà de la forme d’aujourd’hui. L’histoire raconte celle d’un vaisseau spatial qui pendant une heure prend du recul par rapport à la terre et permet au joueur d’être face à des décisions à prendre pour changer le cours du dérèglement climatique. Les joueurs vont ressentir vraiment ce que les astronautes appellent « l’overview effect », et mieux comprendre ce qui se passe en ce moment sur Terre. Ensuite j’ai vérifié que mon projet avait du sens et paraissait clair pour les personnes de mon entourage.
Comment votre projet est devenu réalisable ?
Même ça me plait et que ça plait à beaucoup de gens, il fallait que je puisse trouver des financements et un lieu. Au début de l’année 2019, j’ai appris que mon vaisseau pourrait se poser à Cap Sciences, à Bordeaux. J’ai également pu trouver une partie du financement grâce au soutien de la région (108 000 euros).
Ensuite, Gaïactica a été sélectionné dans la catégorie « Environnement et Transition énergétique » de la Fabrique Aviva qui récompense 40 projets qui devront se répartir la somme d’un million d’euros (afin d’être évalué par le jury Aviva, le projet Gaïactica doit dépasser les 10 000 votes en ligne d’ici le 3 juin). J’ai également lancé un financement participatif sur la plateforme Ulule pour faire aboutir le projet dans les meilleures conditions.
Dans un troisième temps, j’ai pu former une équipe pour m’accompagner dans ce projet. Avec mon parcours, je peux prendre à ma charge tous les développements électroniques et informatiques du jeu. Je me suis entouré de conseils scientifiques pour valider le fait que ce que je faisais vivre dans mon jeu était cohérent par rapport aux projections pour l’avenir et d’une équipe créative avec des dessinateurs, des scénographes et décorateurs.
Virtualité réelle
Qu’est ce qui a déclenché votre prise conscience environnementale et cette envie de sensibiliser ?
J’ai toujours été un peu sensible à ses enjeux. Plus le temps a passé, plus j’ai fait des rencontres qui ont été déterminantes. Ces personnes inspirantes avaient des démarches, une certaine conscience que moi je n’avais pas… J’avais cet a priori que pour être éco responsable il fallait faire des compromis difficiles ou comprendre des choses complexes… Mais non. Par exemple pour la permaculture et l’agroécologie, faire pousser des fruits et légumes d’une manière respectueuse cela ne demande pas plus de temps, plus d’énergie ou plus d’argent que de ne pas le faire. J’ai envie de partager ça.
Avez-vous des attentes particulières vis à vis de votre jeu ?
Si on vient à Gaïactica c’est avant tout pour vivre une expérience ludique, immersive et à la pointe de la technologie pour partir dans l’espace. Mais il faut savoir que le jeu est basé sur une réalité scientifiquement démontrée, sur ce qui se passe dans la vraie vie. Le jeu ne présente pas une réalité virtuelle mais une virtualité réelle. Je veux que ce jeu permette aux visiteurs de vivre les émotions des astronautes. Dans un second temps, si cela correspond à leurs valeurs et leurs recherches, ces visiteurs pourront trouver des pistes pour mieux comprendre les enjeux environnementaux actuels et futurs.
Comment agissez-vous, à votre échelle, pour la planète ?
Pour moi c’est avant tout un chemin. Mon action principale est la conscience. Quand je fais un geste du quotidien je peux avoir la conscience de l’impact de mon action. Cela ne me demande pas un effort surhumain de savoir que si je garde mes pièces jointes stockées dans ma boite e-mail, cela génère une consommation électrique qui a un impact sur la climat. Le fait d’en avoir conscience cela m’invite régulièrement à mener des actions concrètes pour minimiser mon impact. Quand je fais mes courses, je n’achète plus que local. Quand je vois un fruit ou un légume qui vient d’Amérique du Sud, je relativise et me demande si j’ai vraiment besoin de manger un fruit qui a pris l’avion. Ce sont des exemples de changements qui se sont faits au fur et à mesure de ma vie.
Si vous voulez soutenir ce projet, rendez-vous sur la plateforme de financement participatif Ulule ou bien votez pour Gaïactica dans le concours de la Fabrique Aviva.
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