Sur le parvis de l’église Sainte-Eulalie qui fait face aux services d’urgence de l’hôpital Saint-André les journées de mobilisation se suivent et se ressemblent. Pour la cinquième semaine, ce mardi, le collectif Inter-Urgences de l’hôpital du centre-ville faisait front pour poursuivre le mouvement de grève, d’ampleur nationale, débuté le 18 mars dernier à Paris dans le but de dénoncer les conditions de travail et le manque de moyens alloués aux services d’urgences dans les hôpitaux du pays.
Mercredi dernier, 12 des 23 infirmiers et aide-soignants prévus au planning des urgences de l’hôpital Saint-André n’avaient pas pris leur poste pour raison de santé. La plupart ont repris le travail dimanche dernier pour assurer la continuité du service. Ils ne renoncent pas pour autant aux revendications portées par le collectif des paramédicaux épaulés par les organisations syndicales.
« On n’en peut plus »
Devant l’hôpital, Mathilde* (* les prénoms ont été modifiés) dénonce les conditions de travail et le manque d’effectif au sein du CHU. Derrière elle, une pancarte résume le mot d’ordre des grévistes : « Le soin n’est pas une marchandise. »
« Aujourd’hui on n’en peut plus. Ces arrêts maladies sont systématiques. On est malades, tout simplement. Depuis plusieurs années, la direction ne remplace pas nos collègues qui partent à la retraite. Le sous-effectif est permanent. »
Vendredi, la ministre de la Santé Agnès Buzyn annonçait débloquer 70 millions d’euros pour remédier à la grève qui concerne aujourd’hui près de 120 services. Au total 15 millions seront censés permettre « aux services d’urgences en tension » de « renforcer leurs effectifs paramédicaux durant la période estivale ».
Un tiers des lits indisponibles cet été
L’initiative qui pourrait potentiellement conduire à l’embauche d’un infirmier ou aide-soignant par service sur l’ensemble du territoire est jugée insuffisante par les représentants syndicaux du personnel de l’hôpital.
« Cet été, 100 des 300 lits disponibles au sein du service ne seront pas disponibles durant un mois faute de personnel », estiment les aides-soignants.
Le collectif inter-urgences déplore également le recours de l’hôpital aux contrats précaires. En tout, 25% du personnel paramédical est en CDD.
« Certains de nos collègues viennent remplacer le personnel en arrêt-maladie pour nous prêter main forte mais ils ne sont pas formés aux spécificités du service », ajoute Mathilde.
24h avant d’être hospitalisé
La nuit, les couloirs des urgences de Saint-André sont parfois jonchés de brancards. « Certains patients peuvent attendre jusqu’à 24 heures avant d’être hospitalisés », affirme Elise* du collectif Inter-Urgences.
« Il faudrait un infirmier et un aide-soignant pour s’occuper du couloir de façon permanente afin que le personnel en intervention puisse pleinement se consacrer à ses opérations. Pour que cela soit possible, il faudrait reconnaitre le couloir comme zone médicale. »
Avec ses collègues, elle se mobilise également pour empêcher la fermeture de l’hôpital annoncée pour 2021.
« Le gouvernement essaie de culpabiliser les patients en suggérant que le problème principal des services d’urgence serait une surfréquentation inadaptée, estime Elise. En réalité c’est différent. Tout le monde devrait être le bienvenu aux urgences. Le réel problème c’est le manque considérable de personnel et de moyens. »
« La direction de l’hôpital fait pression contre les grévistes. Il y a déjà eu des retours de bâton », affirme-t-elle avant de préciser que des sanctions administratives avaient déjà été prises envers certains grévistes lors de précédents mouvements.
Contactée par Rue 89 Bordeaux, la direction du CHU n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien. Mais dans un communiqué, elle se dit dans l’obligation de fermer son unité d’hospitalisation des urgences mercredi, et tente de rassurer : « Tous les patients seront pris en charge et la qualité des soins assurée. »
Chargement des commentaires…