Le dossier de la restauration du parc du Domaine Chavat déposé par la mairie de Podensac n’a pas été retenu pour le loto du patrimoine de 2019, mais Jean-Marc Depuydt, l’élu chargé du patrimoine, n’est pas déçu pour autant. En effet, un autre monument de la commune a été choisi et il est le seul du département de la Gironde. C’est le château d’eau situé sur ce même domaine. Il s’agit de la première œuvre en France du célèbre architecte Charles-Édouard Jeanneret, dit Le Corbusier.
« Ça nous réjouit surtout que c’est une œuvre qui avait été délaissée par la fondation Le Corbusier dans le cadre d’une sélection des œuvres de l’architecte pour un classement au patrimoine mondial de l’Unseco », précise l’élu.
Le dossier du château d’eau a été déposé par le Groupe des cinq, association culturelle à Bordeaux créée par des architectes et qui agit pour la protection du patrimoine architecturale et la promotion de l’art contemporain depuis 1980. Elle est bénéficiaire d’un bail emphytéotique du Domaine Chavat depuis 1987.
« Un dossier a déjà été déposé l’année dernière, explique Mathilde Chaidome, chargée de communication de l’association. Nous avons entrepris depuis la signature du bail en 1987, de sauvegarder le château d’eau qui tombe en ruine. »
Ouvert au public et aux artistes
Le montant estimé des travaux de restauration du château d’eau s’élève à 1 383 000 euros. 60% de ce montant est attendu du loto du patrimoine. Pour compléter, « des collectivités comme la Direction régional des affaires culturelles, des privés comme la fondation Ricard, seront sollicités », ajoute Mathilde Chaidome.
Une fois restauré, le château d’eau sera ouvert au public.
« Le château est conçu comme un phare, précise Jean-Marc Depuydt. Un escalier hélicoïdal s’enroule autour de la paroi pour mener à la gloriette ; une salle qui offre une vue panoramique sur le parc de Chavat et toute la rive droite. Il y a là un espace résidentiel intéressant. »
En effet, c’est ici qu’est prévu par l’association un « programme de résidence d’artiste ». Un « espace d’art transversal international » sera mis en place.
« Le public pourra également accéder au parc, explique l’élu. D’une surface de six hectares, au delà d’être un monument historique, il est classé jardin remarquable [label créé en 2004 par le ministère de la Culture, NDLR]. On y trouve également la plus grande collection européenne de sculptures de l’artiste italien Ernesto Gazzeri. »
Une collection établie par François Thévenot, ancien propriétaire du domaine.
Monument historique
C’est justement François Thévenot, riche industriel français, qui fait appel à Le Corbusier, sur les conseils d’un ami suisse qui se trouve être le père de l’architecte. Lorsque le propriétaire fait construire le Domaine Chavat en bord de Garonne au début du XXe siècle, il commande le château d’eau pour assurer au parc et ses fontaines une alimentation en eau.
Le Corbusier travaillait alors pour la Société d’Application du Béton Armé (SABA) qui a construit le château d’eau en 1917 en suivant ses plans. Le bâtiment n’a jamais été terminé puisqu’un belvédère était prévu sur le toit du réservoir d’eau au-dessus de la gloriette.
En 1934 la commune rachète le domaine qui, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, tombe en ruine et dans l’oubli. En 1983, il est identifié et expertisé comme étant une œuvre de Le Corbusier.
« Des architectes hollandais en vacances demandaient, il y a quelques années, aux habitants de Podensac où se trouvait le château d’eau de Le Corbusier. Renseignés par la Fondation Le Corbusier à Paris, ils visitaient à bicyclette toutes ses œuvres françaises. Des missions parisiennes descendent renforcer les experts locaux. Ils visitent et authentifient l’édifice en très mauvais état. Une aventure commence… » peut-on lire dans le dossier présenté par le Groupe des Cinq.
Le château d’eau de Le Corbusier, le parc, et la bâtisse du Domaine Chavat sont classés Monument Historique depuis le 3 juillet 2006. Le loto du patrimoine pourrait être l’amorce d’une seconde vie pour ce domaine oublié.
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