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Avec Scelŭs [Rendre Beau], chez les Denysiak, la famille est au complet

Le Denysiak présente au TnBA Scelŭs [Rendre beau] du 9 au 19 octobre. Cette troisième création clôt « une fresque familiale » abordée auparavant dans Sandre et SStockholm.

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Avec Scelŭs [Rendre Beau], chez les Denysiak, la famille est au complet

Pour ceux qui ont suivi depuis le début, aucune trilogie n’était annoncée par Le Denysiak, anciennement collectif du même nom. La thématique de la famille est venue envelopper les trois créations au cours de la dernière, « une espèce d’apothéose » résume Solenn Denis, autrice des textes.

« On a abordé différents rapports entre différents membres de la famille. Ces circonvolutions autour du sujet ont fini par mettre en lumière la logique d’une trilogie. Avec cette dernière création, on est arrivée à un point définitif et final. »    

Pour ceux qui n’ont pas suivi depuis le début, cette trilogie a démarré avec Sandre, monologue ravagé d’une mère infanticide ; et puis SStockholm, huis clos oppressant entre une victime et son bourreau inspiré de l’affaire Natascha kampusch, et voilà enfin Scelŭs [Rendre beau] pour sonder les étranges liens familiaux.

Liens du sang

L’on pourrait se demander comment ça pouvait finir une immersion aussi complexe dans les non-dits des liens du sang à travers une trilogie qui a tardé à dire son nom. Surprise : ça finit mal et avec brio.

Erwan Daouphars excelle dans ce qu’il appelle « l’espace mental » de son personnage Atoll et l’accompagne à merveille dans les méandres des secrets et mensonges familiaux, aidé d’une improbable conscience incarnée en coryphée par Nicolas Gruppo. Autour de lui, remarquable de justesse, Julie Teuf, la sœur perdue, et Philippe Bérodot, mère monstre, chien confident, et bête de scène.

Erwan Daouphars porte avec l’aisance qu’on lui connaît le fils « bourré d’inconsistance et d’égoïsme ». Quant à Philippe Bérodot, il relève le défi d’un double personnage, Le Chien et La Mère ; une distribution digne des grandes tragédies. Si l’on se fie à une tirade du premier – « Suis-je moi – mais qui suis-je ? – je ne l’ai jamais su, et comment aurais-je pu ? Ma mère est ma sœur et mon père Un Chien. » –, le chien embrasserait la figure du père, mort dans ce volet, absent dans le premier, bourreau dans le second. Un beau rôle.

Et la mère ? fallait-il un homme pour forcer le trait, le paradoxe ou la confusion ? Dans Sandre, la mère interprétée par Erwan Daouphars était voulue « parce qu’un homme sur les infanticides qui révulsent l’humanité était plus écouté » abonde Solenn Denis. Pour Scelŭs [Rendre beau], « Bérodot était le bon choix ». Point.

Scelŭs, définition 

Scelŭs [Rendre beau], encore un titre avec un S, mais sans plus. « C’est un clin d’œil » dira Solenn (avec un S) Denis (avec un S aussi). Le texte est ciselé, au cordeau, entre proses et vers. Les premiers pour le dit et les seconds pour le non-dit.

En exergue du texte, trois définitions de Scelŭs, nom commun latin signifiant : calamité ou malheur irréparable selon Plaute, deux siècles avant J.C. ; attentat, crime ou forfait selon Cicéron, un siècle avant J.C. ; action malfaisante ou méfait selon Pline, un siècle après J.C.

« A ce titre, la spectateur choisira la définition qui lui convient. Les choses sont laissées en suspens. Ce mot change de sens selon le temps qui passe et selon le sens qu’on met derrière les mots. C’est dire combien c’est difficile de communiquer », relève Solenn Denis.

C’est dire aussi que de là partent les secrets familiaux à la conquête des malaises relationnels ; une conquête qui fera la mue du héros, Atoll.

« On a posé le schéma de la tragédie traditionnelle avec un héros qui est Atoll et un chœur, le coryphée, explique Erwan Daouphars. Tout est posé sur le plateau. Mais contrairement à Sandre et SStockholm, on n’a pas voulu être situationniste. On est dans un espace non-identifié. On est dans l’espace mental d’Atoll. Atoll ne peut pas aller au monde, il se laisser aller et rencontrer des personnages qui vont lui donner les clés pour découvrir la réalité. »

Les figures référentes

La réalité est crue et Solenn Denis reste incorrigible dans le registre complexe des sentiments monstrueux, déjà vus dans les deux premiers volets, et bien qu’ici l’exercice de son écriture, habituellement « intime », s’élargit à quatre comédiens pour cinq personnages.

La mise en scène confirme le goût de la compagnie pour l’art du malaise et la mise à l’épreuve du spectateur. Artistes compagnons du TnBA, Le Denysiak se déploie sur le plateau de la salle Jean-Vauthier et le découpe sur mesure avec des décors minimalistes, une économie d’effets, et des nappes sonores.

Le troisième volet de la trilogie sur la famille livre ainsi une ultime et dernière exploration des premiers rapports au monde. On n’en sortira pas avec des tonnes de certitudes mais déjà une honnête question à l’esprit : « Comment se construire avec les figures référentes ? », s’interroge Solenn Denis sur un air de Luis Mariano : « Maman, la plus belle du monde ».

Scelŭs [Rendre beau] – Le Denysiak
Du 9 au 19 octobre au TnBA à Bordeaux (dans le cadre du FAB)
Informations pratiques
 


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