Comment favoriser l’intégration des demandeurs d’asile que la France a bien voulu accepter sur son territoire ? En visite officielle à Bordeaux le 4 novembre dernier, Alain Regnier, délégué interministériel chargé de l’accueil et de l’intégration des réfugiés, a présenté un dispositif d’insertion par l’emploi « innovant ».
Ce programme « Emulsion » financé par l’État a été exposé lors d’une journée de rencontre entre pouvoirs publics et associatifs locaux sur la politique nationale d’insertion des réfugiés.
La recette gagnante des travailleurs
Expérimenté jusqu’à mi-décembre, Emulsion est porté par le groupe SOS Solidarité qui dispose, entre autres, sur le département de centres d’hébergements pour demandeurs d’asile et d’un centre provisoire d’hébergement pour réfugiés. L’objectif de ce dispositif expérimental est de favoriser l’accès à l’emploi de personnes bénéficiant d’une protection internationale.
« Nous souhaitons levers les freins d’accès à l’emploi à partir des compétences des personnes mais aussi valoriser les choix formation pour la réinsertion professionnelle », explique Sandra Bodin, directrice d’établissements au sein du Groupe SOS Solidarités en Gironde.
Au menu chez le mastodonte de l’entreprenariat social et solidaire : cours de français par le théâtre, coaching collectif sur la confiance en soi, accompagnement à la recherche de formation ou d’un poste adéquat, ou encore activités sportives.
Ainsi Yara, une syrienne de 26 ans, raconte son parcours et ses attentes. En France depuis un an et demi, elle vient d’obtenir via Emulsion, un stage en entreprise dans le cadre d’une formation à l’IUT de Bordeaux. Titulaire d’un bac+4 en comptabilité obtenu à Damas avant la guerre, elle espère que cela lui permettra de démontrer ses compétences auprès des professionnels.
Le programme développé en partenariat avec l’Office français de l’immigration et de l’intégration est intégré au contrat métropolitain: 750 000 euros déployés pour 34 actions sur Bordeaux Métropole. Mais avec une capacité d’accompagnement de 8 à 10 personnes, représentant moins de 2% des 500 personnes disposant de la protection internationale en Gironde, le service rendu peut paraitre anecdotique.
Répondre aux besoins du marché
Un écueil dont le délégué interministériel se défend : il rappelle ainsi les engagements de Muriel Penicaud, ministre du travail qui a lancé un plan de 60 millions d’euros pour la formation professionnelle, le développement de 2000 bourses sur critères sociaux ainsi que l’accessibilité des validations des acquis de l’expérience (VAE) aux réfugiés dans les universités.
« On n’a jamais investi autant dans la réinsertion professionnelle. Le but est avant tout d’éviter le déclassement des personnes et de favoriser la mise en cohérence avec les besoins des entreprises. On a des retours et le bouche-à-oreille du MEDEF, c’est qu’on a affaire à des gens qui ont envie de travailler et de s’impliquer en entreprise. »
Il mentionne ainsi une expérimentation probable de partenariat avec la FNSEA autour des emplois agricoles. Quant aux opérateurs de terrain, ils confirment des sollicitations par les professionnels des métiers en tension, notamment dans le secteur de la restauration et de l’environnement.
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Une réalité à deux vitesses
Mais entre deux powerpoints colorés et questionnée sur les pistes d’amélioration des dispositifs par le délégué, Yara, interpelle:
« Le plus dur, c’était avant d’arriver en Centre d’accueil pour demandeur d’asile. Je suis mariée mais je n’ai pas d’enfant, ni de maladie, je n’étais donc pas prioritaire. Et si on ne trouve pas un logement on ne peut pas chercher à travailler, on ne peut pas réfléchir. On ne peut rien faire… »
Malgré son statut de réfugiée qui implique l’obligation pour l’État de lui donner accès à une solutions d’hébergement, elle a mis plus d’un an pour obtenir un logement. Questionné sur ce point à l’occasion de son déplacement à Bordeaux, Alain Regnier relativise:
« On met des moyens publics considérables pour répondre à la question et dans la création de places supplémentaires en centre hébergement provisoire. Mais les bénéficiaires de la protection internationale sont des citoyens de droit commun. A ce titre ils doivent accéder aux mêmes dispositifs de logement que les autres citoyens. »
Changer de regard sur le réfugié
La piste de la collocation dans l’habitat social et de partenariats dans le parc privé est ainsi envisagée. Mais l’élu insiste sur la nécessité de programmes mixtes, s’adressant à des citoyens réfugiés autant que nationaux.
« Dans un contexte d’augmentation générale de la précarité, on essaye d’avoir des solutions pour tout le monde, pas juste pour les réfugiés. C’est une question de responsabilité sociale. Épauler les réfugiés autrement, au travers d’actions concrètes, contribue à changer le regard social. Ainsi notre objectif n’est pas de laisser les gens dans des trappes dans lesquelles ils n’auraient pas de solution pour travailler. «
Mais quand on pointe les défaillances de l’état en terme hébergement des personnes protégées, préalable à l’insertion professionnelle, Alain Regnier préfère évoquer les problèmes de « coordination des dispositifs » et de volatilité des populations.
Holding
Il donne ainsi l’exemple d’une plateforme opensource « géolocalisée » nommée Réfugiés.info dont le but sera de permettre aux migrants de « trouver leurs interlocuteurs ressources ». Qualifiée par l’édile de « wikipédia de l’aide sociale » elle devrait voir le jour, en grandes pompes, le 25 novembre prochain, à l’Usine, le loft parisien dédié à l’événementiel… du Groupe SOS.
Un choix qui ne manquera pas de questionner, le président du directoire de la « holding associative » devenue en une dizaine d’année la première entreprise sociale européenne étant un fidèle d’Emmanuel Macron: le très controversé marcheur Jean-Marc Borello. L’intégration des réfugiés est en marche.
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