Etrange trio, enfermé dans une chambre d’hôpital : une jeune femme qui ne parle pas mais qui sourit quand son regard croise celui du narrateur ; le narrateur qui contemple et médite, qui se souvient et qui attend ; et, lui, le père, l’ami, qui n’en finit pas de vivre. Passent les ombres affairées des infirmières et des médecins.
« je t’aime »
C’est un livre sur l’amitié, celle qui prend racine loin et profond dans l’adolescence, qui, après avoir tant partagé dans l’exaltation des nuits de mai a survécu, malgré des existences qui forcément se disjoignent.
« On n’ose pas dire “je t’aime” à un ami. On n’ose pas parler d’amour. Foutue pudeur d’où vont surgir tant de regrets. » (p.37)
C’est un livre sur la mort, bien sûr, avec toutes les questions qu’elle pose, toutes les révoltes qu’elle suscite, quand nulle espérance d’un « revoir » n’est possible.
Sur la mort qui vient et s’inscrit sur le corps avant même la fin, corps décharné, corps presque à nu où plus rien ne se laisse voir de ce qui fut sa force, son endurance, sa beauté. Glykos le compare, sous le drap qui le dissimule et le révèle à la fois, à ce chef d’œuvre de la sculpture napolitaine, il Cristo velato, de Giuseppe Sanmartino, où le corps du Christ, martyrisé, apparaît sous la transparence du linceul et de ses plis.
Pudique
C’est aussi un livre pudique. « Les mots, écrit Glykos, sont ennemis quand ils prennent la place de nos émotions pour se mettre en vitrine. » (p.65)
Et ce n’est pas évident d’écrire sans céder aux facilités de qui sait « bien » écrire. « Au diable les coquetteries d’écriture » (j’y vois un écho du « tu es un ange » que murmure son ami, au début du livre – ange et démon : il n’est pas si facile de se débarrasser d’un « et si jamais… ») Glykos y parvient en ne cédant pas à la tentation de faire des phrases pathétiques ou emphatiques .
Son texte est fait de fragments ; ce qui brise la linéarité de l’inéluctable mais restitue fort bien le temps troué de l’attente par où surgissent les souvenirs du passé et les sensations présentes.
Un texte qui ne devrait pas toucher seulement ceux qui voient, un à un, disparaître les êtres qu’ils ont aimés. Un très beau texte, je le répète.
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