Dead-end en vue pour la déviation de Beynac. Confirmant le jugement du tribunal administratif du 9 avril dernier, la cour administrative d’appel maintient l’annulation des autorisations délivrées par la préfecture et le département pour ce projet routier.
Elle ordonne en outre au conseil départemental de remettre en état le site du chantier dans les 12 mois, et donc de détruire les piles de pont déjà construite dans la Dordogne. Le département a annoncé qu’il porterait l’affaire devant le Conseil d’Etat.
Ce dernier avait pourtant jugé en décembre 2018 que ce projet ne répondait pas « à une raison impérative d’intérêt public majeur », permettant de passer outre la destruction d’une centaine d’espèces protégées.
« Mais la décision avait été prise en référé, et nous avons depuis versé au débat des études montrant que [cette route] est une nécessité au regard de la sécurité, de la santé », et de motifs économiques et sociaux, estime Xavier Heymans, l’avocat bordelais du département de la Dordogne.
Porte ouverte ?
Ce dernier se réjouit par ailleurs que la cour administrative d’appel, si elle enjoint son client « d’engager le processus de démolition des éléments construits » dans un délai d’un mois, et d’avoir remis les lieux en état d’ici un an, n’a pas assorti ce jugement d’astreintes.
« C’est une porte ouverte, qui laisse au Conseil d’Etat le temps de se prononcer », poursuit Xavier Heymans.
Cela suppose toutefois que la plus haute juridiction française admette le pourvoi en cassation du département, ce dont doutent les associations (Sepanso, Sauvegarde de la Vallée de la Dordogne, Patrimoine Environnement…). Puis que le Conseil d’Etat se déjuge lui-même, et aille à rebours des juridictions administratives bordelaise de première et deuxième instance.
C’est hautement improbable pour les opposants au projet, qui saluent « la fin d’un feuilleton de 30 ans ayant pris une envergure nationale ».
Péri-gourdin
« Je me réjouis de cette victoire du droit républicain », a commenté ce mardi Stéphane Bern. L’animateur télé et M. Patrimoine d’Emmanuel Macron avait activement contribué à la médiatisation de l’affaire, en 2018.
Le « périph’ » du village de Beynac implique la construction d’une route de 3,4 km et de deux ponts métalliques traversant la vallée de la Dordogne, pour un coût estimé entre 32 et 50 millions d’euros.
Les opposants dénonçaient la dégradation de l’environnement et des paysages dans un des plus beaux sites de France – réserve de Biosphère par l’UNESCO bordée de six châteaux médiévaux. Et ce pour un intérêt contestable – dévier une partie du trafic d’un village traversé par quelques milliers de véhicules, et surtout en été.
Point de non retour
Fils d’un élu local battu à Beynac alors qu’il défendait déjà un projet de contournement routier, Germinal Peiro, argue de son côté que le département qu’il préside continuera le combat :
« Ce sont les contribuables périgourdins et les espèces protégées qui seront les principales victimes des effets néfastes et incontestables de ce jugement (…) : les contribuables périgourdins, qui devraient supporter une situation ubuesque et le fait que 45 millions d’euros d’argent public soient ainsi gaspillés au détriment de la sécurité des biens et des personnes, et au préjudice de la protection de l’un des plus beaux sites de France ; les espèces animales et végétales, qui ne bénéficieraient pas des mesures compensatoires prévues dans le cadre du projet. »
Plaisant paradoxe selon lequel bétonner une vallée protègerait davantage la nature que remettre celle-ci en état. Les anti-déviation rappelle que lorsque le Conseil d’Etat a suspendu les travaux le 28 décembre, et alors que le rapporteur avait déjà pris des conclusions en ce sens, « Germinal Peiro a « oublié de prévenir la SNCF » qui a donc fait couler des milliers de tonnes de béton pour avancer le chantier au maximum et atteindre le plus vite possible un point de non-retour. »
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