« Une vocation dévoyée ». Pour Vincent Feltesse, le mont-de-piété bordelais connaît une dérive vers des activités « privées et spéculative, loin de son objet premier de banque sociale et solidaire ».
Réagissant à l’enquête parue vendredi dans Sud Ouest, le candidat à la mairie de Bordeaux a dit son « inquiétude » que la « banque des pauvres », seule autorisée en France à faire des prêts sur gage, ne fasse les frais d’une mauvaise gestion. Et subisse le même sort que la filiale bancaire du Crédit Municipal de Paris, CMP-Banque, dont la mise en gestion extinctive décidée en 2015, et récemment achevée, avait conduit à une recapitalisation de la Ville de Paris à hauteur de 42 millions d’euros. Aux frais du contribuable, donc.
Le conseiller municipal (sans étiquette) s’était déjà ému de la situation du Crédit municipal, détenue à 100% par la Ville de Bordeaux, suite à la publication de son rapport d’activité 2018. Il constatait un décalage entre l’activité de service public – plus de 83 000 opérations de prêt sur gage pour un montant total de 16 M€, et un montant moyen de 663 € – et celle de prêts bancaires traditionnels – 3 816 prêts pour un montant total de 56,5 millions d’euros, et un montant moyen de 14 274 euros.
Le clou du spectacle
Surtout, le commissaire aux comptes relevait dans ce rapport que sur 143,8 millions d’encours de prêts personnels, 18 millions d’euros sont des encours douteux, c’est à dire des créances à risque présentant déjà plusieurs impayés. Soit davantage que la totalité des prêts faits aux usagers pour leurs biens mis au clou, et dix fois plus que les bénéfices engrangés en 2018 (1,5 million d’euros)…
Chargée de la surveillance des banques et des assurances, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) mène actuellement une enquête sur ces créances douteuses. Sud Ouest, qui a pu consulter les premiers éléments de son rapport, évoque plusieurs crédits ouverts par le CMB pour plusieurs centaines de milliers d’euros, voire plus.
2,2 millions d’euros ont ainsi été prêtés au compositeur Jean-Jacques Debout et à sa femme Chantal Goya, sous le coup d’une interdiction bancaire, afin de leur permettre de payer une dette au Trésor public. Et ce sur la foi de leurs revenus Sacem (droits d’auteurs) de 2016.
« Dès lors que le Crédit municipal était avant de se rétracter sur le point d’accorder un prêt de 8 millions d’euros (pour un couple souhaitant investir dans un Ehpad du Nord de la France et dans des œuvres d’art), on peut s’interroger sur sa stratégie », pointe Vincent Feltesse.
« Responsabilité engagée »
Surtout, le candidat à la mairie s’ »étonne que la Ville ne réagisse pas sur ce dossier loin d’être anecdotique », et ce malgré plusieurs alertes, dont celle du commissaire aux comptes. La cible est claire :
« Nicolas Florian siège au conseil d’administration (formé de 10 personnalités, dont cinq élus) depuis 2014 et le préside depuis qu’il est maire de Bordeaux. Sa responsabilité est engagée et on se demande quel bénéfice tirent les Bordelais de cet outil pourtant détenu à 100 % par la ville de Bordeaux. »
Le maire, contacté par Rue89 Bordeaux, ne souhaite pour l’heure pas s’exprimer avant la remise du rapport complet de l’ACPR. Idem du côté de la direction de l’établissement bancaire. Mais pour l’ex président de la métropole bordelaise l’équipe municipale est « dépassée par les évènements » sans, ou même avec Alain Juppé lorsque celui-ci préparait la primaire à droite entre 2014 et 2016 ou digérait sa défaite…
A la revoyure
Il en veut pour preuve la gestion d’autres dossiers emblématiques, comme la revente des Girondins de Bordeaux par M6 à GACP et King Street. Au moment où ce fonds d’investissement est en passe de devenir l’actionnaire majoritaire du club, Vincent Feltesse considère que Nicolas Florian, chargé du suivi de ce dossier pour Bordeaux Métropole, aurait dû demander davantage de garanties sur le respect de l’accord liant le club, locataire du Matmut Atlantique, son exploitant SBA, et la collectivité qui en a ordonné la construction et doit à terme en devenir propriétaire.
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Alors que le FCBG veut baisser ses charges et que le nouveau stade, construit dans le cadre d’un partenariat public-privé, est toujours déficitaire, la revoyure du contrat, prévue l’an prochain, s’annonce ainsi éminemment sportive. Tout comme la reprise du chantier du pont Simone-Veil, que l’équipe de campagne de Vincent Feltesse ne voit pas se réaliser avant 2025.
L’ex candidat socialiste, battu en 2014 par Alain Juppé, fera s’il est élu en 2020 un audit des finances publiques, comme s’y engage également son rival Thomas Cazenave (République en marche). Il propose en outre de revoir le conseil d’administration du Crédit municipal, en intégrant des représentants des secteurs associatif et social. Pour favoriser la transparence, Vincent Feltesse voudrait confier à l’opposition la les commissions des finances et des appels d’offres, à l’instar de ce qui se pratique à la Région Nouvelle-Aquitaine, créer un statut de lanceur d’alerte dans les collectivités territoriales, et renforcer la commission consultative des services publics.
Même quand elle s’attaque au mont-de-piété, la campagne est sans pitié.
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