Avec une poignée de terre, Valentine Cohen dessine la Terre sur les planches du théâtre Le Cerisier. Sans frontières, elle imagine un monde meilleur. Elle imagine aussi une langue et un chant puissant qui, après le préambule d’une étrange créature, introduit le spectacle :
« J’ai fait un travail sur la résonance de la voix et le chant improvisé et intuitif. Il y a des zones physiques et quasi géographiques qui se révèlent. »
« Le chant se transmet dans la mémoire du corps » dit Valentine Cohen, l’auteure et l’interprète. Sa mémoire à elle est liée à la tradition juive. Et ici démarre sa lecture du monde, à travers soi. Là où « le politique rejoint l’intime ».
Rejoindre l’universel
« Ce texte est une auto-fiction, précise la comédienne. Il y a une matière première que j’ai prise de moi. En amplifiant cette matière et en complétant par d’autres témoignages, un postulat de départ s’est créé pour mieux comprendre le monde. Pour cela, j’ai la sensation de rentrer en moi-même, pour comprendre ce qui me meut et me coince. Je suis la première terre à explorer. J’évolue dans une spirale qui part du centre pour rejoindre l’universel. »
Cette exploration commence par un héritage et elle ne cesse d’évoluer tout au long du spectacle. Mais d’abord, « est-ce que quelqu’un a faim ? » Oui, parce que c’est ainsi que le partage de cette expérience démarre. « Je donne tout ce qui est en trop chez moi. Je me défais. » écrit Valentine Cohen. La générosité est annoncée.
Et c’est généreusement que se conduit le spectacle, avec tout ce que la comédienne est en capacité d’offrir : l’histoire de sa vie, les interrogations qui l’ont jalonnée, son père, sa mère, son intime. « Le sexe n’est plus tabou, le sexe est à bout. » « Tu aimes l’art et les gens, mais tu devrais aimer l’argent. » Et son père qui lui dit à propos de la sexualité, à 13 ans, « pour les questions hygiéniques, tu vas voir ta mère, pour le désir, c’est moi ».
Destin individuel
Valentine Cohen regarde le monde à travers son destin qui, à l’entendre, est fait de choix et de lois, « les lois qui nous fondent, nous confondent ».
« J’ai toujours été fascinée par les destins individuels, dès lors que le regard peut y plonger loin dedans, explique Mercedes Sanz, la metteuse en scène, dans sa note d’intention. Longtemps, c’est là que j’ai puisé mes plus grands apprentissages. »
Et pour y parvenir, Valentine Cohen ouvre grand les portes de son intime. « Loin de tout déni de réalité, le personnage que j’incarne propose une abolition des frontières. » Plus de portes ni de frontières.
« Cette femme donc, secouée par un besoin de vivre plus pleinement, se met en route pour comprendre les lois qui l’agissent malgré elle. Elle commence par les premières lois qui l’ont fondée, celles de sa famille et de ses méandres. Elle plonge, consciemment dans un voyage introspectif, organique et émotionnel. Elle est d’accord pour être dérangée dans le but de se transformer et peut-être ainsi de participer à la transformation du monde.
Seule sur scène, son rôle est taillé sur mesure. Son jeu s’y prête comme une évidence, « comme s’il naissait sur l’instant » s’en amuse l’auteure et interprète. Après avoir commencé l’écriture et la mise en scène de ce texte deux ans plus tôt, et après l’avoir interprété à plusieurs reprises comme un work in progress, « Et nous devînmes infranchissables ! » est dans sa version aboutie au théâtre Le Cerisier.
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