Une bouteille de vin pour ces messieurs, un bouquet de fleurs pour ces dames. Certaines n’ont guère goûté le cadeau d’adieu – « très macho », lâche une élue – fait ce lundi après le conseil par le maire de Bordeaux aux conseillers municipaux qui ne se représentent pas aux prochaines élections, le 15 mars prochain.
Et ils sont nombreux dans ce cas : car si Nicolas Florian a repris sur sa liste l’essentiel des cadres d’Alain Juppé – Alexandra Siarri, Stephan Delaux, Laurence Dessertine… -, une moitié de son équipe municipale va faire place nette.
Certains pivots de la droite bordelaise prennent leur retraite après plusieurs mandats, dont l’adjointe à l’urbanisme Elizabeth Touton, l’adjoint à la santé et aux seniors Nicolas Brugère, ou encore le maire de quartier de Caudéran, Pierre Lothaire, chaudement applaudi à la fin du conseil. Idem du côté de la gauche avec les retraits annoncés de la vie politique de figures locales, Vincent Feltesse (absent ce lundi du conseil) et Matthieu Rouveyre.
Parmi les partants, quelques élus auront eu une carrière plus fulgurante, comme Jérôme Siri, maire-adjoint de la Bastide, qui s’arrête au bout d’un mandat. Ses fiertés : avoir sauvé des espaces verts comme le square Reignier, et défendu bec et ongle la fermeture du pont de pierre aux voitures. « Résultat, il y a aujourd’hui 72000 personnes qui traversent la Garonne par cet axe tous les jours, deux fois plus qu’avant, et c’est la vocation d’un pont de faciliter les franchissements. »
« Besoin de renouveau »
Alors pourquoi raccrocher ? « Nicolas (Florian) avait besoin de renouveau, et moi aussi », confie l’élu. Quoique « disponible pour rempiler », il dit avoir hâte de retrouver sa boutique de vélos sur la rive droite, lâchée en 2014 pour la mairie de quartier.
« Je suis super content d’avoir bossé pour un mec comme Juppé, et d’avoir obtenu des moyens pour les gens qui en ont le plus besoin, mais je vais retrouver mon métier avec le même bonheur. Je ne sais pas si j’aurais eu le même enthousiasme pour un nouveau mandat. Maire de quartier, c’est du 24h/24, sept jours sur sept pour 2000 euros par mois, et tu en prends plein la gueule. Il faut être sur le terrain toute la journée, et mettre sa vie de côté pendant 6 ans. »
C’est aussi pour des raisons personnelles que Nicolas Guenro, élu « société civile » sur la liste de Vincent Feltesse en 2014, n’a pas souhaité briguer un nouveau mandat :
« J’ai trois enfants encore relativement jeune et mon activité professionnelle (il dirige la coopérative d’autopartage Citiz Bordeaux, NDLR). Or pour bien mener son mandat, il ne faut faire que ça. C’est la logique de notre système de pousser au cumul : comme c’est très compliqué de concilier une activité pro avec la sphère publique, il faut faire de la politique un métier pour s’y consacrer à plein temps. Il nous manque un mandat d’élu permettant de quitter son boulot pour faire de la politique, et d’y revenir ensuite facilement. »
« Pouvoir trop concentré »
Par ailleurs, Nicolas Guenro pense « ne pas être tellement fait pour être en première ligne sur cet espèce de champ de bataille, dans un affrontement qui est souvent de la comedia dell’arte ». Certes, il se félicite d’avoir porté avec l’opposition certains dossiers, révélant par exemple le très avantageux contrat du parking des Grands Hommes au profit de Vinci, ou alertant sur l’impossibilité pour Bordeaux d’atteindre son objectif de 25% de logements sociaux d’ici 2025.
Mais Nicolas Guenro déplore que le pouvoir municipal « soit très concentré », dans les mains du maire, de quelques adjoints et du directeur général des services. « Pour avoir un vrai impact, il faut faire partie des 10 qui décident. C’est ce qu’il faudrait faire évoluer, permettre à beaucoup plus de monde d’avoir des marges d’action ».
« Ici, on est assignés à l’opposition », déplore également Michèle Delaunay. Après 20 ans de conseil municipal, l’ancienne députée et ministre socialiste tire ce lundi sa révérence, un an après son adversaire préféré, Alain Juppé.
« Mon bilan d’élue municipale est faible car il est impossible d’améliorer les délibérations proposées par la majorité municipale. C’est particulièrement vrai à Bordeaux car Alain Juppé accédait peu à nos propositions. Mais c’est dans le le règlement du conseil : à l’Assemblée nationale, l’opposition peut faire des amendement ou des propositions de lois qui sont parfois retenues. Ce rôle de proposition est à l’échelle municipale trop négligé. J’ai toutefois pu plaider pour quelques causes, dont la lutte contre le tabac ou celle contre le SIDA, intégrée au contrat local de santé. »
Reste à voir jusqu’où les favoris des municipales pousseront leurs promesses de renouveler la démocratie locale.
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