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Le Cap Ferret à l’heure du couvre-feu, d’autres mairies de Gironde suivent

Le gouvernement a donné son quitus aux couvre-feux municipaux, censés prévenir les attroupements et la propagation du coronavirus. Dans la foulée, la préfecture de Nouvelle-Aquitaine a autorisé les interdictions de circuler la nuit prises par les communes de Lège-Cap Ferret et du Verdon, premières à les édicter en Gironde, suivies ce mercredi par Villenave. Marmande (Lot-et-Garonne) y a finalement renoncé, mais prévoit des « contrôles systématiques ».

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Le Cap Ferret à l’heure du couvre-feu, d’autres mairies de Gironde suivent

C’est Lège-Cap-Ferret qui a ouvert le bal. Enfin, façon de parler : son maire (divers droite) a décidé dès lundi 23 mars d’instaurer un couvre-feu de 22h à 5h. Mais rien de répressif, affirme Philippe de Gonneville, interrogé ce mardi dans Sud Ouest, qui veut simplement « éviter quelques débordements » :

« Je ne souhaite pas que des groupes de jeunes se forment, le soir, entre les villas du Cap Ferret ».

La cité balnéaire serait ainsi passée de 9000 habitants l’hiver, à 12000 à 15000 depuis le début du confinement et l’ouverture selon l’estimation du maire de 30% des résidences secondaires. L’arrivée des Franciliens n’était déjà pas bien vue de certains – à l’image du tag « Parigo home virus ? » sur une des villas de la presqu’île.

Validé a posteriori

Après l’interdiction d’accéder au littoral prise par la préfecture, la mairie a voulu par cet arrêté « empêcher les ados des familles venues en confinement de sortir le soir », selon Martin, un habitant de Lège :

« Le Cap Ferret, c’est une maison de retraite à l’année, avec des personnes âgées certes friquées, mais qui constituent un public à risque. Alors les gens ont un peu halluciné de voir arriver tous ces gens, dont certains potentiellement porteur du Covid-19, qui se croyaient en vacances. »

Pris lundi sans concertation avec la préfecture, le couvre-feu de Lège a toutefois été validé ce mardi par Fabienne Buccio. La préfète de Nouvelle-Aquitaine se range ainsi à la demande d’Edouard Philippe de se rapprocher des maires qui estiment cette mesure nécessaire – elle a été jusqu’à présent été surtout appliquée par les très droitières villes de Nice ou Béziers.

La presqu’île du Cap Ferret (WS/Rue89 Bordeaux)

La veille, les services de l’État avaient tancé l’édile de Marmande, Daniel Benquet, qui avait annoncé sa volonté d’instaurer ce dispositif en raison « d’incivilités « et d’un manque de sérieux vis à vis du confinement. » La Préfecture de Lot-et-Garonne lui avait alors fait savoir que le couvre-feu relève exclusivement du pouvoir de police administrative de la Préfète et « qu’il n’était pas prévu de telle mesure à ce stade ».

Abus

Rétropédalage des autorités après l’intervention télévisée du Premier ministre : Marmande peut instaurer un couvre-feu, tout comme les communes qui en Gironde ont pris un arrêté municipal interdisant tout déplacement entre 22h et 5h – Lège, donc, mais aussi Le Verdon.

« Il faut que les gens comprennent qu’ils doivent faire preuve de civisme, et protéger les autres », justifie Jacques Bidalun, le maire de cette petite commune de 1350 habitants, pourtant pas spécialement sujette aux incivilités.

Il n’y a pas eu « d’abus », reconnaît d’ailleurs l’élu local, réélu dès le premier tour aux dernières élections. « Ce n’est pas en réaction, mais à titre préventif. Et c’est une question de logique : si on interdit les déplacements et les regroupements pendant la journée, appliquons cette mesure aux soirées prolongées pour mettre tout le monde à l’abri ».

Alors que la commune ne compte qu’un seul policier municipal, Jacques Bidalun espère que la gendarmerie nationale l’aidera à veiller au grain.
A Lège-Cap Ferret, les effectifs permanents de 13 à 19 gendarmes se sont vus renforcés par 12 gendarmes supplémentaires.

Moins de deux, c’est l’idéal

Saint-Pierre-d’Aurillac (1338 habitants), commune du Sud Gironde au bord de la Garonne, fait partie des mairies citées par la préfecture comme ayant édicté un couvre-feu. En fait, le maire Stéphane Denoyelle a pour l’instant interdit les rassemblements de plus de deux personnes, estimant que ses concitoyens ne respectent pas suffisamment les règles de confinement, ayant tendance à se retrouver au boulodrome ou près du fleuve… Mais il ne s’interdit pas de passer au couvre-feu si nécessaire.

Malgré le feu vert de la préfecture, le maire (divers droite) de Marmande y a finalement renoncé, sans toutefois abandonner un discours martial. Ce mardi soir sur la page Facebook de la Ville, Daniel Benquet annonce des « contrôles systématiques », s’appuyant sur les dispositions de l’état d’urgence sanitaire, qui donne pouvoir aux policiers municipaux de contrôler les déplacements et de mettre les habitants à l’amende :

« Il a donc été décidé de verbaliser toutes les déviances, tous les comportements dangereux pour la collectivité, indique l’élu, médecin généraliste de profession. Tous les signalements de personnes clairement identifiées donneront lieu à des contrôles et des verbalisations si nécessaire. »

Liberticides ?

Pour Joël Hocquelet, candidat divers gauche (arrivé en tête devant Daniel Benquet à l’issue du premier tour des élections municipales à Marmande), et également médecin de métier, « la crise est importante, il mais faut privilégier les actions coordonnées avec l’État plutôt que les initiatives intempestives ».

Si elle soutient donc désormais les couvre-feux, la préfète de Nouvelle-Aquitaine, Fabienne Buccio se dit consciente du risque d’atteinte aux libertés publiques, et avance prudemment : pas question pour l’instant de prendre des arrêtés préfectoraux décrétant le couvre-feu à l’ensemble de la Gironde ou du Lot-et-Garonne, ce qui serait une nouvelle étape après son arrêté de fermeture des commerces de nuit.

« Les arrêtes de couvre-feu seront évalués au cas par cas pour déterminer leur caractère exceptionnel, en fonction de ce que le maire pourra arguer. Si les conditions pour la Gironde ne sont pas remplies, la question se pose dans la Vienne avec les velléités de plusieurs communes de l’agglomération de Poitiers. Mais c’est un mode très privatif de liberté. »

Ce mercredi, c’est le maire (divers droite) de Villenave d’Ornon, Patrick Pujol qui a annoncé un couvre-feu très strict de 21h à 6h, applicable le soir-même. La Ville aurait « déploré de nombreuses plaintes et inquiétudes de la part de ses administrés constatant dans leur quartier, un non respect des mesures sanitaires ».

La mairie précise qu’elle « a adressé une demande à Madame la préfète afin que lui soient octroyés les moyens humains (effectifs de police) lui permettant de faire respecter ces dispositions ».

Elle place en tous cas la préfecture dans une situation qui pourrait lui imposer d’étendre cette mesure à l’ensemble de l’agglomération bordelaise, si d’autres communes en font la demande. Une hypothèse qui, assure Fabienne Buccio ce mercredi, ne s’est pas encore présentée :

« Le maire de Bordeaux ne l’envisage pas à ce stade et je ne l’envisage pas moi-même. La question est que va apporter un couvre-feu par rapport aux arrêtés préfectoraux existants, déjà très restrictifs ? On ne pourra pas mettre un gendarme derrière chaque personne et les gens ont me semble-t-il compris que c’est une maladie grave. Il serait dommage que dans une grande démocratie comme la nôtre on ne sache pas se discipliner, et je préfèrerais qu’on n’en arrive pas là, chaque procédure restrictive est un aveu d’échec. »


#Confinement

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Photo : WS/Rue89 Bordeaux

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