Média local avec zéro milliardaire dedans

Projets pour Bordeaux 1/4 – Culture : les candidats promettent de « faire confiance »

La politique culturelle des candidats à la mairie de Bordeaux a été la dernière à sortir du bois. En plus d’une brève analyse de ses enjeux électoraux, Rue89 Bordeaux propose un comparatif des propositions des quatre candidats en tête des intentions de vote. Époque oblige, ils se retrouvent tous sur l’idée de vouloir mettre les acteurs et les artistes au centre de leurs politiques, mais surtout de leur « faire confiance ». Sur ce dernier point, c’est surtout l’inverse qui compte.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89Bordeaux, abonnez-vous.

Projets pour Bordeaux 1/4 –  Culture : les candidats promettent de « faire confiance »

Au cours d’une émission sur France culture, le 16 février, Vincent Guillon, le directeur adjoint de l’Observatoire des politiques culturelles français, avait déclaré à propos des élections municipales en France :

« La culture n’est pas un sujet en soi : elle est très peu abordée dans les programmes et ne semble plus faire gagner ou perdre les élections, contrairement à il y a une dizaine d’années où la culture pouvait être un thème majeur. »

En effet, les débats entre candidats semblaient encore une fois éviter toute référence à la culture, contrairement à d’autres questions comme les mobilités ou l’emploi, entre autres. La raison est que la politique culturelle, contrairement aux exemples cités, reste une affaire municipale alors que les élections du 15 et 22 mars sont étroitement liées à la gouvernance de la métropole.

Autant donc faire valoir les politiques qui visent l’intercommunalité, sachant qu’à Bordeaux, les probabilités de transférer la charge de la gestion de la culture de l’échelle vers l’intercommunalité restent faibles et que la ville centre exerce peu de responsabilités dans ce domaine comme le montre le schéma suivant établi par Emmanuel Négrier, directeur de recherche CNRS en science politique au CEPEL Université de Montpellier où Bordeaux serait contributrice à hauteur de 4% au budget culturel de l’agglomération.

Comparatif établi par Emmanuel Négrier, directeur de recherche CNRS du pourcentage d’apport de chaque ville centre à sa métropole.

Il a fallu attendre une tribune et une contre-tribune pour bousculer les candidats bordelais et pousser leurs équipes à plancher sur la question. La réflexion sur la politique culturelle change alors de braquet et les candidats se succèdent pour faire leurs propositions.

Nicolas Florian : une culture accessible

C’est le maire sortant qui dégaine le premier et consacre une conférence de presse dédiée à cette question, chose que tous les candidats ne feront pas (ou pas encore).

Sur ce registre, Nicolas Florian fournit 30 propositions divisées en trois thématiques : « La culture accessible à tous », « Soutenir les artistes », « Renforcer les institutions et valoriser le patrimoine ». A noter dans la marge, l’annonce des Etats généraux des arts, de la culture et du patrimoine en 2020 ; souhait que l’on retrouve dans la tribune publiée dans Rue89 Bordeaux en soutien à Nicolas Florian.

Nicolas Florian présente avec Fabien Robert, l’actuel adjoint à la culture, son programme culture à la galerie Arrêt sur l’image (WS/Rue89 Bordeaux)

Tout naturellement, Nicolas Florian déroule en premier lieu le bilan 2014-2020 qu’il doit pour une grande partie à Alain Juppé, rappelant que 77 millions d’euros ont été consacrés à la culture et au patrimoine chaque année sur cette période. Bien qu’il ne veuille « pas faire la litanie de tout ce qui a été fait » – citant entre autres la rénovation de la salle des fêtes du Grand Parc ou encore l’ « amarrage de la Fabrique Pola à La Bastide –, il rappelle que 81% des Bordelais sont satisfaits de l’offre culturelle selon une enquête IFOP d’avril 2018.

Et maintenant ? Nicolas Florian présente dans son programme des projets actés lors du précédent mandat : l’école du cirque aux Aubiers, les Bassins de lumière à la Base sous-marine, la rénovation des bibliothèques de quartier (Bacalan et Jardin public)… et risque par ailleurs de s’avancer sur des projets sur lesquels il n’a pas totalement la main : la Maison du dessin de presse et de la caricature à l’hôtel de Ragueneau dont le choix du lieu dépend encore du ministère de la culture, ou encore la refonte de l’Escale du Livre qui reste un événement multi-partenarial (Ville de Bordeaux, Bordeaux Métropole, Conseil Régional Nouvelle Aquitaine, Centre National du Livre…).

Parallèlement, Nicolas Florian affiche des idées nouvelles comme la mise en place d’un second dimanche gratuit pour les musées, la création d’un orchestre d’enfants par quartier, la création d’un service de médiation chargé de faire le lien entre les offres culturelles et le public, la création d’un appel à projet « Cultures et solidarités » afin de toucher des personnes éloignées de la pratique culturelle, la création d’une maison des artistes-auteurs avec des bourses et des résidences, la création d’une pépinière culturelle, la création de nouveaux logements et ateliers pour les artistes, la création d’un lieu dédié au cinéma et à la photographie…

Le programme du maire sortant est dans la continuité d’une politique mise en place avec l’équipe d’Alain Juppé et en particulier son adjoint à la culture Fabien Robert. Elle promet en toute logique une nouvelle biennale culturelle après « Paysages » et « Liberté ! », « Bienvenue Bordeaux 2021 ».

Thomas Cazenave : une culture incarnée

De son côté, Thomas Cazenave entre moins dans les détails et dévoile des grandes lignes. Le préambule du candidat est « d’instaurer une relation de confiance avec les acteurs culturels ». Comment ?

« Mettre à disposition un cadre sur trois ans pour permettre aux acteurs culturels de s’engager, de les laisser faire, de leur rendre leur liberté. »

Voilà qui pourrait aboutir, selon les calculs du candidat, à « une culture incarnée plutôt qu’une culture administrative ». La politique culturelle de la ville encouragerait alors « les prises de risques avant-gardistes », rappelant l’époque de Sigma et du Capc tout en réfutant le c’était-mieux-avant. Ce qui répondrait à un autre souhait du candidat : « Remettre Bordeaux sur la carte culturelle de France. »

Thomas Cazenave entouré de Marco Franchi et Olivier Doxaran, ses lieutenants pour la culture (WS/Rue89 Bordeaux)

Le candidat de la liste Renouveau Bordeaux fustige par ailleurs le « cloisonnement » des réseaux en place et invite à sortir des cadres jusqu’à solliciter des échanges avec les villes jumelées à Bordeaux. Le but étant d’avoir « une vision d’ensemble » et « une logique d’accueil », évoquant pour l’exemple des résidences d’artistes. 

Pour cela, et pour surtout pousser « Bordeaux à devenir pour l’Atlantique ce que Marseille est pour la Méditerranée », Thomas Cazenave déclare ne pas vouloir baisser le budget actuel de la culture, mais de ne pas l’augmenter non plus. Il souhaite le redistribuer et transvaser les grosses structures dépensières – comme l’Opéra – vers la métropole. 

S’il est question de grandes lignes, quelques idées précises sont évoquées : faire du Palais Rohan « un lieu culturel central et hybride ouvert aux Bordelais » et mettre en place un rendez-vous culturel qui rassemblerait tout Bordeaux dans un quartier de la ville. « Conjuguer vie culturelle et vie de quartier pour cultiver les liens entre les citoyens. » Rappelons que le candidat LREM a l’intention de créer 16 quartiers (au lieu de 8 aujourd’hui) et de ce fait une première approche de son projet aboutirait à deux rendez-vous par an. Avant que la boucle soit faite et qu’un événement organisé à Saint-Michel par exemple, puisse revenir à Saint-Michel, il faudra donc attendre 8 ans.

Pierre Hurmic : l’urgence est au dérèglement culturel

Chez Pierre Hurmic, la culture est traitée à la même enseigne que le climat. Le candidat écolo alerte dans son programme sur le « dérèglement culturel », l’ « urgence culturelle », et défend la « biodiversité culturelle »…

« La culture ne se résume pas au seul “secteur culturel”. C’est une vision globale qui concerne la ville, ses artistes, ses habitants, et notre volonté de vivre ensemble. Nous devrons veiller à ce que tous les modes de vie s’expriment en considérant les uns et les autres. »

Les intentions n’iront pas plus loin dans les détails. Si l’impératif de Pierre Hurmic est de « rétablir du dialogue et de la confiance », il prévient qu’il s’agit d’ « une note d’intention et non comme un inventaire à la Prévert des mesures promises car la rédaction des actions culturelles sera co-écrite avec les habitant.e.s et les acteurs culturels ». Il faudra donc attendre son éventuelle élection pour y voir plus clair.

Pierre Hurmic dans sa permanence de campagne (WS/Rue89 Bordeaux)

En revanche, comme il se doit, le terrain est à débroussailler avec quelques piques visant l’équipe en place et son héritage. « Depuis 30 ans nous subissons un mode d’administration de la culture vertical et cloisonné dans une volonté de contrôle ou de récupération. » Pierre Hurmic annonce dans la foulée « un changement d’ampleur : mettre les acteurs locaux au cœur des politiques culturelles de la Ville ».

Le programme du candidat de la liste Bordeaux respire ! s’éclaircit à la découverte des propositions concrètes : « Organiser un forum des acteurs culturels » et aussi « un forum des relations culturelles », « mener une politique de soutien au fonctionnement des structures et non de recours systématique à l’appel à projet » et, il n’est pas vert pour rien, « soumettre l’attribution des subventions à des critères environnementaux et sociaux ».

Pour la forme enfin, Pierre Hurmic propose de transférer à la métropole la gestion de l’Opéra – où il espère par ailleurs proposer plus de « croisements de formes artistique » –, et augmenter les budgets des musées municipaux pour des expositions d’envergure. A retenir également le « socle historique multiculturel de Bordeaux » où on retrouve une attention portée au passé négrier et colonial de la ville.

Philippe Poutou : une culture hétérogène

Fidèle à sa lutte anti-capitaliste, Philippe Poutou ne veut plus entendre parler des « politiques culturelles hégémoniques qui concentrent les ressources vers un nombre restreint de lieux et de formes culturelles ». Le programme de Bordeaux en Luttes que mène l’ancien ouvrier de Ford Blanquefort veut « reconsidérer l’ensemble des approches culturelles et artistiques à Bordeaux pour former un tout hétérogène qui fasse de la diversité une force ».

Philippe Poutou (à droite), avec Evelyne Cervantes-Descubes et Hugo Fourcade lors du lancement de sa campagne (EB/Rue89 Bordeaux)

C’est donc l’idée de « maisons de la culture pour tous » qui est mise en avant avec un principe d’autogestion par les acteurs de la vie de quartier et « au service de l’émancipation des classes populaires ».

La volonté de la liste de Philippe Poutou est de proposer une culture hétérogène pour « lutter contre la domination d’une certaine forme de culture ». Il entend augmenter et équilibrer les subventions aux associations culturelles d’une part et, d’autre part, mettre à disposition gratuitement des lieux équipés dans différents quartiers de la ville.

Enfin Philippe Poutou veut réveiller la « vie nocturne, marginale et alternative » permettant selon lui un bouillonnement artistique. Il égratigne au passage « la politique discriminatoire actuelle de la Ville de Bordeaux qui tend à réprimer et formater les espaces alternatifs ».


#Agenda des sorties

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Partager
Plus d'options
Quitter la version mobile