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Bordeaux écolo, Hurmic maire : la prise du Palais des Verts

Séisme à Bordeaux : la droite, aux commandes de la ville depuis 73 ans, est battue au second tour des municipales par Pierre Hurmic et sa liste d’alliance gauche-écologistes. La métropole bascule elle aussi. Récit d’une folle soirée.

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Bordeaux écolo, Hurmic maire : la prise du Palais des Verts

Peu avant 20h ce dimanche, peu de monde donne cher de la peau des écolos à Bordeaux. Largement devancé dans le seul sondage paru avant le second tour (40% contre 49% à Nicolas Florian), débouté par le tribunal judiciaire dans son recours contre les mails de campagne du maire sortant, Pierre Hurmic pouvait craindre que l’abstention, à nouveau au plus haut, ne joue contre lui.

D’ailleurs, le premier sondage (non officiel) sorti des urnes place Nicolas Florian en tête. Dans le QG de campagne de Bordeaux Respire, l’équipe du candidat s’enferme et analyse les premiers résultats qui commencent à s’égrainer, bureau de vote par bureau de vote. A l’extérieur, leurs supporters ont le sourire : les résultats dans la métropole commencent à esquisser un renversement de tendance, avec les villes d’Artigues, Carbon-Blanc et Saint-Médard-en-Jalles reconquises par la gauche.

Puis les télévisions dégainent leurs sondages : tous donnent Pierre Hurmic vainqueur. La foule commence à se masser rue des Trois-Conils, les clappings et les « on a gagné » commencent à fuser.

« C’est merveilleux, c’est historique, c’est beau », lâche Isa, 17 ans, t-shirt vert fluo de Bordeaux Respire ! sur le dos.

« Juppé est en pleur, nous on rigole »

« Ce serait juste pour Pierre Hurmic, c’est un mec intègre, estime Jean-Jacques, un musicien de 59 ans. Le système de la mairie est arrivé en bout de course, pour eux la ville devenait une propriété privée. Et la sociologie de Bordeaux a énormément changé, certes avec l’arrivée de beaucoup de bobos, mais ayant d’autres aspirations, plus écolos et solidaires que celle de la bourgeoisie bordelaise tradi. »

Au même moment au Palais Rohan, qu’il a occupé pendant 24 ans avant de partir l’an dernier au conseil constitutionnel, Alain Juppé dit déjà sa « tristesse », et confirme en creux la défaite de son successeur.

« Juppé est en pleurs, nous on rigole », lâche une militante dans la rue des Trois-Conils.

Pierre Hurmic reste cependant dans l’attente des résultats officiels par la mairie de Bordeaux. Son staff redoute une déconvenue comme celle du premier tour, où l’écologiste avait été coiffé au poteau par Nicolas Florian, et attend surtout le dépouillement des derniers bureaux de vote, donc ceux de Caudéran, traditionnellement acquis à la droite.

Pierre Hurmic sur les marches du Palais Rohan (SB/Rue89 Bordeaux)

Humilité

Il est 22h passé, et c’est l’explosion dans le local de campagne, aussitôt transmise dans la rue. Pierre Hurmic obtient 46,48% contre 44,12% au maire sortant Nicolas Florian (LR) et 9,39% à Philippe Poutou (NPA).

Pierre Hurmic sort et lève les bras, hilare. Dans une mêlée digne du carnaval de Dunkerque – ou plutôt des fêtes de Bayonne pour ce natif du Pays Basque –, au son d’une caisse claire, il se dirige vers la mairie pour ses premières prises de parole publiques en tant que maire élu.

Et celles-ci, depuis les marches du Palais Rohan, se veulent rassembleuses : il dédie « cette victoire à toutes les Bordelaises et les Bordelais qui, avec audace et courage, ont fait mentir les sondages et pronostics ». Assure qu’il sera « un maire humble », s’appuyant sur une « équipe nouvelle » :

« Un homme de parti n’est qu’une partie d’homme, dit-il en citant Jacques Ellul. Je serai à l’écoute des concitoyens pour réussir la transition écologique et solidaire, que nous ferons dans la concertation. »

Et l’avocat de rappeler notamment sa promesse de campagne de confier la présidence de la commission des finances du conseil municipal à un élu de l’opposition.

Petites graines

Ce rôle pourrait-il échoir à Nicolas Florian ? Dimanche, ce dernier a reconnu sa défaite, et sa responsabilité dans celle-ci : « Je n’ai peut-être pas apporté les bonnes réponses » aux « défis structurels » devant nous. Soulignant que 10000 électeurs ne se sont pas déplacés aux urnes, malgré « la situation difficile du pays », le maire sortant félicite Pierre Hurmic pour son élection, et Philippe Poutou pour son entrée au conseil municipal.

« Une nouvelle page va s’ouvrir pour Bordeaux je ne baisserai pas les bras et nous siègerons dans un esprit constructif (…) c’est notre ADN, nous sommes des gens bienveillants, ouverts et nous serons aussi des gens vigilants. »

Comment la gauche s’est-elle ainsi imposée dans le sprint final ? Les membres de l’équipe de Pierre Hurmic – PS, PC, EELV, Génération.s ou « société civile » –, évoquent la vague verte qui a emporté hier plusieurs grandes villes de France (Lyon, Strasbourg, Besançon, Poitiers…).

« Le confinement a peut-être joué, estime Camille Choplin, auteure et N°2 de la liste. Il a fait prendre conscience de la fragilité de notre système, et du besoin de respirer – tout le monde a alors ressenti que notre air était plus pur. Ce sont sans doute des petites graines qui ont essaimé. »

Une droite déboussolée

Emmanuelle Ajon, conseillère municipale socialiste, pointe aussi la dynamique locale :

« Nous avons mis tout ce qu’il fallait dans la balance, avec une vraie alliance de la gauche, on a bossé ensemble, et on a ratissé le terrain, en allant voir les gens à la régulière. Inversement l’union sur un coin de table entre la République en marche et la droite n’a pas été acceptée par la population, tout comme leur harcèlement par mails, téléphone et SMS a choqué beaucoup de gens. »

Delphine Jamet, autre conseillère municipale sortante (EELV), relève aussi l’incompréhension de l’électorat traditionnel de la droite tant à l’égard de l’alliance du maire avec Thomas Cazenave, qu’envers son programme très écolo… Contribuant sans doute à accroître l’abstention dans leur camp.

Plusieurs centaines de Bordelais se sont invités au Palais Rohan (SB/Rue89 Bordeaux)

Déjà les colistières de Pierre Hurmic évoquent la « responsabilité énorme » qui, avec la crise majuscule traversée par le pays, repose désormais sur les épaules de la nouvelle majorité. Ce dimanche, de nombreux militants associatifs sont venus saluer la victoire, et rappeler qu’ils seraient des compagnons de route exigeants, à l’instar de Laurent, d’ANV-Cop 21 :

« On sera là pour alerter le maire, lui montrer des alternatives concrètes et le pousser à être radical s’il le faut sur des dossiers comme la Jallère ou la déviation du Taillan. C’est bien que Philippe Poutou soit aussi élu pour aiguillonner Hurmic, et lui rappeler le mot d’ordre de transition écologique et sociale. »

Vendredi prochain, l’avocat et conseiller municipal d’opposition depuis 1995 s’installera dans le fauteuil de maire de Bordeaux. Prendra-t-il ensuite la présidence de la métropole, quinze jours plus tard ? Celle-ci a en effet basculé à gauche dimanche, avec un groupe écologiste conséquent, mais moins important que celui des socialistes, qui devraient donc en revendiquer la présidence. L’ère de la cogestion de l’agglo avec la droite va prendre fin – c’est du moins le souhait de Pierre Hurmic, et une nouvelle page pourrait alors se tourner.


#Bordeaux métropole

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