Ils étaient entre 7000 et 10 000 personnes, selon le syndicat FO CHU de Bordeaux, à manifester ce mardi à Bordeaux. Le cortège a démarré devant l’hôpital Saint-André, place Sainte-Eulalie, pour se terminer place de la Comédie. Parmi eux, des infirmières, des internes, des aides soignantes mais aussi tout le personnel hospitalier tels que des agents d’entretien.
Partis vers 11h30, c’est dans une ambiance festive mais avec détermination qu’ils ont défilé, banderoles et porte-voix à la main. Cours du Maréchal-Juin ils ont reçu le soutien des pompiers de Bordeaux, sortis pour les applaudir. Arrivés en haut du cours Georges-Clemenceau, ce sont les Bordelais assis au terrasses des brasseries qui les ont salués de leurs applaudissements.
« Pas d’argent, pas de soignants »
L’ensemble des syndicats hospitaliers était présents ; FO, CGT, le syndicat Solidaire, mais aussi des collectifs féministes, des syndicats d’entreprise ou étudiants.
Secteur public comme privé étaient mobilisés, avec par exemple une centaine de grévistes (sur 300 CDI) à la clinique Saint-Augustin, qui a dû réquisitionner certains d’entre eux pour assurer le service.
« On demandait depuis longtemps davantage de moyens humains et des salaires plus importants – celui des infirmières françaises est un des plus bas de l’OCDE, les brancardiers ne sont même pas payés au SMIC… rappelle Géraldine. On a montré pendant la crise que l’Etat pouvait compter sur nous, ce serait bien que l’inverse soit vrai. »
Sa collègue Gaëlle estime que les soignants n’ont plus aucune nouvelle du Ségur de la Santé, censé améliorer leur situation. Aussi, face au malaise des personnels de l’hôpital, l’heure est à l’union. Un représentant syndical crie dans son porte voix :
« Même si on a pas le même drapeau, on porte les mêmes valeurs. »
Isabelle, infirmière à l’hôpital Bagatelle, et déléguée syndicale FO, a pris le micro pour animer le cortège. Avec rage, elle chante pour galvaniser la foule et faire entendre haut et fort ses revendications : « Pas d’argent, pas de soignants ». Avec elle, une centaine de collègues de son hôpital sont descendus dans la rue. Elle pointe certaines incohérences :
« Avec nous, il y a le service des urgences de Bagatelle qui a été face au Covid. Ce sont des soignants qui ont été en première ligne qui sont là aujourd’hui. On a des équipes qui sont parties en renforts dans le Grand-Est pendant la crise. En même temps le directeur de la santé de Nancy annonçait des suppressions de poste. »
Au travail « la boule au ventre »
Isabelle a un sentiment d’injustice, car cela fait longtemps qu’elle et ses camarades interpellent le gouvernement sur le manque de moyens de l’hôpital public :
« Aujourd’hui le gouvernement est déjà en train de nous abandonner à nouveau, on n’est pas surpris. Le Covid a révélé une réalité au grand public. Maintenant on ne peut plus dire que l’on ne sait pas. »
Elle poursuit dans son micro : « On était tous présents, au travail avec la boule au ventre, sans matériel de protection, pour un salaire de 1500 euros ! » Elle rappelle : « Nous ne sommes pas des héros, nous sommes des professionnels. »
Revalorisation des salaires, augmentation des effectifs, mais aussi la reconnaissance du Covid comme maladie professionnelle pour les soignants qui ont été atteints, sont quelques exemples des revendications portées par les manifestants.
Les oubliés de la prime
Céline, est agent hospitalier, et elle est là ce matin auprès des soignants pour réclamer la reconnaissance et la revalorisation de son travail. En tant qu’agent d’entretien, elle n’a pas eu droit à la prime de 1500€ accordée par la direction de l’hôpital, qui selon elle l’est sur des critères discutables :
« On a été envoyés sur des secteur Covid. Le problème est que pour l’administration, on n’est pas classé dans la catégorie des personnels à risque. On n’a donc pas droit à la prime. Pourtant on a travaillé avec la peur d’être contaminés et de ramener la maladie dans nos familles. »
Pascal Gaubert, responsable FO CHU de Bordeaux, était lui aussi présent sur la manifestation. Il confirme avoir tenté d’interpeller la direction de l’hôpital au sujet de cette prime :
« On s’est battu pour que cette prime soit attribuée à tous les personnels hospitaliers auprès de notre direction, car tous ont traversé cette crise. Or actuellement elle est attribuée de manière discriminatoire par notre direction. »
Les personnels hospitaliers et les soignants partagent aujourd’hui un même sentiment de colère. Tous avertissent, cette mobilisation n’est qu’un début, ils sont déterminés à se battre.
Femmes et revalorisation des salaires
Enfin les collectifs féministes se sont joints au cortège pour rappeler combien les femmes sont en première ligne à l’hôpital. Isabelle, une ancienne infirmière à la retraite est elle aussi venue soutenir les manifestants :
« Le métier d’infirmier est féminisé à plus de 87%. Pour les Aides-soignants on compte plus de 90% de femmes, pour ne citer que ces exemples. Ce sont des travailleuses sous payées, et on ne revalorise pas leur salaire car on considère aussi que parce que ce sont des métiers féminins, ce sont des revenus d’appoint. Demander la revalorisation des salaires c’est aussi défendre la condition des femmes, et leur autonomie. »
Revalorisation des salaires, arrêt des fermetures de lits, une prime pour tous mais aussi la reconnaissance du Covid comme maladie professionnelle pour les personnels soignants et hospitaliers, sont des points sur lesquels les syndicats annoncent qu’ils ne lâcheront rien. La mobilisation de ce mardi matin, qui s’est terminée vers 14h sans incidents, pourrait ainsi ouvrir à d’autres appels à manifester.
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