« Nous sommes là pour apporter notre solidarité et attirer l’attention. » Aude Saldana-Cazenave explique ainsi les raisons de sa présence à l’inauguration du nouveau squat du collectif MIE (mineurs étrangers isolés), ce lundi, au 63 rue Camille Godard, tout proche du Grand Parc.
La coordinatrice régionale de Médecins du monde était présente aux côtés d’une quarantaine de personnes, pour la plupart des membres des associations composant ce collectif, telles que la Cimade, la Ligue des Droits de l’Homme ou ASTI (association solidarité avec tous les immigrés). Toutes venaient appuyer l’action des ouvreuses et ouvreurs de squats, qui permettent ainsi à de nouveaux migrants d’être hébergés.
Au total, 19 personnes sont accueillies dans ce squat : 15 mineurs, tous en procédure de recours au SAEMNA pour faire reconnaitre leur minorité et donc leurs droits à être pris en charge par le département, et 4 demandeurs d’asile.
Selon les organisateurs, une quarantaine de personnes pourraient être accueillies dans cette ancienne Maison Départementale de la Solidarité et de l’Insertion. Aujourd’hui vide, ce bâtiment appartient au département de la Gironde. Trois étages, une belle façade, et à l’intérieur, de vastes pièces, des sanitaires et une cuisine : il ne manque que des douches pour que le lieu soit idéal pour héberger du public.
Pourquoi recourir au squat ?
Diallo a 17 ans, et est arrivé de Guinée en passant par l’Espagne. Il s’est installé avec les autres mineurs non accompagnés dans ce nouveau squat mercredi 24 juin. « J’ai mon audience demain pour savoir si je suis reconnu mineur. J’ai fait la demande au département. » Quant à savoir ce qu’il compte faire une fois sa situation régularisée, la réponse est claire :
« Je veux étudier. J’ai arrêté mes études au pays pour venir ».
Lorsqu’un un migrant mineur arrive en France, il doit se présenter au département. Celui-ci, s’il reconnait sa minorité, doit le prendre en charge. En Gironde, c’est le SAEMNA qui se charge de reconnaitre la minorité des jeunes. S’ils ne sont pas reconnus mineurs en première instance, ils peuvent faire appel. Seulement, sur ce temps-là, « ils ne sont ni mineurs, ni majeurs » résume Aude Saldana-Cazenave. Comprendre : le département ne doit pas les prendre en charge, puisqu’ils ne sont pas officiellement reconnus comme mineurs, et les foyers ne peuvent les accueillir. Le squat reste alors une de leurs seules options possibles pour avoir un toit.
Annabelle, 42 ans, soutient l’ouverture : « C’est honteux, scandaleux, d’avoir autant de bâtiments vides et autant de personnes qui dorment dehors. » Si elle n’est pas engagée dans un collectif, elle a réussi à avoir l’info et est venue donner du temps, « seule chose [qu’elle] peut donner en ce moment ».
Charlie, Lova et Axelle, membres du collectif féministe queer intersectionnel FACK.AP !, partagent son avis : « Le logement, c’est le plus important. Nous sommes là pour défendre le droit au logement, dans une ville qui compte de nombreux logements vacants. »
2000 pour être plus précis, selon les chiffres avancés par la coordinatrice régionale de Médecins du Monde.
Du côté du département, on se dit « attachés à la santé des personnes qui sont à l’intérieur du bâtiment ainsi qu’à leur sécurité ». L’autre partie du site, de l’autre côté d’une cour partagée, est occupée par l’ADEPAPE (Association départementale d’entraide des personnes issues de la protection de l’enfance). Un projet de vente du lieu est en cours, « pour un projet social et solidaire », nous a-t-on précisé au département, sans plus d’éléments.
L’association indique avoir étudié un premier projet d’auberge de jeunesse, dont le staff serait composé uniquement de jeunes étant passés par l’aide sociale à l’enfance, mais leur dossier a été rejeté par la collectivité. Un second projet doit être présenté à Emmanuelle Ajon, vice-présidente départementale à la protection de l’enfance, dans les prochaines semaines.
Le département nous a indiqué avoir voulu ce mardi 30 juin au matin entrer à l’intérieur du squat avec un électricien, afin de réaliser un état des lieux rapide et s’assurer de l’absence de risque électrique, sans succès. Les services du département ont tenté de contacté le collectif MIE, sans succès pour le moment. La collectivité n’envisage pas pour l’instant une expulsion.
Philippe Poutou soutient cette « réquisition citoyenne »
Fraîchement élu conseiller municipal, Philippe Poutou (NPA) était présent à l’inauguration du squat. « C’était très important pour moi d’être là. Avant comme après l’élection, je vais soutenir les réquisitions citoyennes. » La tête de liste Bordeaux en lutte dénonce les actions de la préfecture – même si celle-ci n’a pas expulsé de squat depuis le confinement.
L’élu plaide pour que la trêve, déjà prolongée en raison de la crise sanitaire, soit reconduite jusqu’à l’hiver prochain, à cause de la canicule et du risque d’une seconde vague à l’automne. L’ancien syndicaliste espère que la nouvelle majorité optera pour une politique de soutien aux associations et collectifs qui ont recours aux squats. Poutou assume de mettre la pression à Pierre Hurmic, qui s’installera vendredi au Palais Rohan :
« Avec Florian, on aurait eu un mur sur cette question. Là, il y a peut-être des failles. On va voir si la nouvelle équipe a des réflexes de gauche. »
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