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Ces jeunes pousses écolos élues à la mairie de Bordeaux

Ce vendredi, le nouveau conseil municipal, élu le 29 juin, prendra ses quartiers au Palais Rohan. Si Pierre Hurmic, le nouveau maire écolo, est un ancien conseiller de l’opposition, beaucoup de ses colistières et colistiers n’ont jamais été élus. Portrait de trois de ces néo-élus de la liste « Bordeaux Respire ».

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Ces jeunes pousses écolos élues à la mairie de Bordeaux

Parmi les 48 élus de la nouvelle majorité bordelaise, il y n’y que trois conseillers municipaux sortants, Pierre Hurmic, Emmanuelle Ajon et Delphine Jamet. On retrouve bien quelques vieux de la vieille, comme Vincent Maurin, Patrick Papadato ou Marie-Claude Noël, qui ont par le passé déjà siégé au Palais Rohan.

Mais la plupart sont de nouveaux venus en politique, même s’ils ont de solides expériences dans des administrations (Benoît Meyer à Pôle Emploi), des entreprises (Bernard Blanc chez Aquitanis), des associations (Jean-Baptiste Thony, fondateur de Bordeaux Low Tech).

Et certains de ces novices sont amenés à assumer des responsabilités. C’est le cas de la future Première adjointe Camille Choplin, et de trois jeunes élus municipaux et métropolitains – Harmonie Lecerf, Stéphane Pfeiffer, Cyrille Jaber –, dont nous vous dressons ici le portrait.

Harmonie Lecerf, tendance Verts solidaires

Harmonie Lecerf, place Lucien-Victor-Meunier à Bordeaux, le 30 juin 2020 (TU/Rue89 Bordeaux)

Elle était 4e sur la liste « Bordeaux Respire ». À 32 ans, Harmonie Lecerf est désormais conseillère municipale et siègera également au conseil de la Métropole. Après 10 ans dans la Marine Nationale, « dont plus de la moitié à essayer d’en partir », elle reprend des études en droit. Diplômée de l’université de Bordeaux, elle s’engage dans des associations de défense des droits des étrangers et au sein du collectif Mineurs Isolés Étrangers.

Elle a failli se désintéresser des urnes mais en janvier de l’an passé, elle pousse la porte d’une réunion d’EELV « pour voir ».

« La réunion m’a enchantée. C’était un parti en construction sur les valeurs sociales, et je me suis dit que je pouvais peut-être apporter ma pierre à l’édifice », confie l’élue, qui souhaite aussi lutter contre l’abstention, « témoin du désintérêt pour la politique et seule ombre au tableau » des résultats de dimanche.

Bienveillance pour les assos

La nouvelle conseillère municipale assume de porter une ligne sociale dans la nouvelle majorité municipale, et veut s’appuyer sur les associations. D’ailleurs, lorsque nous lui demandons quelle mesure lui semble importante à mettre en place immédiatement, elle répond :

« Il nous faut répondre à l’urgence créée par la crise. Les associations ont vidé leurs trésoreries, notamment pour fournir de l’aide alimentaire. Il faut les recevoir et les soutenir. »

Elle salue aussi volontiers l’ouverture du squat du Collectif MIE : « il y a des mineurs à la rue qu’on ne voit pas. C’est facile de les ignorer. Avec l’occupation de lieux, on ne peut plus détourner les yeux. » Pour elle, le travail militant est un contre-pouvoir nécessaire. Et Harmonie Lecerf l’assure : « Nous recevrons les électro-chocs envoyés par les associations avec attention et bienveillance. »

Travailleuse sociale en CDD depuis quelques mois, son contrat s’est achevé vendredi. Un bon timing pour elle, qui s’apprête donc à intégrer les conseils municipaux et métropolitains.

Stéphane Pfeiffer, l’ESSpoir d’une nouvelle économie

Stéphane Pfeiffer installé à une terrasse voisine du QG de campagne de la liste « Bordeaux respire » (TU/Rue89 Bordeaux)

Son dada à lui, c’est l’économie sociale et solidaire ou ESS. Stéphane Pfeiffer, 29 ans et une barbe comme on en voit peu en politique depuis la fin de la IIIe République, est lui aussi un néo-élu de ce conseil municipal. Son engagement politique, néanmoins, est plus traditionnel. Étudiant à Sciences Po Toulouse, il est responsable de la section locale de l’UNEF puis quand le bureau national l’appelle, il monte à Paris faire son master.

Désormais syndiqué à la CGT et encarté à Génération·s, le voilà propulsé au conseil municipal et à la Métropole, où il espère pouvoir « créer un nouveau modèle économique, avec plus de coopération, avec la prise en compte des enjeux écologiques et l’intégration de toutes les parties prenantes : entreprises, collectivités locales et citoyens ».

Ancien collaborateur parlementaire d’une frondeuse socialiste, Fanélie Carrey-Conte, il prend le temps de réfléchir avant de répondre à nos questions.

Sport et espoir

Une mesure qu’il mettrait en avant ? Temps de réflexion. Et retour sur l’économie sociale et solidaire :

« Intégrer l’ESS dans tous les projets de développements économiques. L’exemple type, c’est l’économie du fleuve, autour du port et des transports. Il y a un vrai sujet, et nous pourrions créer une SCIC [Société Coopérative d’Intérêt Collectif], qui est par définition un outil à la fois public, privé et citoyen pour gérer ce développement-là. »

Il faut dire que son expérience professionnelle est entièrement tournée vers le domaine de l’économie sociale et solidaire. Avant d’être au chômage, il a travaillé au Centre de Ressources pour les Groupements d’Employeurs (CRGE) sur la question des emplois mutualisés (un salarié travaillant dans plusieurs entreprises mais avec un contrat de travail unique). Il a aussi particulièrement étudié la question des SCIC au sein des collectivités territoriales alors qu’il était employé de la Confédération Générale des SCOP.

Cela ne veut pour autant pas dire que Stéphane Pfeiffer ne montre pas d’autres centres d’intérêts. Comme sa nouvelle collègue, il s’inquiète de la désaffection des citoyens pour les urnes, et espère pouvoir « aller chercher les personnes qui ne croient plus en nous », notamment grâce à des mécanismes de démocratie participative. Et puis il y a le sport ! « 

Grand supporter des Girondins de Bordeaux » depuis son enfance, il aime « tous les sports » et veut rééquilibrer les politiques sportives de la municipalité avec un message pour les clubs professionnels : aucune inquiétude à avoir sur une possible aversion des écolos pour eux, mais la possibilité qu’ils soient « plus regardants » sur certains dossiers.  

Cyrille Jaber, l’homme de la nuit

Cyrille Jaber dans son bar place de la Victoire (DR)

C’est dans son bar situé place de la Victoire, Le Grizzli, qu’il nous reçoit. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il connait le quartier et que ce dernier le lui rend bien : en une demi-heure d’entretien, une petite dizaine de personnes le félicitent pour la victoire. Il répond à chacun avec un grand sourire, les yeux masqués par ses lunettes de soleil.

À 33 ans, Cyrille Jaber a un parcours atypique. Né au Sénégal, il arrive en France six mois plus tard, dans les Hautes-Alpes où il grandit. Il fait ses années lycées à Québec, au Canada, où il poursuit sa passion pour le hockey avant de revenir en France. Il devient commercial pour plusieurs groupes de téléphonie puis manager chez Casino. Les voyages lui manquent, alors il s’envole un an pour l’Australie. À son retour, il pose ses valises à Bordeaux et ouvre son propre bar, Le Grizzli. C’était il y a 6 ans.

Un Vert luisant

« C’est là que j’ai commencé à faire de l’écologie », confie-t-il. Pas de terrasse chauffée, des pailles écologiques depuis 5 ans et une réduction au maximum du plastique à usage unique : Cyrille Jaber fait de l’argument écologique l’atout business principal de son bar. Une fibre écologique qui l’amène à s’encarter chez EELV il y a 18 mois.

Désormais élu à la ville et à la métropole, il compte s’engager pour repenser le monde de la nuit, qu’il a découvert grâce à son activité professionnelle. Selon lui, il faut « être à l’écoute des professionnels ». Restaurateurs, patrons de bar bien sûr, mais également ceux du monde de la culture. En réalité, Cyrille Jaber a une acceptation très large du monde de la nuit :

« La vie nocturne va devenir de plus en plus importante dans notre quotidien avec le réchauffement climatique, car on sortira davantage le soir. Il y a des enjeux de sécurité, de santé, de sommeil, de transports, et une culture spécifique à la nuit. Il faut prendre au sérieux l’hôtellerie, les bars, les restaurants, les lieux culturels et associatifs. C’est aussi faire du social car beaucoup de personnes dorment dehors. »

Et le vert n’est jamais loin : « il faut porter l’écologie à la vie nocturne, en installant des cendriers à chaque sortie d’établissement, en promouvant le tri, etc. » L’entretien s’achève, ses yeux toujours cachés derrière ses lunettes de soleil. Il les retire peut-être la nuit.  


#Bordeaux Respire

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