Quand une fille de vigneron, militante anti-pesticides, se met aux bulles cela ne signifie pas qu’elle a décidé de produire du champagne mais plutôt de poursuivre son combat en bande dessinée. Valérie Murat est la fille de James-Bernard Murat. Ce vigneron dans l’Entre-deux-Mers est décédé le 8 décembre 2012 d’un cancer dû à l’arsenite de sodium, un toxique auquel il a été exposé dans son travail à la vigne.
Après des années de combat contre un système viticole délétère, Valérie Murat, ne veut rien lâcher. La bande dessinée est pour elle une nouvelle manière de militer et de faire passer son message en faveur d’une agriculture respectueuse de l’homme et de l’environnement :
« J’ai une histoire personnelle avec la BD car je l’ai fait découvrir à mon père quand j’avais 12 ans. A l’hôpital je lui apportais des bandes dessinées. Aujourd’hui, j’ai aussi choisi ce moyen de m’exprimer car je trouve que c’est très pédagogique. »
Valérie Murat comptait offrir « Les Ignorants » à son père pour son Noël 2012. L’histoire leurs ressemblait : un vigneron qui ne connait rien à la BD rencontre un dessinateur qui ne connait rien à la viticulture. Elle n’en a pas eu le temps.
Le cancer de son père a été reconnu maladie professionnelle par la Mutualité Sociale Agricole ( MSA). Valérie Murat a déposé la première plainte au pénal en France pour homicide involontaire d’un viticulteur décédé d’une maladie professionnelle en lien avec l’arsenite de sodium, un cancérigène reconnu.
Depuis elle se mobilise au sein de l’association Alerte aux toxiques. Son objectif : sensibiliser les consommateurs et le monde viticole à la dangerosité des molécules utilisées en viticulture conventionnelle.
« Une arrière boutique dégueulasse »
Ce combat passe désormais par la case BD, avec La vigne dans le sang, les racines d’un combat, un récit en onze pages publié dans le tome 5 de la revue Pandora (éditions Casterman), consacrée à la BD francophone.
Au dessin, une amie de l’auteure : Natacha Sicaud, originaire de Jonzac (Charente-Maritime), a notamment signé la série Savaneries (Glénat, huit albums).
Un couple de touristes anglais, venus déguster du vin de Bordeaux nous embarque dans ce récit documentaire, où l’auteur entend révéler « l’arrière boutique dégueulasse » derrière la vitrine luxueuse du bordelais.
Réalité sociale dans les vignes, excès de l’agriculture conventionnelle, lobby du Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB)… tout y passe dans cette BD sans concession. Pour autant il ne s’agit pas seulement d’un brûlot contre la viticulture conventionnelle dans le Bordelais. A travers, cette bande dessinée, l’auteur entend sauvegarder la mémoire de son père. Valérie Murat précise :
« Ce qui m’importe aussi c’est de laisser une trace de cette histoire. Onze pages, c’est vrai c’est un peu court mais c’est un bon format pour moi qui débute dans la BD. »
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