Sa grève de la faim entamée le 28 juillet n’aura pas sensibilisé les autorités françaises. Mehmet Yalçin espérait la révision de sa situation lui permettant de rester auprès de sa famille et de ses trois enfants (2, 4 et 6 ans), tous installés à Bordeaux depuis 2006. Il est finalement sur le point d’être expulsé. Interpellé à son domicile ce mardi matin à 6h, il a été conduit à l’aéroport de Mérignac où il a été retenu toute la matinée avant son transfert à Paris.
Son renvoi vers la Turquie est, selon la cinquantaine de soutiens venus pour un rassemblement devant l’aéroport, une condamnation à la prison, à la torture et à la mort.
« A peine arrivé, il sera “accueilli” par la police d’Erdoğan qui, et on le sait tous, n’a aucune pitié pour ses opposants, et notamment les Kurdes », s’inquiète l’un d’eux qui craint la « disparition pure et simple de [son] camarade ».
Absence de décision ?
Venu le rejoindre à Mérignac après son interpellation, son avocat, maître Gabriel Lassort, avoue son incompréhension :
« Monsieur Yalçin, qui avait fait l’objet d’une rétention administrative, avait été libéré sur décision du Tribunal administrative de Bordeaux jugeant mal fondée cette rétention. Monsieur Yalçin a souhaité une nouvelle fois l’examen de sa demande d’asile. Alors que la préfecture a voulu dès sa sortie le placer sous assignation à résidence, cette décision a également été annulée par le tribunal administrative de Bordeaux. J’ai appris ce matin son interpellation par 20 policiers à son domicile devant sa femme et ses enfants. »
Après avoir été retenu à la police des frontières dans l’aéroport de Mérignac, Mehmet Yalçin a été envoyé en fin de matinée au centre de rétention administrative (CRA) de Mesnil-Amelot, dans la région parisienne :
« Sur quelle décision ? Sur quelle procédure ? Nous n’avons pas plus d’infos, s’emporte l’avocat. On a vraiment l’impression que ce sujet est sensible et cela ressemble à une volonté de l’éloigner en contradiction totale avec les décisions de justice. Si à Paris, une nouvelle décision de quitter le territoire est émise, on pourrait la contester et ce serait suspensif. Mais je crains qu’il ne prenne aucune décision et le mette en catimini dans un avion pour Istambul. »
Liens avec le PKK
Dès son arrivée en France en 2006, Mehmet Yalçin effectue une première demande d’asile, refusée en 2012 par l’OFPRA. Il demande le réexamen de son dossier avec de nouveaux éléments, essuyant un nouveau refus en 2019. Cette année, il est condamné par la justice française pour des liens, toujours contestés, avec le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), considéré par l’Union Européenne et donc par la France comme une organisation terroriste.
Il a écopé d’une peine de deux ans de prison dont un an ferme, revue pour être effectuée sous le régime de la surveillance électronique (bracelet). Mais cette condamnation a provoqué le rejet de la révision de son dossier d’asile. Il s’est retrouvé sans papiers et a été arrêté le 28 juillet 2020. Le Conseil démocratique kurde de Bordeaux s’est alors indigné de cette arrestation :
« Incriminé comme un vulgaire terroriste, privé de papiers, il est maintenant menacé d’être jeté dans la gueule du loup. […] L’expulsion de Mehmet Yalçin vers la Turquie serait une violation grave de la convention européenne des droits de l’homme et de la Convention de Genève sur les réfugiés. La Turquie n’a rien d’un État de droit. »
Aussitôt libéré sur décision du Tribunal administratif, il demande une nouvelle fois le réexamen de son dossier, toujours en cours. Son interpellation de ce matin a donc surpris son avocat et ses soutiens.
Sur ce sujet, la réponse de la Préfecture de Gironde nous est parvenue par écrit ce mercredi qui dément le caractère suspensif de la nouvelle demande de réexamen :
« Monsieur Yalcin est débouté de sa demande d’asile qui a fait l’objet de plusieurs examens par l’Ofpra et la Cnda en 2007, 2019 et 2020. Quatre
mesures d’éloignement ont été prises le concernant. Il n’a pas contesté la première et les 3 autres ont été confirmées par le Tribunal administratif.
L’exécution de la dernière obligation de quitter le territoire (décision du Tribunal administratif du 28 juin 2020) implique sa reconduite en Turquie et une impossibilité de retour sur le territoire pendant deux ans. Compte tenu de l’ensemble des procédures, une nouvelle demande réexamen n’a pas de caractère suspensif. »
Originaire de la ville de Varto, au Kurdistan turc, Mehmet Yalçin a activement milité au sein d’organisations kurdes pour les droits de son peuple. Ses liens supposés avec le PKK n’ont pas simplifié ses démarches.
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