Sous le titre de « Tartufferie », trois compagnies de théâtre françaises d’artistes compagnons et compagnonnes du Théâtre national Bordeaux Aquitaine, ont mené ce samedi une performance théâtrale dans les magasins de trois grandes enseignes bordelaises : Fnac, H&M (rue Sainte-Catherine) et Auchan (Mériadeck).
Entre enthousiasme des clients et surprise moyennement bien accueillie par les responsables des magasins, les compagnies ont voulu « un geste concret, militant, pour montrer que l’art n’est pas fait pour répondre aux injonctions de la société de consommation, encore moins pour lui obéir, mais, concrètement, pour l’interrompre, la questionner, la faire dérailler ».
Energie du désespoir
Collectif Os’O (Bordeaux), Lapsus chevelü (Tours) et Deug doen group (Paris), ont imaginé, coordonné, et réalisé cette action en quelques jours.
« Nous étions tous au TnBA quand on a entendu les annonces du premier ministre Jean Castex, rapporte Baptiste Girard du Collectif Os’O. On s’est dit : puisque c’est comme ça, allons jouer dans les supermarchés ? »
Le défi voit le jour, porté par l’ « énergie du désespoir » ajoute Vanasay Khamphommala de la compagnie Lapsus chevelü.
« Cette action est pour dire notre détresse. Le public nous manque. On va le chercher là où il est, là où la politique actuelle le dirige, c’est-à-dire vers les commerces. »
Une performance « pour exposer le ridicule, l’incohérence, l’irresponsabilité de la politique culturelle dans le contexte de la crise sanitaire actuelle » écrivent-ils dans un texte. Et on comprendra mieux encore l’intention au regard de son emploi chez Blazac, que les trois compagnies citent :
« L’hypocrisie est, chez une nation, le dernier degré du vice. C’est donc faire acte de citoyen que de s’opposer à cette tartufferie sous laquelle on couvre ses débordements. »
Intrusion
A quelques jours du réveillon de Noël, au centre de « commerces pleins à craquer emblématiques de la société de consommation », les compagnies ont ainsi mené ce que Aurélie Van den Daele de Deug doen group appelle une « intrusion ».
En trois minutes, une dizaine de comédiennes et de comédiens ont interprété au milieu des clients et des rayons – BD et livres à la Fnac, habits pour homme à H&M, fruits et légumes à Auchun –, la dernière scène du « Tartuffe » de Molière, revue pour les circonstances. Un extrait :
« Cette crise inouïe, nous allons y survivre,
Pourvu qu’on ait des films, des spectacles, des livres,
Des lieux où réfléchir, et où nous rassembler,
Pour rire, pour rêver, pour pleurer, pour penser,
Voilà une occasion de solidarité,
Sans laquelle il n’est pas de vraie prospérité.
Défendons la culture : oui, elle est essentielle.
Pourquoi nous battons-nous si ce n’est pas pour elle ? »
Le message est clair. A 48 heures de l’étude du référé liberté déposé par plusieurs professionnels du cinéma et de théâtre auprès du Conseil d’Etat pour rouvrir les salles, « c’est important pour nous artistes de prendre la parole », souligne Baptiste Girard avant d’ajouter, « d’autant qu’on l’a beaucoup moins ces derniers temps ».
Un film, avec des extraits des annonces de Jean Castex, sera dès ce dimanche diffusé auprès du grand public. Une question y sera posée : « Pourquoi dans cette crise la culture subit-elle un traitement à part ? »
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