Durant le premier confinement de mars 2020, quand nombre de Français applaudissaient à leurs fenêtres chaque jour à 20h, Timothée Lainé a voulu faire plus pour les personnels hospitaliers. Les blouses blanches, il connaît : il a subi de nombreuses hospitalisations depuis 2018 et il sait le dévouement des médecins, infirmières et infirmiers. Par temps de Covid-19, ce jeune bordelais de 17 ans, a décidé, pour témoigner sa reconnaissance, de confectionner régulièrement des gâteaux et de les offrir aux soignants mobilisés face à la pandémie.
En avril 2020, il a créé son association, « Des gâteaux solidaires ». Des cookies pour les personnels hospitaliers, il passe rapidement à la préparation et la distribution de repas pour les sans abris. Ses maraudes dans les rues de Bordeaux mobilisent une trentaine de bénévoles, la plupart des adolescents de son cercle scolaire.
Dons bloqués
Timothée, élève de terminale, nous ouvre les portes de la maison de ses parents, au centre-ville de Bordeaux, à quelques pas de la rue Judaïque. C’est ici que, une fois par semaine minimum, les adolescents se réunissent pour préparer leur distribution. Ce jeudi, il est seulement 14h30 et le jeune homme s’active avant l’arrivée de ses compagnons.
Paquets de pâtes et bouteilles d’eau attendant dans sa chambre le passage à la cuisine où les membres de cette jeune association vont se lancer dans la préparation des repas.
« Entre avril et août, on préparait entre 300 et 500 gâteaux pour une distribution, c’était assez coûteux vu nos moyens de l’époque mais aussi très chronophage. On a décidé de nous tourner vers les sans-abri car ça nous paraissait plus utile. »
Accompagné de 3 à 7 bénévoles, Timothée prépare ces maraudes chaque semaine. Ses parents sont également d’un grand soutien, notamment pour le transport vers les magasins et au centre ville. Les dons de toute nature leur permettent de continuer à faire vivre leur association. Mais ce n’est pas sans difficulté.
« Légalement, les mineurs de plus de 16 ans ont le droit de présider une association et de détenir un compte, mais la banque nous en refuse l’accès du fait de notre jeune âge [n’ayant pas le label Junior association, NDLR]. C’est compliqué, d’autant plus cela nous empêche de récupérer 200 euros de dons sur la plateforme Hello Asso », déplore Timothée.
Cœurs en papier
À l’arrivée d’Eve, la vice-présidente, Timothée s’attelle avec elle à la préparation des pâtes, de la sauce tomate et des panés de dinde. La lycéenne de 15 ans connaît les lieux ce qui permet une bonne coordination entre les deux adolescents, bientôt rejoint par trois autres jeunes bénévoles. La petite cuisine s’emplit de rires et de musique. Une vingtaine de repas sont bientôt prêts à la distribution.
Ces initiatives attirent de plus en plus des proches du jeune garçon. Agathe, terminale au lycée Brémontier connaît Timothée des cours de musique de la Rock School Barbey. Touchée par le vécu de son oncle qui a connu la pauvreté, elle a décidé de se lancer et participe aujourd’hui à sa première maraude.
L’arrivée de la mère d’un de ses amis sonne l’heure du départ. Suzan est très impressionnée par l’initiative de Timothée.
« C’est une super action, s’il y avait plus de jeunes comme lui, le monde serait meilleur ! » lance-t-elle.
Son plus jeune fils qui l’accompagne, Louis, 7 ans, découpe des cœurs de papier qu’il compte distribuer aux sans-abri.
Une fois les boîtes de pâtes, les sachets de bonbons et les bouteilles d’eau chargés dans la voiture, la petite bande se prépare à partir. Direction : le marché des Capucins, point de départ de chacune des maraudes de l’association. Ils s’y retrouvent chaque semaine aux alentour de 17 h. Leur parcours les mène ensuite vers le cours Victor-Hugo et la rue Sainte-Catherine, à la recherche de personnes dans le besoin.
Bon accueil
Sous quelques gouttes de pluie, Timothée tracte le chariot des bouteilles d’eau et des repas. Trois autres personnes le rejoignent bientôt pour la distribution. Albert, 17 ans, est l’un d’entre eux
« Je trouve que c’est important, surtout dans la période qu’on vit. »
Il ne faut pas longtemps avant que les premières distributions n’aient lieu. Une vieille dame, assise à même le sol, peut ainsi profiter du premier repas chaud offert par les adolescents.
Passé 18 h, les boutiques de la rue Saint-Catherine se ferment sur le passage de la maraude. Bientôt, seuls les sans-abri arpentent les rues de la ville. Les jeunes se rendent à leur rencontre, discutent avec eux, leur offrent un contact humain en plus de leur aide alimentaire.
« Il arrive que l’on rencontre des gens agressifs ou sous l’emprise d’alcool ou de stupéfiants, raconte Timothée. Nous avons dû appeler les pompiers pour une personne ayant pris de la morphine en grosse quantité une fois. Mais en général les choses se passent bien, on reçoit un bon accueil. »
Conséquence de la crise sanitaire, de plus en plus de personnes se retrouvent à la rue. Coco et Anna, deux jeunes filles de 19 ans ne connaissent pas l’association. À la rue depuis un peu plus d’un an, Coco compte beaucoup sur les maraudes citoyennes pour se nourrir :
« Avec le couvre feu, c’est la galère vu qu’il n’y a personne dans les rues le soir. En fin de journée, c’est le moment où ça marche le mieux. »
21 repas finiront par être distribués. Les jeunes bénévoles retournent au marché des Capucins d’où chacun regagne son domicile, attestations en poches, autour de 18h30.
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