Sous le crachin et la surveillance des policiers, les allers et venues se multiplient. Rue Hortense, dans le quartier Bastide-Niel à Bordeaux, plusieurs camions de déménagements sont garés en file indienne. Une quinzaine de personnes occupaient depuis février 2019 cinq appartements, propriété du ministère des Armées et gérés par le bailleur social CDC Habitat (filiale de la Caisse des dépôts, l’institution financière publique qui gère l’épargne des Français). Les forces de l’ordre sont intervenues à 8 heures ce lundi 8 février pour les en déloger.
Dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux, des occupants dénoncent « une nouvelle insulte, une attaque même, envers les populations les plus marginalisées ». Lola, la vingtaine, qui habite ici depuis juin dernier, a trouvé une solution d’urgence :
« Ce soir, je vais être hébergée par des amis. Je pense que ça va être ça pendant un moment. Je n’ai pas d’autres choix. »
Une expulsion prononcée il y a près de deux ans
Trois familles avec enfants occupaient aussi les lieux. Guillaume et Oli sont venus aider à vider les appartements. Canapés et étagères sont portés à bout de bras. Sous des parapluies, valises et sacs s’empilent. Pour Oli, voisin du quartier, c’est une page qui se tourne :
« Ça va faire deux ans que le squat existe, c’est un triste anniversaire. »
William Harroué est directeur interrégional de CDC Habitat Sud Ouest, bailleur social propriétaire de l’immeuble :
« En mai 2019, nous avons obtenu une ordonnance de référé, qui a prononcé l’expulsion. Nous en avons informé les intéressés. Le 12 janvier dernier, nous avons demandé la réquisition de la force publique pour déloger les occupants.
Des solutions de relogement « au cas par cas »
William Harroué souligne que depuis 2018, avec la loi ELAN, les occupants de squats ne sont plus systématiquement protégés par la trêve hivernale, étendue cette année jusqu’au 1er juin. Le bailleur social compte reprendre les travaux initiés dans les appartements squattés. A terme, ces logements devraient accueillir des fonctionnaires du ministère de la Défense.
La préfecture assure avoir mis en place des solutions d’hébergements :
« Les trois familles délogées vont être prises en charge par le 115. Personne ne sera à la rue. En fonction de chacun, des solutions seront proposées. L’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) se chargera d’analyser les situations des cinq adultes isolés . «
Pour le moment, la préfecture n’est pas en mesure de confirmer si ces derniers sont demandeurs d’asile ou réfugiés, ce qui imposerait à l’Etat de leur proposer un hébergement. Dans leur communiqué, les personnes délogées pointent du doigt les « 5 000 logements vides » de la métropole bordelaise (en fait sans doute plus, si on en croit l’Insee), et demandent aux autorités compétentes de « prendre leurs responsabilités ».
Une expulsion « en l’absence d’urgence et en période hivernale »
La Ville, dans un communiqué paru lundi en fin d’après-midi, a « regretté que des expulsions soient mises en œuvre, en l’absence d’urgence, et en cette période hivernale et de crise sanitaire sans précédent ».
Elle tient à préciser que « le CCAS [Centre communal d’action sociale] de Bordeaux s’est mobilisé ce matin rue Hortense pour proposer un soutien et un accompagnement social si besoin », mais rappelle qu’il est « de la responsabilité de l’Etat de faire que personne, adulte ou enfant, ne soit laissé dans la rue ».
Le maire souligne « avoir appris ce week-end la volonté de l’Etat d’expulser de façon imminente » ce squat, et affirme qu’il sera « vigilant à ce que les solutions d’hébergement [soient] proposées aux personnes expulsées soient pérennes ». Le communiqué précise que ces appartements sont situés hors du périmètre opérationnel de la ZAC Bastide Niel. Une précision liée aux accusations lancées sur les réseaux sociaux, associant cette expulsion à l’aménagement de ce quartier, piloté par BMA, une société d’économie mixte contrôlée par la métropole.
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