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Il y a 30 ans, un bateau construit à Bordeaux sombrait au large de l’Afrique du Sud

Le dimanche 4 août 1991, en direct devant des dizaines de milliers de téléspectateurs, coulait par la proue un paquebot de croisière, l’Oceanos. Englouti par les eaux mouvementées de l’océan Indien, ce navire a été construit sur les bords de la Garonne en 1952 par les Forges et Chantiers de la Gironde de Bordeaux. Premier volet de notre série « Navires de la Lune ».

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Il y a 30 ans, un bateau construit à Bordeaux sombrait au large de l’Afrique du Sud

C’est la consternation devant le petit écran en cet après-midi du dimanche 4 août 1991. Non seulement les téléspectateurs assistent en direct au naufrage du navire l’Oceanos aux larges des côtes sud-africaines, mais ils apprennent par la même occasion que plus de 500 passagers ont été abandonnés par le capitaine et son équipage.

Sans l’intervention des hélicoptères sud-africains et le courage de deux hommes, érigés au rang de héros, de nombreux croisiéristes auraient péri dans l’océan Indien. Des opérations de secours d’une durée de sept heures ont donc permis de sauver toutes les personnes embarquées à bord, avant que ne sombre ce paquebot de 170 mètres construit en 1952 à Bordeaux, par les Forges et Chantiers de la Gironde.

Dernier des quatre jumeaux

L’Oceanos est le 23e navire signé par les Forges et chantiers de la Gironde de Bordeaux, et le 5e pour le compte des Messageries maritimes. Cet établissement ouvert en 1836 portait le nom d’Usine de construction navale Chaigneau et Bichon et était spécialisé dans la construction navale de guerre. En 1882, il devient les Chantiers et Ateliers de la Gironde SA-Ets Schneider. De 1929 à 1960, la société porte l’enseigne de Forges et Chantiers de la Gironde, s’oriente vers la marine marchande et la réparation navale, et se spécialise dans la catégorie 8000 à 300000 tonnes. Actuellement, depuis 1987, Construction Navale de Bordeaux construit des voiliers de plaisance.

Le 12 juillet 1952, Forges et Chantiers de la Gironde lance un paquebot de 7 554 tonnes, c’est le dernier de quatre navires jumeaux. Il est mis en service le 31 juillet 1953, sous le nom de Jean-Laborde, entre Marseille, Madagascar et l’île Maurice. De 1970 à 1976, il connaît plusieurs propriétaires, plusieurs noms et destinées, jusqu’à s’appeler Oceanos. Il a alors subi des modifications importantes, devenant un paquebot de croisière pour Epirotiki Lines of Greece.

Avec l’essor des croisières en 1988, et dans un état invraisemblable de délabrement, il est affrété en 1991 pour le compte de TFC Tours de Johannesburg sur l’océan Indien. En route vers Durban, l’Oceanos est parti du port d’East London, samedi 3 août 1991. La décision est prise par le capitaine Yiannis Avranas, 51 ans, malgré une météo marine défavorable. Le paquebot, dont l’entretien laisse à désirer avec des plaques de coque desserrées, des clapets anti-retour de réservoirs d’eaux usées démontés pour réparation, et un tuyau de ventilation non installé qui aurait laissé un trou de 10 cm dans la cloison étanche entre le générateur et le réservoir d’assainissement, se retrouve confronté à des vents de 40 nœuds et des houles de neuf mètres.

Bateau à la dérive

La fête de départ, prévue sur le pont, a lieu dans dans les salons à cause de la mauvaise météo. Vers 21h30 au large de la côte sauvage du Transkei, l’Oceanos perd sa puissance suite à une explosion dans la salle des machines. Le chef mécanicien signale au capitaine que l’eau pénètre dans la coque et inonde la salle des machines. Les générateurs sont court-circuités et l’alimentation électrique des moteurs est coupée. Le bateau est à la dérive.

L’eau monte encore et traverse le trou de 10 cm dans la cloison étanche. Elle remonte dorénavant par la plomberie, où les clapets anti-retour ont été retirés, et ressort dans les cabines via les douches et les toilettes. Paniqués, le capitaine et l’équipage quittent le navire, sans même déclencher l’alarme. Constatant les voies d’eau, des animateurs de la soirée et d’autres passagers se dirigent vers la passerelle… pour la trouver vide. Un musicien, Moss Hills, actionne la radio et diffuse les premiers SOS.

L’appel de détresse est capté par plusieurs navires environnants qui se rendent sur les lieux pour porter assistance. La marine et l’armée de l’air sud-africaines lancent une mission de sauvetage de grand ampleur. Celui qui n’était qu’ « un simple guitariste » organise l’évacuation des passagers.

Avec son collègue magicien Julian Butler, Moss Hills coordonne l’ensemble des opérations. Tous deux quittent le navire les derniers. Quelques instants avant, Julian Butler a la présence d’esprit d’ouvrir la cage de trois canaris que le capitaine gardait dans son carré et évacue également son chien, qui le mord, apeuré par la montée des eaux et la situation de panique.

L’évacuation à peine terminée, l’Oceanos commence à couler par sa proue qui a heurté le sable la première à 92 mètres de profondeur. Quelques minutes plus tard, la partie du navire de 60 mètres, restée à l’air, se couche en douceur et la coque s’immobilise sur son côté tribord presque perpendiculairement à la côte, avec sa proue tournée vers la mer.

Mystères

Les premiers témoignages sont accablants pour le capitaine et ses hommes. Yiannis Avranas a affirmé avoir coordonné les manœuvres d’évacuation de sa chaloupe. Il a assuré, une fois sur la terre ferme, vouloir continuer de diriger les opérations. Le capitaine aurait même appelé le navire et demandé comment se déroulait l’évacuation.

Une commission d’enquête grecque a estimé que Yiannis Avranas et quatre membres de l’équipage avaient fait preuve de négligence dans leur gestion de la catastrophe. Mais il n’a jamais été incarcéré et sa compagnie, Epirotiki Lines of Greece, lui a donné le commandement d’un autre ferry jusqu’à sa retraite.

Quant à l’épave, elle gît à environ 5 kilomètres au large des côtes, à l’extrémité ouest du cap des Aiguilles (Cabo das Agulhas). Celui-ci est le point de relief le plus méridional du continent africain et, étant le passage de l’océan Atlantique à l’océan Indien, connaît le courant le plus puissant au monde. À plusieurs reprises, des plongeurs ont tenté d’explorer l’épave de l’Oceanos, encore réputée pour être la plus difficile d’accès au monde.

Si le navire bordelais parti des eaux de la Garonne repose désormais dans des profondeurs lointaines et mouvementées, un autre mystère fait parler de lui : celui d’une femme rescapée de l’Oceanos qui a embarqué dans deux autres navires, naufragés également.


#Navires de la lune

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